L’Italie commémore en 2021 les 700 ans de la mort de Dante. L’anniversaire de la disparition du poète a été salué par des dizaines d’évènements et de manifestations. A cette occasion, en France, deux biographies importantes sont parues.

Celle dont il est ici question, Dante, des vie nouvelles, parue chez Fayard, a été rédigée à quatre mains par Elisa Brilli et Giuliano Milani.

Elisa Brilli est professeure de littérature médiévale à l’université de Toronto. Elle a notamment publié Firenze e il profeta (Rome,2012) et dirigé le « Forum » sur les études biographiques de Dante (Dante Studies en 2018). Giuliano Milani est quant à lui professeur d’histoire médiévale à l’université Gustave Eiffel Paris-Est. Il a dirigé avec A.Montefusco le projet Dante attraverso i documenti (2016-2020).

Nous ne reviendrons pas ici très longuement sur la vie de Dante, par ailleurs déjà évoquée sur ce site lors d’une recension consacrée à la biographie du poète, rédigée par Enrico Malato. On peut toutefois en rappeler les grandes lignes, développées avec beaucoup de détails dans l’ouvrage de E. Brilli et G. Milani.

Le parcours de Dante Alighieri

Dante Alighieri est né à Florence en 1265. Il est le fils aîné d’un homme d’affaires, décédé alors que Dante était encore très jeune. En 1266 les guelfes ,partisans du pape, reprennent le pouvoir à Florence et chassent les gibelins,partisans de l’empereur. En 1274, Dante rencontre Beatrice Portinari, âgée d’environ 8 ans, l’amour de toute une vie. Mais Béatrice se marie à un autre et meurt en 1290, à l’âge de 24 ans. Cet amour platonique aura été au coeur de sa vie et de son oeuvre.

Dante se passionne pour le savoir, il apprend le latin, lit les poètes classiques et les philosophes et fréquente différentes écoles théologiques. En 1293 des mesures d’exception, les « ordonnances de justice » sont prises à Florence afin d’exclure les grandes familles nobles du pouvoir politique et le confient au popolo (le « peuple », qui inclut les membres de arts de métiers, les citoyens dévoués au «  bien commun, pour faire court , les bourgeois).

Autour de ses 30 ans, Dante prend une part active à la vie politique de sa ville. Il se range du côté du « Popolo », mais tout en étant partisan d’une certaine modération. En 1295, il est l’un des 300 membres du conseil général de la commune et il est même coopté dans le plus restreint et important des Conseils du Capitaine,le Conseil des Trente-Six. En 1300 il est élu prieur durant deux mois (15 juin-15 août 1300). Les guelfes se divisent alors en deux camps rivaux : les Blancs et les Noirs. Dante choisit de rejoindre les Blancs. En novembre 1301, Charles de Valois, frère du roi de France, arrive à Florence.

Envoyé par le pape pour soutenir les Noirs, ces derniers l’emportent et chassent les Blancs de la ville : Dante est alors banni de Florence pour « barrateria », notion juridique assez floue, qui recouvre des fraudes et des extorsions. Il passe les vingt dernières années de sa vie en exil et meurt en septembre 1321, sans avoir pu jamais revenir dans sa ville natale.

Une biographie novatrice dans son approche

L’intérêt majeur de la biographie de E. Brilli et G. Milani réside dans la tentative d’analyser les différentes sources disponibles pour les considérer chacune « dans sa propre série et dans son propre contexte », en travaillant sur les documents d’un côté et sur les œuvres dans lesquelles Dante écrit le récit de sa vie, de l’autre. Il s’agit de se pencher sur ces deux histoires différentes, mais enchevêtrées, pour faire ressortir, en les comparant et non en les combinant, les liens entres les différents facettes de la vie du poète.

Cette « restauration problématique » de la vie de Dante, qui n’hésite pas à mettre en valeur les lacunes, s’appuie sur les quatre âges de la vie évoqués par le poète dans ses œuvres, pour proposer au lecteur un parcours en 4 chapitres : son adolescence (1265-1290), sa jeunesse florentine (1290-1302), puis celle après le bannissement (1302-1310), pour finir par ses dernières années (1310-1321). Un prologue permet de revenir sur son ascendance et un épilogue aborde son incroyable postérité.

Les chapitres alternent ainsi entre l’Histoire, à travers les documents qui mentionnent l’homme, et l’œuvre de Dante, qui constitue un véritable récit de soi. Si tous les écrits de Dante sont évoqués et analysés, c’est évidemment dans la Commedia que ce récit de soi occupe une place particulièrement importante. Les pages consacrées par les deux biographes à la Comédie sont d’ailleurs très stimulantes.

Par son érudition et la rigueur de son analyse, la biographie écrite par Elisa Brilli et Giuliano Milani, mérite d’occuper une place de choix dans l’immense bibliographie consacrée à Dante. Mais c’est sans doute en raison de son parti pris méthodologique, novateur et passionnant, que ces « Vies nouvelles » de Dante emportent définitivement l’adhésion du lecteur et devraient imposer cette biographie comme un modèle du genre.