A l’occasion du centenaire de la canonisation de Jeanne d’Arc (le 16 mai 1920), les éditions « Petit-à-Petit » nous proposent un docu-BD consacré à l’histoire de la Pucelle d’Orléans et au mythe dans lequel elle s’inscrit : du mythe prophétique du Moyen-Age au mythe de la sainte nationaliste du XXe s. en passant par « le mythe du Peuple en action » au XIXe s. (Boris Bove, 1328-1453 – Le temps de la guerre de Cent Ans, Belin, 2009). Alternant habilement bandes dessinées et pages documentaires, le lecteur est ainsi plongé dans la France du XVe siècle et suit le parcours de Jeanne, de sa naissance à Domrémy jusqu’à sa mort à Rouen au fil de quinze étapes majeures, loin des légendes de certains mythographes.
Les 15 étapes, de Domrémy au bûcher
Jeanne, enfant de paysans aisés et non pauvre bergère du mythe armagnac apparu dès 1429, est une jeune fille très pieuse et mystique qui refuse de se marier à son fiancé, ce qui lui vaut une poursuite en justice devant l’évêque de Toul qui finalement lui donne raison. En 1425, âgée de 13 ans, elle se dit appelée à faire sacrer le Dauphin et à libérer Orléans de l’occupation anglaise.
Jeanne est « fille de la frontière et de la guerre » (Colette Beaune, Jeanne d’Arc, vérités et légendes, Tempus, 2012). En effet, Domrémy est au cœur des enjeux géopolitiques de cette époque troublée : aux frontières du royaume de France, du duché de Bar, des terres bourguignonnes et armagnacs et de la Lorraine. Elle rencontre le seigneur de Baudricourt en 1428. La prophétesse qui arrive à Vaucouleurs en femme, en repart en homme.
Le voyage jusque Chinon et la rencontre entre Jeanne et le Dauphin montrent bien qu’il n’est pas toujours simple de faire la part entre la légende et la réalité et surtout quand il s’agit de la Pucelle. Comment Jeanne a-t-elle réussi à rejoindre Chinon en 11 jours en plein territoire ennemi ? Quel « miracle » a convaincu le futur Charles VII de confier son armée à une parfaite inconnue ? Il semble que le statut prophétique de Jeanne dans une France qui attend d’être sauvée, peut faire dire à l’historien qu’« elle est crue parce quelle est attendue » (Boris Bove, 1328-1453 – Le temps de la guerre de Cent Ans, Belin, 2009).
A la question « Vraie prophétesse ou sorcière ? », la commission de Poitiers répond en mars 1429. Les examens théologiques et gynécologiques donnent raison à Jeanne.
En avril, Charles VII décide finalement de l’envoyer à Orléans. La préparation militaire de la Pucelle se fait à Tours. De prophétesse, Jeanne devient guerrière munie de son étendard, de son harnois (armure) et de son épée.
Depuis le 18 octobre 1428, les Anglais dirigés par le comte de Salisbury puis par William Suffolk et John Talbot assiègent Orléans, véritable verrou sur la Loire défendu par Jean de Dunois, le Bâtard d’Orléans. Lorsque le 29 avril 1429, Jeanne réussit à ravitailler la ville, les soldats français sont galvanisés, et, le 8 mai, ils en brisent le siège.
Une fois Orléans libéré, Jeanne se consacre à la deuxième partie de sa mission divine : faire sacrer Charles VII à Reims. Accompagnée, du Bâtard d’Orléans et de Jean d’Aulon, elle retrouve le roi et sa cour itinérante à Loches afin de le convaincre de marcher sur la ville et sa cathédrale qui a accueilli tous les rois de France depuis Louis le Pieux en 816.
Afin d’ouvrir la route, Jeanne et l’armée reconquièrent Jargeau, Meung-sur-Loire et Beaugency. La victoire de Patay, le 18 juin 1429, confirme la dynamique française.
A la tête d’une armée de 12 000 hommes, Charles VII se met enfin en route pour Reims le 29 juin. Il lui faudra 17 jours pour soumettre les villes d’Auxerre, Troyes ou Châlons-sur-Marne. Le 17 juillet, le « petit roi de Bourges » est sacré et devient roi légitime des Français.
Malgré les blessures comme celle reçue à la jambe lors de la bataille de Paris en septembre 1429, Jeanne survit et retourne au combat. Elle n’apparaît plus comme un simple porte-étendard mais comme un véritable porte-bonheur. Finalement, la sortie hasardeuse de Jeanne à Paris, change la donne, le roi ordonne la retraite !
Elle est alors envoyée aux confins du Berry et de la Bourgogne afin de déloger Perrinet Gressart et sa bande mercenaires à la solde des Anglo-Bourguignons. Si Jeanne réussit à prendre la place forte de Saint-Pierre-le-Moûtier le 4 novembre, elle ne remporte pas le même succès devant la Charité-sur-Loire, elle est obligée de lever le siège.
L’épisode de Sully-sur-Loire permet de comprendre les intrigues politiques autour du roi de France au travers du personnage Georges de la Tremoïlle qui accueille Jeanne en son château.
Le 23 mai 1430, c’est à Compiègne, ville française assiégée par les Bourguignons de Philippe le Bon, que Jeanne est capturée par le Bâtard de Wandonne qui appartient à la compagnie du seigneur Jean de Luxembourg.
Emprisonnée au château de Beaulieu-les-Fontaines, Jeanne tente désespérément de s’enfuir. Finalement, elle est « vendue » aux Anglais contre 10 000 livres.
A Rouen, le tribunal ecclésiastique qui juge Jeanne pour hérésie et sorcellerie est présidé par Pierre Cauchon. Ce procès est surtout politique car, pour les Anglais, faire de cette paysanne une sorcière, c’est décrédibiliser le pouvoir de Charles VII. On reproche notamment à Jeanne d’avoir revêtu des habits d’homme et d’avoir eu de fausses visions. Elle abjure mais se rétracte. Elle est finalement jugée « relapse » et brûlée vive le 30 mai 1430.
Le mythe de Jeanne ne s’arrête pas là. En 1456, elle est réhabilitée à Rouen suite à un nouveau procès, elle est béatifiée en 1909 puis canonisée en 1920. Au XXe s., chacun se l’approprie : catholiques royalistes, extrême-droite, régime de Vichy, résistants …
Jeanne, entre histoire et mythe
Ce docu-BD, à la fois ludique, pédagogique et sérieux, s’appuie sur les travaux des historiens spécialistes de la question comme Colette Beaune, Philippe Contamine, Olivier Bouzy ou Claude Gauvard. « Entre le mythe des Armagnacs et la manipulation des Bourguignons, il y a bien des possibles. Il faut à l’historien rendre compte de leur totalité » (Colette Beaune, Jeanne d’Arc, vérités et légendes, Tempus, 2012), c’est cette même mission que remplit ce docu-BD.
Armand BRUTHIAUX, pour les Clionautes