Et si l’histoire pouvait s’appréhender grâce à l’infographie ? : tel est le pari des deux auteurs. L’infographie est un mode de représentation de l’information de plus en plus présent dans la presse, mais pas seulement, comme le prouve ce nouveau livre co-rédigé par le data designer Nicolas Guillerat. L’objectif est de synthétiser des informations par une mise en images. Celui-ci avait précédemment réalisé « Infographie de la seconde guerre mondiale ». Ici il est associé à l’historien et archéologue John Scheid, auteur notamment de « Quand faire c’est croire », ou encore de « Rites et religions à Rome ». Milan Melocco, doctorant en histoire ancienne à Sorbonne université, complète l’équipe.
L’infographie et l’histoire
Le principe de l’infographie est qu’on est immédiatement happé par l’aspect visuel. Cependant, il faut ensuite dépasser cette séduction immédiate pour se plonger dedans et se rendre compte de ce qu’elle peut apporter. C’est donc un langage qui, reconnaissons-le, peut nécessiter un temps d’appropriation. Le lecteur n’est pas laissé seul face à l’infographie puisque chacune est accompagnée d’un texte. Le livre est un grand format ce qui en rend la consultation agréable. Il est organisé en trois parties et dix chapitres. Les auteurs précisent d’abord quelques choix et partis pris. L’Empire de Rome n’est pas un empire territorial centralisé mais une mosaïque d’éléments, ce qui peut rendre difficile la visualisation de certains thèmes. Un autre type de problème est le nombre et le type de sources difficilement exploitables. « Notre traitement de l’histoire de Rome sera donc sommaire et rapide pour les premiers siècles et commencera réellement lorsque nous disposons de documents historiques, textes … ». A partir du IV ème siècle après J-C, d’autres difficultés se posent. Il faut aussi dire que la masse des documents rend impossible l’exhaustivité d’où le choix d’exclure la question de la culture.
Territoires et populations de l’Empire romain
Dans cette première partie, trois entrées sont abordées : « De la cité à l’Empire », « Le peuple romain » et « Une mosaïque de cités ». La question de la démographie est un sujet complexe car les données sont « morcelées, souvent contradictoires ou incomplètes et rarement continues ». La double-page sur « Le peuple romain » montre l’évolution de la répartition de la population de l’Empire et la répartition en fonction de son statut. On peut regretter le choix des couleurs avec du marron, du jaune et de l’orange alors que les mêmes couleurs sont attribuées en haut à l’Europe, à l’Asie et à l’Afrique. On trouve également une infographie sur les statuts juridiques liés aux origines sociales. Le livre offre aussi une approche sur la mosaïque de cités en détaillant le cas de la Gaule et de la Gaule Belgique.
Gouverner, vénérer les dieux, pourvoir aux besoins
Une première entrée s’intéresse au système politique romain. Le lecteur pourra aussi tout savoir sur les différents magistrats romains. On trouve également une description des pouvoirs de l’empereur à travers son titre ce qui est très pratique pour être, par exemple, utilisé en classe. La page 52-53 détaille la chronologie des empereurs et offre un grand nombre d’entrées croisées qui permettent de déterminer si le règne étudié correspond à une période de « conquête » ou de « perte territoriale », « réforme politique » ou encore « type de mort ». C’est peut-être un peu chargé et, plusieurs fois dans l’ouvrage, on peut se poser la question de l’équilibre entre volume d’informations et lisibilité. Un peu plus loin, les auteurs choisissent de s’arrêter sur un exemple d’une grande fête avec les jeux séculaires. Ceux-ci furent célébrés trois fois durant une semaine. On a accès à tous les détails, y compris la composition des sacrifices, avec par exemple pour le 3 juin un mouton, trois gâteaux, trois galettes et trois pâtisseries. On appréciera, ou non, la représentation graphique des animaux qui a parfois un aspect comparable à celui des vieilles cartes de géographie. Au niveau économique les auteurs s’arrêtent sur le cas de la Sicile comme fournisseur de céréales. Une autre grande carte traite des voies de communication et des ressources de l’Empire de Rome.
La puissance militaire de Rome
La troisième partie commence avec une approche des légions comme instruments de la domination romaine ce qui est l’occasion notamment de les détailler. Entre le Ier et III ème siècles de notre ère, la légion comportait dix cohortes d’environ 500 fantassins commandée chacune par un tribun militaire. On dispose aussi d’un schéma en sept étapes pour comprendre comment se déroulait la construction d’un camp romain. On peut compléter cette approche avec une page sur les principales frontières fortifiées avec des éléments qui pourront être utilisés en HGGSP dans le cadre de la question sur les frontières. Les auteurs détaillent ensuite différentes tactiques militaires. Une des entrées les plus intéressantes concerne le parcours d’un légionnaire que l’on suit à la fois avec un fil chronologique et une carte de déplacements. Certaines entrées sont extrêmement détaillées comme celle qui étale l’équipement justement d’un légionnaire. Cela tient parfois de l’imagier mais avec un luxe de détails. Une double-page propose l’histoire des 44 légions du Haut-Empire mais, si tout y est, il faut reconnaitre que les aller-retours entre légion et légende n’en rendent pas forcément la lecture aisée. Pour les adeptes de tactique militaire, les dernières pages décortiquent quelques grandes batailles comme Cannes ou Zama ou le siège d’Alésia.
Cet ouvrage propose un éclairage différent sur la Rome antique. Il faut reconnaitre qu’il offre sur de nombreux aspects des informations très détaillées. Personnellement, commencer par la lecture des textes avant de me plonger dans les infographies m’a permis d’en faciliter l’appropriation.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes