C’est à un des moments les plus épiques des campagnes napoléoniennes que s’intéresse Michel Bernard. Il choisit de placer le lecteur aux côtés de l’empereur afin de lui faire partager l’intensité de cette campagne. Cette campagne de France de 1814 est en effet marquée par une disproportion énorme des forces entre une armée française réduite, mêlant vieux grognards et marie-louise et des forces coalisées nombreuses mais hétérogènes (Prussiens, Russes, Autrichiens, Wurtembergeois.). Cela ne va cependant pas empêcher Napoléon d’enchaîner de nombreuses victoires qui permettent de retarder l’échéance et forgent son image de grand capitaine.
Napoléon retrouve en Champagne les terres où il a été formé, et c’est la bataille de Brienne qui ouvre le récit. Comme pour les autres batailles présentes dans l’ouvrage, l’auteur privilégie l’épopée à la description minutieuse des combats. Dans un style enlevé, il met en valeur les grands moments de chacune d’elles. S’il adopte un point de vue résolument ancré dans le camp français, il n’en respecte pas moins le déroulé de celles-ci et met aussi en évidence les limites des victoires impériales. Aussi nombreuses soient-elles, elles ne peuvent renverser le déséquilibre général des forces. Elles ne sont en effet souvent remportées que si l’empereur et sa garde sont présents et s’il est capable de surprendre des corps ennemis isolés en tirant profit de sa position centrale pour manœuvrer, les Russo-Prussiens de Blucher en font fréquemment les frais comme à Vauchamps ou Montmirail. Cependant le déséquilibre le conduit à laisser de faibles forces à ses maréchaux, ceux-ci sont alors bien souvent obligés de reculer sous la pression. Sa présence ne garantit pas la victoire face aux masses coalisées, il échoue ainsi à Arcis comme à Laon.
Surtout, Napoléon échoue sur le plan stratégique, son audacieuse manœuvre sur les arrières n’empêche pas ses ennemis de marcher sur Paris. Dans ce plan, comme dans ses combinaisons diplomatiques ou ses consignes aux maréchaux, il considère que tout va se passer comme il l’imagine. Il sous-estime la motivation de l’ennemi et surestime celle des dirigeants de l’empire et de ses maréchaux. Il s’illusionne sur les forces dont ceux-ci disposent et ne voit pas la réalité des équilibres politico-militaires ce qui l’enferme dans l’idée que ses qualités militaires lui permettront de renverser la situation et lui fait exclure toute concession.
L’auteur nous montre un empereur qui fait preuve d’un exceptionnel talent opérationnel et qui a retrouvé un allant et des accents quasi-révolutionnaire. Il tranche ainsi avec le manque de confiance ou le réalisme de ceux qui l’entourent, seul son charisme semble leur donner la volonté de se battre encore. Et bien sûr cela se voit dans la manière de présenter le caractère et les actions des maréchaux lorsqu’ils apparaissent dans l’ouvrage. Cependant, bien qu’imprégné d’un souffle qui fait parfois penser aux œuvres glorifiant la légende napoléonienne, le récit ne tombe pas dans l’excès vis à des subordonnés de l’empereur.
Au final, un récit bien structuré, au style agréable, qui permet de revivre cette campagne hors-norme dans le sillage de Napoléon. Une approche qui peut cependant faire débat entre partisans et adversaires de celui-ci, mais qui n’enlève rien à la qualité littéraire du livre.
Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau