« Garder la maison et les moutons ? Beurk. Supporter un mari ? Jamais de la vie. S’aplatir devant les Anglais ? Même pas en rêve ! La petite Jeannette a des idées bien affirmées et les clame haut et fort ; à douze ans, elle en a déjà fait voir de toutes les couleurs à ses parents. Et les choses ne vont pas en s’arrangeant… Une nuit, Jacques d’Arc rêve que sa fille s’enfuit avec des hommes en armes. Un songe prémonitoire ? » Voilà l’alléchant résumé de Mon enfance tout feu tout flamme. Histoire ébouriffante de Jeanne d’Arc. Dans ce roman autobiographique, Michel Douard, rédacteur professionnel, auteur de romans et collaborateur d’une revue culinaire, nous plonge dans les premières années de Jeanne d’Arc, « Jeannette » pour les intimes, née en 1412 à Domrémy, en Lorraine. Au travers d’une approche intelligente, humoristique et très originale, il narre l’épopée incroyable de la Pucelle d’Orléans.

Histoire ébouriffante de Jeanne d’Arc

L’histoire de Jeanne d’Arc est racontée à la troisième personne, par l’intermédiaire d’un mendiant nommé Gauthier « Le Puant », qui, dans ce récit, a étroitement côtoyé la jeune fille. Il retrace ainsi sa vie, depuis sa naissance jusqu’à son départ pour Orléans. Son récit est empreint de l’affection qu’il porte à « Jeannette », qu’il a vu grandir, se battre, s’affirmer, s’attirer beaucoup d’ennuis, courir après le curé pour se confesser et, surtout, énormément prier.

Le contexte historique est celui de la guerre de Cent Ans. Le roi d’Angleterre Edouard III revendique le trône de France suite au traité de Troyes, mais la noblesse française veut que la couronne revienne au Dauphin Charles, fils du défunt Charles VI. Jeanne, toute jeune qu’elle est, partage cette opinion. La France est coupée en deux camps : d’un côté les Anglais et les Bourguignons, de l’autre les fidèles du futur Charles VII. Jeanne a une profonde aversion pour les Anglais et les Bourguignons. Elle voit Charles comme « le gentil Dauphin » et ne veut que lui comme roi.

Dès son plus jeune âge, elle est dépeinte comme une enfant déterminée et imprévisible. Elle est constamment décrite comme une jeune fille infernale, déterminée, têtue. Avec son fort caractère, elle en fait voir de toutes les couleurs à sa famille, dépassée par sa fougue et ses visions. Ses parents, Jacques d’Arc et Isabelle Romée, ainsi que sa fratrie, la croient excessivement mystique et à la limite de la folie. Si cette part du récit est inventée, peut-être se rapproche-t-elle de sa personnalité, tant, en tant que femme, elle a dû se battre pour rejoindre Charles VII et qu’il l’écoute. Elle est très pieuse, n’arrête pas d’aller se confesser auprès du curé de la paroisse, au grand dam de celui-ci qui rêve de partir vers d’autres contrées plus calmes. Elle ne veut pas avoir d’enfant, refuse se marier.

Vers douze ans, la jeune fille commence à entendre les voix célestes de l’archange saint Michel, de sainte Marguerite et de sainte Catherine. Rapidement, ses visions lui font penser qu’une autre destinée l’attend, au grand dam d’un des garçons de son village qui la veut pour épouse. Cette destinée sera très difficilement acceptée par ses parents, et notamment par son père qui tente par tous les moyens (punitions corporelles, privations alimentaires…) de la remettre « sur le droit chemin ». L’ange et les Saintes lui apprennent qu’elle doit libérer la France des Anglais et mettre Charles VII, le Dauphin, sur le trône du royaume. Même si elle ne comprend pas pourquoi elle a été choisie par Dieu, elle se lance à corps perdu dans cette quête. Elle apprend seule à se battre, à chevaucher et se prépare à convaincre « le gentil dauphin », toujours présenté ainsi par la jeune fille, de la laisser embarquer des soldats avec elle pour faire la guerre aux Anglais. Petit à petit, sa prophétie et son influence s’étendent, lui permettant de rencontrer Robert de Baudricourt, un fidèle serviteur du Dauphin. Il lui fournit une escorte afin qu’elle se rende à Chinon pour rencontrer le souverain.

Parallèlement à cela, nous suivons Charles VII, le Dauphin, qui apparaît d’avantage préoccupé par ses aventures sexuelles que par le royaume de France. Cela donne lieu à de savoureuses discussions avec Yolande d’Aragon, sa belle-mère, désespérée par son manque d’ambition politique et son manque de discrétion quand il trompe sa fille. Lors d’un passage hilarant, elle exhorte Charles VII à « utiliser ses testicules pour autre chose que la bagatelle ». Nous suivons également les tergiversations du Dauphin, qui peine à se laisser convaincre d’accorder sa confiance à la jeune Jeanne.

L’ouvrage s’achève lorsque Jeanne arrive à lever l’armée du Dauphin et qu’elle conduit les soldats à destination en évitant les embûches, forçant ainsi leur respect. Le récit se conclut sur cette phrase de Jeanne, qui résume bien l’esprit de ce « roman d’Histoire pop’ » : « Si vous suivez mon étendard, et non vos idées moisies, vous serez enfin victorieux. Cette reconquête sera du feu de Dieu ! »

Un « Roman d’Histoire pop’ », entre fiction et réalité

Dans cette nouvelle collection des Editions Eyrolles, les romans autobiographiques proposés mêlent fiction et réalité. Cette autobiographie pop’ de Jeanne d’Arc est construite autour de travaux historiques sérieux, avec des pistes de lectures pour aller plus loin, un glossaire et les dates clés de sa vie à la fin de l’ouvrage. Par l’intermédiaire du narrateur, Gauthier « le Puant », le contexte historique est explicité. Les personnages clés et le déroulement de la Guerre de Cent Ans sont présentés à chaque étape de la vie de Jeanne. La grande Histoire est présentée lors de passages en italique clairs et succins.

L’originalité réside dans le ton humoristique employé tout au long du récit. Ce qui relève de la fiction vient se nicher dans les zones d’ombre de la vie de Jeanne. Les événements sont souvent interprétés de manière loufoque, comme lors de la première apparition de Saint-Michel, après que « Jeannette » ait consommé des champignons.

Les dialogues sont savoureux et hilarants. Les Saints qui apparaissent à Jeanne sont très différents de ce que l’on peut s’imaginer. Ils viennent parler à Jeanne de manière impromptue, pas toujours bien habillés, et n’hésitent pas à rabrouer ou la critiquer. Ces dialogues ont pour rôle de présenter l’évolution de la réflexion de Jeanne, qui finit par imposer son idée de rejoindre Charles VII afin de bouter les Anglais hors de France. Le vocabulaire utilisé est souvent anachronique et familier. Par exemple, l’archange Michel annonce à Jeanne qu’il va lui proposer son plan d’avenir sous la forme d’un PowerPoint, avant de lui dérouler un parchemin avec les quatre étapes de son action pendant la guerre, étapes que Jeanne ne peut pas lire, étant illettrée.

L’objectif assumé est d’instruire le lecteur sur les grands personnages de l’Histoire, ici Jeanne d’Arc, tout en rendant le récit pleinement vivant et distrayant. Apprendre en s’amusant, tel est le pari de cette nouvelle collection. Cette idée de mêler Histoire est humour est, pour moi, tout simplement géniale. Cette nouvelle collection propose une vulgarisation drôle et intelligente de l’Histoire, de la rendre accessible au plus grand nombre. Cette approche novatrice a pleinement sa place en classe, en guide d’accroche, par exemple, pour capter l’attention des élèves, ou en prolongement du cours. Quoi de mieux que de passer par l’humour pour intéresser nos jeunes élèves ? L’utilisation d’un vocabulaire moderne, et même parfois des codes des réseaux sociaux, rend le récit très attractif et accessible pour des adolescents. Les nombreuses allusions aux flammes, très sarcastiques, sont amusantes. Cette lecture, aussi fluide que celle d’un roman, a été un véritable plaisir !

Présentation de la collection « Roman d’histoire pop’ » sur le site de l’éditeur