Les croisades ont souvent mobilisé les historiens, mais aussi les imaginaires et les écrivains. Rappelons-nous par exemple le livre d’Amin Maalouf Les croisades vues par les Arabes (1983). Jean Flori (décédé en 2018), spécialiste de la chevalerie et des relations entre chrétienté et islam, offre une mise au point rafraîchissante avec cette seconde édition, la première datant de 2009.
Tout d’abord, il convient de définir la croisade : c’est la mobilisation de forces armées chrétiennes pour libérer la Terre sainte occupée par les musulmans dans un premier temps, puis pour la défendre, en vain. C’est donc, en des termes modernes, l’expression d’une idéologie et d’une propagande, aux confins de la politique et de la religion qui ne font qu’une dans l’Occident chrétien des XI-XIIIè siècles.
Choc des civilisations ?
Quatre parties renvoient aux principaux clichés véhiculés sur cette longue période de pèlerinages armés (XIè-XIIIè siècle). La question du choc des civilisations est tout d’abord abordée, sous l’angle de l’épisode conflictuel, de l’objectif religieux – soit convertir -, ou encore des théories racistes (les pogroms de 1096 dans le vallée du Rhin). Puis vient l’analyse du lien entre papauté et croisades : outil géopolitique ? Oui, si l’on considère l’élargissement du sens du terme croisade qui devient un outil de domination du spirituel sur le séculier comme le signale la croisade lancée par Innocent IV contre l’empereur Frédéric II. Source d’enrichissement ? Sans doute. Le troisième volet s’ouvre sur les raisons des départs en croisade : pèlerinage ? Vénalité ? Propagande, voire manipulations ? Quoi qu’il en soit, le chiffre de 100 000 participants est régulièrement avancé pour la Première croisade, témoignant de l’ampleur de l’entreprise. La dernière partie anthropologique consacrée au merveilleux est sans doute la plus complexe mais aussi la plus révélatrice quant aux mentalités et conceptions du monde des contemporains. Elle renvoie à certaines analyses du très bon livre de Jean Flori Prêcher la croisade (2012).
L’émergence de l’Occident chrétien
Fait politique majeur du Moyen-âge, Jean Flori montre en outre que les croisades expriment une prise de conscience de ce qui unit l’Europe au cours de ces deux siècles, le catholicisme romain. Le rejet de la violence des premiers siècles du christianisme cède sa place à une aventure offensive, la guerre sainte donc sacralisée où convergent géopolitique, gloire, vengeance, rédemption et autres récompenses, matérielles ou immatérielles.
Pas de bibliographie à proprement parler dans ce livre fort plaisant, mais un appendice de quatre pages intitulé Pour aller plus loin, tout à fait suffisant pour se frotter aux références plus ou moins récentes de l’historiographie des croisades. Enfin, ce livre nourrit des connexions avec le programme de seconde, et les élèves pourront aisément présenter en classe en quelques minutes une idée reçue extraite de l’ouvrage, généralement traitée en quatre pages par l’auteur.
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