Bruno Devauchelle est l’auteur de chroniques hebdomadaires dans le Café pédagogique sur la question des TIC dans l’éducation. Il explore ici la thématique de l’inversion pédagogique dans un sens large. 

Un peu d’histoire de la pédagogie

Bruno Devauchelle rappelle d’abord que la salle de classe ressemble étrangement à    «  ces lieux d’exercice de la religion aussi bien par l’agencement des mobiliers, la place des participants », ou la place de l’enseignant dans la salle. Historiquement, c’est l’enseignement simultané qui s’est imposé et on peut voir les réflexions sur la classe inversée comme une tentative de réponse à ce modèle magistral. L’auteur dit également que toute l’histoire de l’école est marquée par des initiatives pour améliorer la question de la transmission. Récemment, les débats se sont focalisés sur la mise en activité des élèves. Il termine son chapitre en soulignant que, chaque jour, des enseignants innovent loin des injonctions ministérielles et sans que cela se sache forcément. 

Le travail à la maison et l’apprendre

L’auteur sous-titre son chapitre «  boite noire de l’enseignement scolaire ». Il rappelle la fameuse circulaire de 1956 qui interdit le fait de donner des devoirs à la maison en primaire. On lira avec profit les distinctions d’Harris Cooper sur les travaux à la maison : s’agit-il de devoir de préparation, de pratique ou encore de devoir créatif ? Bruno Devauchelle consacre quelques pages au dispositif « devoirs faits »  qui a pour but de réduire les inégalités sociales, point noir de l’enseignement en France depuis des années. 

L’émergence de l’inversion en pédagogie

L’auteur souligne d’abord que ce qu’on présente comme une innovation pédagogique est souvent en réalité l’actualisation de « pratiques antérieures enrichies avec les éléments de contexte du moment ». Marcel Lebrun a depuis longtemps travaillé et produit autour de la thématique de la classe inversée. Il a notamment précisé les différentes configurations qu’elle pouvait prendre. C’est en tout cas depuis une dizaine d’années que le phénomène a connu une plus grande visibilité médiatique. Bruno Devauchelle se focalise ensuite sur l’association française créée en 2014 et qui a rapidement grandi.

L’activité de l’apprenant 

Deux chapitres sont ensuite consacrés à cette thématique et envisagent différentes configurations de travail, que ce soit seul, ou à plusieurs. On apprécie particulièrement le passage où l’auteur dit qu’il faut « faire comprendre aux élèves qu’ils gagnent à l’entraide, à l’interaction ». Il creuse ensuite ce sillon en expliquant des modalités de travail en commun, s’appuyant notamment sur les réflexions et propositions de Sylvain Connac. On lira donc une présentation-explication de la classe puzzle qui associe apprentissage individuel, collaboratif et coenseignement. 

Le métier d’enseignant en évolution

Bruno Devauchelle distingue ici l’individualisation, qui implique un chemin différent et anticipé pour chaque élève, et la personnalisation qui permet des parcours qui peuvent être individuels ou collectifs. L’enseignant change de position et il faut avoir conscience que travailler en atelier cela s’apprend. Si l’on veut résumer l’idée que le métier évolue, on peut prendre comme exemple le regard porté sur l’élève : il fut d’abord une boite noire face à des enseignants et des contenus à maîtriser, puis un adulte en devenir et aujourd’hui peut-être est-il vu comme une machine à apprendre dont il faut connaitre les rouages. Cela conduit au chapitre sept qui se focalise sur « guidage et guidance de l’adulte ». L’ensemble des disciplines scolaires va de plus en plus vers des méthodes didactiques qui encouragent les élèves à rechercher l’information puis à la traiter, que ce soit sous la forme de démarche d’investigation ou de problématisation. 

L’inversion pédagogique a-t-elle besoin du numérique ?  

L’auteur s’interroge d’abord pour savoir si la capsule vidéo est une bonne ou une vraie fausse bonne idée, à la fois pour l’enseignant et pour les élèves. Il faut en retenir que si le dispositif peut être facilitant, cela n’est pas le cas à n’importe quelle condition. Bruno Devauchelle souligne en tout cas l’importance de l’utilisation des moyens numériques pour accompagner le travail des élèves. Il montre enfin la nécessité d’accompagner un tel processus par une véritable éducation aux médias et à l’information.

Il n’y a pas de nouvelle pédagogie ! 

Ce dernier chapitre affiche ce titre choc et rassemble plusieurs réflexions et idées semées tout au long de l’ouvrage. Si on prend le cas du téléphone portable, l’enseignant qui les fait utiliser par ses élèves enrichit finalement ainsi sa pédagogie avec des moyens techniques. Aujourd’hui, l’accès à l’information est de plus en plus facile mais cela ne fait pas disparaitre le rôle de l’enseignant car, comme le dit l’auteur, « la capacité de réception ne préjuge pas de la capacité de compréhension ». Il invite également à repenser l’organisation et l’aménagement des salles de classe, faisant écho ainsi à ses propos du début.

En conclusion, Bruno Devauchelle rappelle qu’au-delà des aspects techniques, il faut réfléchir aux processus d’appropriation des connaissances quand on procède par inversion. Il invite à dépasser la réflexion sur ce seul thème car pour lui il faut s’interroger sur l’ensemble du système éducatif. Il conclut en proposant quelques pistes à explorer : la collaboration ou l’évolution des moyens numériques par exemple.

Cet ouvrage de Bruno Devauchelle fournit donc de nombreuses pistes de réflexion sur les pratiques enseignantes de façon générale. Il invite de façon globale à réfléchir à « une école qui permette aux jeunes d’apprendre à faire société ». 

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes