Le dernier debout est l’adaptation visuelle d’un recueil de l’auteur américain Adrian Matejka intitulé The Big Smoke. Cette BD raconte le destin chaotique, controversé et tout à fait exceptionnel du champion du monde de boxe, Jack Johnson, au début du XXe siècle, dans des États-Unis dominés par la ségrégation et le racisme.
Ce contexte est primordial car il accompagne l’ensemble de l’œuvre qui nous est présenté ici. Le point de départ de l’ouvrage est un combat mythique de Jack Johnson, en 1910, dans le Nevada. Cet ancien champion du monde sort de sa retraite pour combattre Jack Johnson et empêcher un homme noir de rester champion du monde : « Je vais combattre dans le seul but de prouver qu’un homme blanc est meilleur qu’un Nègre ».
En effet, pour la première fois, en 1908, un homme noir a été autorisé à combattre, pour le titre suprême, celui des poids-lourds. Cet homme noir, c’est Jack Johnson. Et il a réussi l’impensable, celui d’être le vainqueur, en terrassant le combattant canadien Tommy Burns. Défendant victorieusement plusieurs fois son titre en 1909, Jack Johnson est devenu une cible, au moment-même où le KKK connaît la 2e phase de son histoire et se modernise pour gagner encore en influence.
Jack Johnson est d’autant plus une cible qu’il est volontiers provocateur, qu’il a des relations amoureuses avec des femmes blanches, que ses victoires entraînent des agressions de personnes noires par des suprémacistes blancs et qu’il possède un club de musique, le Club de luxe, futur Cotton club, où passent les grandes figures noires de la musique jazz. Jack Johnson est aussi condamné à la prison, pour mariage avec une femme blanche, et s’enfuit brièvement au Canada pour y échapper, avant d’effecteur sa peine.
La BD retrace le combat mythique de 1910 à Reno. Les 15 rounds qui forment la trame générale de la BD sont découpés par des scènes qui retracent la vie entière de Jack Johnson, fils d’esclaves, promis à un destin similaire à celui de ses parents, qui bouscule son destin tout tracé et qui meurt dans un accident de voiture en 1946.
Visuellement, la BD n’utilise que 3 couleurs: le blanc, le noir et le rouge. Les auteurs nous plongent soit dans le combat en lui-même, soit dans les spectateurs (blancs évidemment et volontiers racistes), soit dans la presse de l’époque, faisant des allers-retours continus avec sa vie hors des rings. Les planches sont entrecoupées de pauses graphiques tout à fait remarquables, mêlant des styles de dessin très différents, qui permettent d’approfondir le contexte social et politique des Etats-Unis de l’époque.
La violence est le fil rouge de cette histoire. Elle est physique, psychologique, permanente: Jack Johnson en est imprégné jusqu’à la moelle. C’est ainsi que lui-même l’utilise pour s’en sortir, mais qu’il s’en sert aussi sur les femmes qui traversent sa vie. L’une d’elles, Etta, poussée à bout et dépressive, finira même par se suicider.
Au final, le BD donne cette impression de course permanente et haletante, une course qui ne pouvait se finir que tragiquement. Le rythme est particulièrement bien dosé, entre des phases intenses et ces pauses d’approfondissement qui marquent le acteur, tant par leur richesse visuelle qu’intellectuellement. Une belle et immense découverte, à faire partager au plus grand nombre.
Présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur
Au matin du 4 juillet 1910, des milliers de fans de boxe prennent d’assaut le nouveau stade de Reno, Nevada, pour assister à une confrontation épique et controversée : Jack Johnson, le premier champion noir catégorie poids lourds au monde, arrogant, frimeur, macho, manipulateur et star malaimée des médias, est confronté à un ancien champion blanc Jim Jeffries, décidé à monter sur le ring pour l’argent, mais aussi porté par les suprémacistes blancs.
La guerre de Sécession est encore dans toutes les mémoires, le Ku Klux Klan renait de ses cendres mal éteintes dans le sud des États-Unis, la presse défend le « grand espoir blanc ». C’est l’apogée de l’ère des lois Jim Crow, imposant la ségrégation raciale aux États-Unis pour entraver les droits obtenus par les Afro-Américains au lendemain de la guerre de Sécession (abolissement de l’esclavage, citoyenneté pour toute personne née ou naturalisée aux États-Unis, droit de vote pour tous les citoyens). Les spectateurs attendent avec impatience que Jeffries rétablisse la hiérarchie raciale que Johnson a bousculé.
Présentation des auteurs sur Babelio et Wikipedia
« Youssef Daoudi fait des études cinématographiques. Il commence à occuper un poste de directeur artistique dans diverses agences de communication. L’expérience qui en découle lui permet de côtoyer les nombreuses disciplines liés à la publicité : du graphisme à l’écriture scénaristique en passant par la réalisation de spots télé.
Cependant, c’est un passionné de Bd, il continue, à ses moments perdues, à s’exercer dans le dessin.
Fin 90, Il publie ses toutes premières illustrations en utilisant le pseudonyme de Yozip.
En 2003, il se décide à se consacrer totalement dans le dessin et envoie ses essais. C’est Philippe Bonifay qui lui propose de dessiner son adaptation de la « Trilogie Noire » de Léo Malet.
Youssef Daoudi est aussi un féru d’aviation. Il cré « Mayday », un thriller aéronautique qu’il fait publier par Glénat.
Il est remarqué et nominé aux Eisner Awards en 2019 pour MONK. »
« Adrian Matejka est un poète américain. Il a été poète officiel de l’Indiana en 2018-2019. Depuis mai 2022, il est rédacteur en chef du magazine Poetry.
Né à Nuremberg, en Allemagne, alors que sa famille servait dans l’armée américaine, Adrian Matejka a grandi à Indianapolis, dans l’Indiana, aux États-Unis. Il est diplômé de l’université de l’Indiana à Bloomington et de l’université de l’Illinois du Sud à Carbondale, où il a obtenu une maîtrise en création littéraire. Il a reçu des bourses du Cave Canem Workshop, de la Fondation Guggenheim, de la Fondation Lannan, de la National Endowment for the Arts et de United States Artists.
Il est l’auteur de The Devil’s Garden et de Mixology. Son troisième recueil, The Big Smoke, consacré à Jack Johnson, a été finaliste du National Book Award 2013 et du prix Pulitzer 2014 et a remporté un Anisfield-Wolf Book Award. Son dernier recueil, Map to the Stars, a été publié par Penguin en 2017.
Son travail a été publié dans des revues littéraires et des magazines, notamment American Poetry Review, Callaloo, Crab Orchard Review, Gulf Coast, Indiana Review, Poetry, Ploughshares, Prairie Schooner, et dans des anthologies, notamment From the Fishouse (Persea Books, 2009) et The Best American Poetry 2010 (Scribner, 2010). Il enseigne la littérature et l’écriture créative à l’université de l’Indiana et a été le poète officiel de l’État de l’Indiana en 2018 et 2019. En 2022, il a été nommé rédacteur en chef du magazine Poetry. »