Trois ans après une première édition, et fort d’une trentaine de pages supplémentaires, reparait ce guide essentiel pour se former sur les neurosciences et expérimenter dans sa classe. Ce compte-rendu reprend donc celui écrit il y a trois ans et signale, chemin faisant, les nouveautés de cette deuxième édition. Le cap à franchir aujourd’hui est celui qui peut permettre à l’enseignant qui le souhaite de passer des acquis de la recherche à l’action quotidienne auprès des élèves. L’ouvrage de Jean-Luc Berthier, Grégoire Borst, Mickaël Desnos et Frédéric Guilleray apporte d’utiles éléments de réponse.

Une évolution plutôt qu’une révolution

Dans sa préface, Olivier Houdé plaide pour une « neuroscience de l’éducation fondée sur la recherche participative et le partage des connaissances ». Les auteurs insistent sur leur volonté de mettre à disposition des pistes pédagogiques et de diffuser de bonnes pratiques, notamment autour de la mémorisation. Ils parlent d’une évolution plutôt que d’une révolution et invitent à considérer les neurosciences cognitives comme « une magnifique opportunité d’évolution du système scolaire ». Cette envie de partage et de construction du savoir se retrouve par le signalement d’un site internet dédié et d’une adresse mail pour échanger. Une bibliographie est proposée en fin d’ouvrage et il existe aussi de nombreux compléments sous forme de qr-code à flasher pour aller plus loin à propos des expériences décrites. 

Neurosciences cognitives et neuromythes

Il s’agit d’abord de définir le contexte des neurosciences cognitives avant de montrer ce qu’elles peuvent apporter. Il peut y avoir dans les médias des effets d’emballement autour d’idées, parfois simplifiées ou tout simplement peu étayées, surtout dans un contexte de comparaison internationale comme Pisa. En tout cas, il faudrait que tout le monde se sente concerné, que ce soit dans l’établissement, mais aussi en dehors avec les parents. Cela implique de la part des enseignants et de l’administration de ne pas négliger de procéder à une communication efficace. Les auteurs énoncent aussi quelques repères à connaitre sur le cerveau et notamment la plasticité cérébrale.  Les neurosciences définies, il est alors temps de démonter quelques « neuromythes » parmi les plus courants. Il est essentiel de les connaitre, d’où le florilège qui s’attaque notamment à « cerveau gauche-cerveau droit » ou « visuel, auditifs et kinésthésiques ». Mais les auteurs sont également constructifs car, en luttant contre certains neuromythes, on peut aboutir à mettre en avant de réelles bonnes pratiques. Ainsi, plusieurs recherches soulignent qu’il faut plutôt entremêler deux apprentissages plutôt que les faire se succéder. 

Les fiches pour expérimenter et se former 

Dans cette partie, quasiment identique à la première édition, sont proposées des « fiches pour expérimenter et se former », toutes fabriquées sur le même modèle. Ainsi, après avoir précisé l’enjeu visé, on trouve le déroulé qui peut permettre d’y arriver et enfin, souvent, une rubrique témoignage. Il faut insister sur l’aspect expérimentation avec d’utiles conseils pratiques. La préoccupation est bien de partir du réel, de l’existant, pour comprendre comment on peut changer les pratiques. Une fiche explicite notamment le concept de Cogni’classe et, parmi les autres points intéressants, le fait d’apprendre aux élèves comment fonctionne leur cerveau.

Les fiches théoriques

Cette partie est organisée en quatre rubriques : « Les conditions de l’apprentissage, attention et fonctions exécutives, mémorisation, compréhension ». Le but est d’outiller l’enseignant qui veut se lancer ou désire en savoir plus sur les différents domaines. Chaque rubrique est traitée en plusieurs fiches avec d’abord la définition de l’enjeu puis un texte de synthèse. Les auteurs proposent parfois un lien vers les fiches pédagogiques de la partie suivante ce qui est fort utile. On peut signaler notamment les fiches théoriques sur la mémoire qui forment autant d’utiles vade- mecums. Cela permet de préciser des définitions comme l’empan mnésique. Les auteurs insistent aussi sur la mémorisation active ou encore sur les modes de rappel. 

Les fiches pédagogiques 

Dans cette cinquième partie, l’intention est claire : « les pistes pédagogiques    décrites sont des traductions de l’apport des sciences cognitives dans les pratiques de classe autour de la mémorisation, de l’attention, de la compréhension, de l’implication et du numérique ». Ainsi, en lien avec la fiche théorique de la partie précédente sur les « effets de la méditation en classe », l’enseignant dispose ici d’une fiche « La mise au calme des esprits » qui présente donc les modalités pratiques. On peut relever de nombreux conseils, facilement applicables, comme le fait de « pratiquer la double modalité de présentation », autrement dit de ne pas se contenter de dire, mais aussi de montrer. Relevons aussi d’utiles prescriptions pour améliorer la lisibilité des documents pédagogiques en faisant attention par exemple à l’intégration de la légende d’une carte pour éviter à l’oeil de faire sans cesse des allers-retours préjudiciables à la compréhension entre le document et la légende. Une nouveauté est ajoutée intitulée «  Proposer un programme attentionnel aux élèves » qui décrit comment passer d’une définition scientifique à une proposition pédagogique. L’enseignant trouvera également de très intéressantes perspectives pour la mémorisation avec le fait d’intégrer, par exemple, la révision au cours. Les auteurs développent davantage une bonne idée présentée dans la première édition autour de l’établissement de calendriers de révision. On apprécie également les nouvelles pages qui aident l’enseignant à évaluer un outil basé sur la mémorisation. Chacun pourra trouver du grain à moudre comme l’idée d’un « cahier de réactivation » qui circulerait entre les professeurs au collège. Dans ce dispositif, l’enseignant d’une autre matière pose en début d’heure des questions sur le cours d’un collègue, tout en ayant les réponses justement consignées dans ce cahier. On apprécie dans le livre le foisonnement de propositions qui invitent à essayer : pourquoi ne pas tester le « cours à cinq temps » ? Cette proposition s’articule ainsi :  il y a d’abord un  exposé par le professeur d’un thème sans prise de notes par les élèves, la restitution des informations captées et leur validation par l’enseignant. Ensuite viennent des activités pour vérifier la compréhension, suivies d’une application sous forme d’une production en travail collaboratif avant la mise en évidence et la mémorisation des points essentiels. 

Les fiches numériques

Poursuivant ce souci d’être concret, les auteurs proposent dans une dernière partie un tour d’horizon d’outils numériques possibles comme Plickers, Anki, Quizlet ou encore les cartes mentales. Dans ce domaine, les évolutions sont rapides et nombreuses ce qui implique ici une actualisation des propositions de ressources. L’enseignant trouvera donc une présentation d’outils comme genial.ly ou learningapps.org qui sont presque déjà devenus des classiques. Parmi les autres nouveautés de l’ouvrage le descriptif et l’intérêt de Framasoft ou d’Edpuzzle. Les auteurs ont eu la bonne idée d’ajouter quelques sites de veille comme les outilstice. On pourrait aussi ajouter le coutelas de Ticeman. Quant aux sites, signalons l’apparition de la très prometteuse ladigitale.

Voici donc un ouvrage très utile et très riche qui cherche à aborder de nombreuses dimensions. Partant d’indispensables éléments de théorie autour des neurosciences, il envisage aussi la réalité du terrain pour accompagner celles et ceux qui veulent faire autrement. Le livre glisse progressivement vers la pratique tout en établissant très souvent des liens entre recherche et terrain. Il s’agit d’un travail toujours en construction qui invite l’enseignant à essayer, d’abord modestement s’il le veut, en ciblant par exemple un point crucial comme la mémorisation. Un ouvrage déjà de référence.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes