Une montre, une broche, une photographie, une alliance ou encore un portefeuille… Ces objets déposés par les déportés lors de leur entrée dans les camps de concentration sont des instantanés d’une vie fracassée. Les restituer à leur propriétaire ou à leurs descendants est la mission du Bureau des recherches et d’éclaircissement des destins, situé à Bad Arolsen, en Allemagne.
Par un concours de circonstance, Elise Kaplan a découvert son existence. Elle nous emmène avec elle découvrir le fonctionnement des Archives Arolsen, le Centre international sur les persécutions nazies. Nous y rencontrons la directrice, une française, Floriane Azoulay, ainsi que Nathalie Letierce-Liebig, coordinatrice du Bureau des recherches et d’éclaircissement des destins. L’autrice nous explique le travail de détective qui y est mené. Restituer un objet devient, au fur et à mesure, compliqué. En effet, retrouver les descendants des déportés est un travail de longue haleine, surtout si ce dernier n’a pas donné sa véritable identité lors de son entrée au camp de concentration. Ce travail peut sembler tardif et c’est pour cette raison que l’autrice revient sur l’histoire des Archives Arolsen, notamment sur les années durant lesquelles une « chappe de plomb » a freiné les restitutions. Ce livre interroge donc les capacités de l’Allemagne à mettre en œuvre un processus de réparation en rendant aux ayants droit des objets.
Dans cet ouvrage, nous découvrons donc des témoignages formidables et des fragments de vie. Elise Karlin a rencontré des descendants de déportés. Parfois, ils lui ont expliqué leur méfiance devant les lettres reçues de la part des Archives Arolsen leur annonçant qu’elles souhaitaient leur restituer des objets. Certains n’y croyant pas, ne donnaient pas suite (suspectant une plaisanterie de mauvais goût, voire un moyen de leur soutirer de l’argent). L’autrice nous emmène également à la rencontre de Georges Sougné, bénévole belge, qui parcoure les routes afin de participer à cette restitution en allant voir les descendants des déportés.
L’autrice fait preuve d’une réelle empathie et, en qualité de journaliste, elle approfondit certains faits historiques. Ainsi, elle revient sur la tragédie du Cap Arcona. En mai 1945, à la demande d’Himmler, des détenus du camp de concentration de Neuengamme ont été transférés sur cet ancien paquebot de la marine marchande allemande, stationné dans la baie de Lübeck. Des milliers de déportés y ont péri lors des bombardements de la Royal Air Force.
Court, efficace et très bien mené, c’est un livre qu’on ne lâche pas : pour en savoir plus, pour pouvoir mieux enseigner et, ainsi, mieux transmettre. Cet ouvrage peut être complété par le roman de Gaëlle Nohant intitulé Le bureau d’éclaircissement des destins paru en 2023 chez Grasset et disponible en livre de poche.