Abkhazie, Ossétie, voici des noms qui ont émaillé l’actualité de l’été 2008 par les évènements qui se sont déroulés en Géorgie le jour de l’ouverture des Jeux Olympiques. Les Français, qui ont suivi l’actualité estivale internationale, ont découvert l’existence de ces deux régions et les enjeux qu’elles impliquent au niveau des relations entre la Russie et la Géorgie. Un relent de guerre froide au cœur de l’été.
L’Abkhazie comme l’Ossétie du Sud appartiennent au territoire géorgien. Pourtant, ces deux régions ont pris leur « indépendance » et ont été reconnues en tant qu’Etat par la Russie. C’est à l’un de ces non-lieux que s’est intéressé Léon Colm. Ecrivain, soviétologue de formation et haut fonctionnaire international, il a beaucoup voyagé dans le monde post-soviétique et le Caucase. Il livre ici un récit construit à partir de rencontres et d’expériences vécues lors de ses voyages en Abkhazie (un par an depuis 2000). Le texte est accompagné par quelques esquisses en noir et blanc réalisées par l’illustratrice italienne Francesca Devalier.
L’Abkhazie est un Etat autoproclamé qui a déclaré son indépendance en 1994 après une guerre qui l’opposa pendant deux ans à la Géorgie. Aidés par les Russes, les Abkhazes ont chassé les 250 000 Géorgiens présents. Ils sont 50 000 à essayer de construire un pseudo Etat disposant toutefois de quelques signes extérieurs étatiques : police, école, institutions, timbres même si la Poste abkhaze n’existe pas ! Les organisations criminelles ne sont pas très loin derrière tout ça, même si Colm les évoque à peine. Le nationalisme abkhaze (qui prend racine dans l’existence d’un Etat abkhaze au VIIIème siècle) est très présent dans les récits des rencontres que Léon Colm fait. Ce que se soient les officiels qu’ils rencontrent ou que se soient des personnages croisés au gré de ses pérégrinations : vieil homme, gardien d’usine désaffectée, interprète auprès de l’ONU, directeur du marché, logeuse, chauffeur. Tous sont marqués par la guerre. Même si, celle-ci a eu un énorme impact sur leur vie, ils ne remettent pas en cause sa légitimité. Il faut attendre que le hasard fasse croiser à Paris à Paris Léon Colm et une Abkhaze en partance pour l’Italie pour que se soit évoqué l’autre point de vue. Cette femme n’a que faire de l’Abkhazie indépendante, elle a fui la région lors de la guerre et n’a pas l’intention d’y retourner.
Léon Colm livre ici un récit poétique s’attachant aux petits détails de la vie quotidienne qui se tient dans un paysage de désolation où persistent encore les vestiges de la guerre (blindés calcinés). Le texte n’apporte pas beaucoup d’éléments de compréhension. Ce n’est pas un manuel de géopolitique mais une sorte de « promenade ». Il rend compte de ce que sont les gens qui peuplent cet espace sans véritable statut. Il montre le décalage, en reprenant la formule du double corps du roi cher à Kantorowicz, entre le corps physique et le corps fictif de l’Abkhazie. Ici, seul le corps fictif est présent. L’Etat existe mais il est bringuebalant. Le propos de l’une des interlocutrices de Colm (« Regarde la carte du monde et tu verras au centre géométrique de cette carte le Caucase et au centre du Caucase, tu verras l’Abkhazie. Oui, ici, nous sommes au centre du monde ») est bien la preuve que le pays existe dans la tête des gens à défaut d’avoir une existence internationale.
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