Shamisen est un beau conte, à la réalisation graphique d’une grande qualité. On croise de multiples références à Hokusai et Hiroshige tout au long des pages de l’album et les dialogues développés constituent une belle réflexion sur le sens de la vie.

Haru, dont le nom signifie littéralement « printemps », est abandonnée par sa mère, en plein daikan (période la plus froide de l’année au Japon), devant le seuil de la porte d’un joueur de shamisen (le shamisen est un instrument à corde qui se joue avec un bachi, un plectre).

Haru apprend auprès de son maître à maîtriser cet instrument puis, avec la mort de ce dernier, devient une goze, une musicienne itinérante.

Frappée de cécité et musicienne accomplie, elle parvient à charmer un kappa qui, après un dialogue empli de sagesse, décide de lui offrir la « clé de la dimension divine », c’est à dire le don de voir les dieux et de dialoguer avec eux.

Haru va ainsi, au fil de ses itinérances, converser et jouer de la musique avec Benzaiten, déesse du bonheur, infléchir le terrible Shinigami, dieu de la mort, qu’elle convainc d’accorder un sursis à Hokusai pour que celui-ci perfectionne encore son art, ou encore composer une chanson en l’honneur de Tsukuyomi, dieu de la Lune, qui devient son guide.

Elle se retrouve confrontée, pour la deuxième fois de son existence, à la terrible Yuki-Onna, personnification des tempêtes hivernales. Ne pouvant jouer pour elle en raison de ses doigts gelés, Haru provoque le courroux de la déesse qui décide de frapper de malédiction les habitants du lieu où se trouve l’héroïne et de la priver de son don jusqu’à ce qu’elle parvienne à rejouer…

Le personnage de Haru est directement inspiré de celui de Haru Kobayashi, goze née en 1900 et âgée de 105 ans lors de son décès. Haru Kobayashi était présentée comme la « dernière goze ». On estime qu’elle aurait marché environ 500000 mille kilomètres durant toute la période de sa vie professionnelle. Elle a réalisé des enregistrements de ses chansons et un film, Goze, basé sur la vie de cette artiste, est sorti en 2020.

Une belle réussite dont on ne peut que conseiller la lecture !

Grégoire Masson