L’historien et anglophile Christian Destremau nous livre la biographie de Ian Fleming, un homme aussi fascinant que le personnage qu’il a créé, James Bond. A travers cette biographie, nous sommes replongés dans les vestiges d’une Angleterre qui n’existe plus, celle des années 30 à 50, avec son empire colonial, ses excès, ses mondanités, ses parcours de vie chaotique…
Il faut d’emblée souligner à quel point cette biographie est prenante. Le style de Christian Destremau est accessible, rigoureux et plaisant. Difficile de décrocher des 21 chapitres qui découpent cet ouvrage. Principalement parce que le lecteur est pris dans cette comparaison naturelle qui se fait entre le créateur et sa créature. Qu’est-ce qui relève de la fiction ou de la réalité? Du fantasme? Et, de la jeunesse à la mort de Ian Fleming, ce questionnement nous poursuit : qu’est-ce que James Bond de Ian Fleming et inversement? Est-ce que Bond est l’homme qu’aurait voulu être Fleming?
Une vie d’excès
A travers cette biographie solidement documentée, Christian Destremau se livre à une étude sans complaisance de la vie de l’auteur anglais. Nos suivons le parcours d’un enfant de très bonne famille, qui a suivi les meilleures études et qui, après une carrière honnête dans les services de renseignements, se découvre cette passion pour l’écriture. Il saura tirer de ses expériences et de son imagination une galerie de personnages hauts en couleur, de situations et de scénarii toujours plus rocambolesques et de femmes dénudées. Le tout saupoudré de ce qui fait la masculinité de son époque: un machisme assumé et une consommation excessive d’alcool et de cigarettes. Excès qui emporteront aussi Fleming à seulement 56 ans. Excès assumés: Fleming dit de ses romans qu’ils « sont écrits pour des hétérosexuels au sang chaud, qui les lisent à bord du train, dans l’avion ou dans leur lit ».
Néanmoins, c’est une recette magique qui a le don de captiver le lecteur. James Bond est un réel succès commercial populaire. S’il existe des critiques sur le style, l’abus de grossièreté et les multiples défauts de son héros, Ian Fleming peut savourer cette reconnaissance tardive, lui le cadet de famille qui a souffert de cette position. Mais ses excès ne lui permettent pas de pleinement vivre la réelle explosion du mythe James Bond avec son adaptation au grand écran, Sean Connery dans le rôle phare. De son vivant, il ne connaîtra que l’adaptation américaine par la CBS en série de Casino Royale. Une adaptation loin d’être restée dans les années de la télévision…
Cette biographie est donc un véritable coup de coeur. Elle emporte avec elle tous ceux qui ont été marqués par la saga James Bond, mais ceux aussi qui veulent découvrir la vie assez romanesque de son auteur. Un vrai régal.
Présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur
Né dans une famille écossaise fortunée, entouré de personnalités au caractère bien affirmé, Fleming, après une éducation des plus classiques, va longtemps chercher sa voie : un début de carrière militaire avorté, un passage très important chez Reuters, où il apprend à écrire simplement et rapidement, quelques années dans la banque… il est voué semble-t-il à un avenir relativement médiocre, dont le préservent d’une certaine façon ses succès féminins, qui en feront une sorte de roué. La guerre est le vrai déclic : Fleming rejoint le renseignement naval, où il imagine les plans les plus audacieux et se fait remarquer par sa capacité à résoudre les problèmes comme par le peu de respect qu’il manifeste pour la hiérarchie. Immédiatement après-guerre, il recommence à vivoter, entre piges journalistiques et séjours à la Jamaïque où il acquiert une maison en 1946 : « Goldeneye ».
Fleming entre en littérature un peu par hasard, en 1952, entamant une décennie d’intense création, livrant, coup sur coup, une dizaine d’épisodes de James Bond – le premier en 1953 : Casino Royale. Mêlant aventures exotiques, intrigues parfois absurdes, « méchants » invraisemblables, torture, sadomasochisme, séduction et sexe, le genre est totalement renouvelé et séduit un public de plus en plus nombreux. Dès la fin des années soixante, James Bond est un produit d’exportation majeur, un élément du « Soft Power » : il contribue, au même titre pourrait-on dire que la monarchie, au prestige mondial du Royaume-Uni. Son influence est telle que, dans le contexte de la guerre froide, l’on en vient à se demander s’il n’a pas même influencé la politique étrangère de l’Angleterre et des États-Unis…
Christian Destremau, fort de sa grande connaissance de la culture britannique, brosse avec maestria le portrait intime de ce génie créateur dont le héros, d’épisode en épisode, continue à fasciner des millions de personnes.
Présentation de l’auteur sur le site de l’éditeur
Christian Destremau, historien de la Seconde Guerre mondiale et fin connaisseur de la culture britannique, est notamment l’auteur d’une magistrale biographie de Lawrence d’Arabie (2014) et des très remarqués Ce que savaient les Alliés (2007), Le Moyen-Orient pendant la Seconde Guerre mondiale (2011) et Churchill et la France (2017), tous chez Perrin.