La multimodalité, vous connaissez ? Traditionnellement associée à l’idée d’une articulation entre formation en présence et à distance, l’auteure, docteure en sciences de l’éducation, s’empare du terme et en propose une réalité plus large pour renouveler les façons de faire cours. La première partie de l’ouvrage pose les bases théoriques, la deuxième, la plus fournie, donne des idées tandis qu’une troisième a plus valeur de réflexion-conclusion. Les différents contributeurs sont présentés en fin d’ouvrage. Destiné à un public de formateurs, le livre se veut résolument pratique.

 

Définir la multimodalité

Marie-Christine Llorca entend par multimodalité la « variation des modes d’apprentissage ». Elle présente d’abord les quatre moteurs de cette idée : la composante mouvement, ludique, reliance et émergence. Elle souligne également autant de points de vigilance, à savoir qu’il est indispensable de réfléchir à la dimension temporelle mais qu’il faut aussi privilégier le qualitatif. Elle note l’importance de développer une attention sélective et de tenir compte des biais cognitifs. 

Les bases théoriques

L’auteure insiste d’abord sur un contexte en mutation qui se traduit par la modification de l’équilibre des échanges entre formateur et apprenant. Le numérique a un rôle à jouer parce qu’il permet une plus grande personnalisation des parcours. Quand on pense multimodalité, il faut envisager les lieux, les situations, les outils et les supports d’apprentissage. Il est nécessaire de repenser ce que signifie apprendre : le fait-on seul, en groupe par exemple ? Il faut faire attention également à la « solitude interactive » lorsque l’on est seul finalement devant son écran. Karine Bressand insiste sur l’apport des neurosciences à la multimodalité. Elle rappelle les quatre piliers de l’apprentissage popularisés par Stanislas Dehaene. Les neurosciences donnent des éclairages pour faciliter les apprentissages de tous. Apprendre demande des efforts, nécessite des rétroactions et de la consolidation. Il ne faudrait pas, pour autant, oublier le rôle des émotions et du mouvement. 

Une structure commune pour explorer les possibles

Une même structure existe dans les six chapitres suivants à savoir tout d’abord une description de la modalité. Ensuite, l’auteur concerné donne des références théoriques puis il y a une description détaillée de ce qu’il est possible de faire. On trouve également des points de vigilance et, pour finir, quelques exemples pratiques ainsi que des liens vers des ressources complémentaires. 

Désigner ou aménager les espaces d’apprentissage

Il s’agit de réfléchir aux espaces dans lesquels se passent les moments d’apprentissage. Il faut tenir compte si possible d’une certaine convivialité des lieux. On découvre le fonctionnement du futur Classroom Lab à Bruxelles. Ce système s’appuie sur des zones comme « enquêter » ou « créer ». Il ne faut pas se cacher que de tels projets nécessitent de sérieux moyens y compris dans l’exemple, plus modeste, de cette classe d’anglais organisée en différents espaces. La partie « Pour aller plus loin » offre des liens intéressants. Un deuxième chapitre précise les organisations possibles des salles de formation : traditionnelle, en U, ilots ou flexible avec avantages et inconvénients. 

Faire bouger pour faire apprendre

Ucka-Ludovic Ilolo définit la « Gestelligence » qui invite à mobiliser son corps pour engager l’attention. Un schéma définit les différentes étapes à considérer si on veut s’engager dans cette voie. Parmi les questions à considérer, il faut se demander de combien de temps on dispose pour faire vivre une expérience ou encore quels moyens matériels on a à disposition ? 

Créer

Il s’agit cette fois de s’intéresser au « design thinking et au jeu en pédagogie pour mettre en avant le rôle de la créativité et de la dynamique ludique » dans les apprentissages. On notera le clin d’oeil de Hugues Dargagnon, le rédacteur de cette entrée, pour organiser son texte sur la gamification à la façon d’un jeu de rôle qui entraine le lecteur de numéro en numéro. Plusieurs entrées sont renforcées par des documents complémentaires à scanner sous forme de qr code.

Construire ses traces d’apprentissage

Caroline Bélan-Ménagier évoque deux dispositifs possibles : l’EAP et le carnet de bord. L’EAP désigne l’espace personne d’apprentissage. Il s’agit, par exemple, sur l’ordinateur de construire et d’organiser un espace pour ses divers apprentissages. L’idée est qu’il s’agit d’un processus continu plutôt que d’un dossier figé. La tenue d’un carnet de bord participe de la même dynamique d’auto-apprentissage. D’autres exemples sont ensuite présentés, à adapter selon les cas comme la technique des badges.

Intégrer le numérique pour diversifier

Jean Vanderspelden développe d’abord la question de la pluralité du numérique autour des idées de présentiel-distanciel ainsi que de synchrone asynchrone. Il explique les différentes combinaisons possibles selon, par exemple, la part du présentiel. Plusieurs cas sont ensuite développés pour montrer l’intérêt de cette articulation pour la préparation au concours sanitaire et social. Un autre dispositif est évoqué avec des camionnettes connectées sillonnant la Normandie.  

Restaurer, réparer

Elizabeth Perry traite des ARL, ou Ateliers de raisonnement logique, qui ont pour but de recréer les « conditions d’une remédiation fonctionnelle et socio-affective du raisonnement ». Ils sont à destination d’adultes en difficulté d’apprentissage. Marcos Malavia expose l’utilisation possible du théâtre pour permettre aux patients atteints de maladies chroniques de mieux vivre avec. On parle de «  théâtre du vécu » et ce mode d’expression a été inventé en 2002. 

Une fois tous ces éléments présentés, il reste à présent à articuler l’ensemble. Il faut en effet créer une dynamique d’apprentissage qui « intéresse l’apprenant et contribue à l’atteinte des objectifs ». Plusieurs bons conseils sont donnés comme garder la boussole des objectifs, éviter le jeu récompense ou organiser le désordre lié à la multiplicité.

Cet ouvrage envisage la multimodalité comme un moyen de mettre au centre l’individu en tant qu’apprenant. Chaque formateur, selon son niveau d’intervention et les possibilités qu’il a, notamment en terme d’espace, pourra trouver des idées à tester afin de renouveler ses pratiques.