Dans la masse des publications du centenaire de la Grande guerre, et que La Cliothèque a déjà très largement présentées, cet ouvrage publié par les éditions du Toucan mérite attention. Il présente toutes les photos en relief du programme diffusé sur France 2, et il est fourni avec une paire de lunettes 3D sur laquelle nous reviendrons.

Ce beau livre avec un format très agréable et une belle qualité de réalisation est issue d’une sélection des plaques stéréoscopiques, de photos sur plaque de verre, réalisé pendant le conflit issu du fond du « mémorial de la clairière de l’armistice » de Compiègne. Ces images ne sont pas forcément spontanées, le trépied photographique indispensable ne favorisant pas vraiment l’instantané. Pour autant, l’intérêt de ces images reste entier. On y trouve à la fois l’ensemble des phases de la guerre, mais surtout les différents aspects du conflit, y compris les plus inédits. À titre d’exemple nous prendrons cette photographie d’une séance d’électrothérapie, une pratique qui a pu continuer bien après la seconde guerre mondiale est sans doute jusque dans les années 80 pour traiter des troubles psychiques.

Vol au dessus d’un nid de coucous

Cette pratique « médicale » avait pour fonction de soigner les blessés victimes du syndrome de l’éboulement, très fréquent dans les tranchées, mais aussi de démasquer les tire-au-flanc, les « « « exagérateurs », les prolongateurs. Le principe est de faire passer un courant électrique en augmentant progressivement l’intensité. Après une telle séance, la notice qui accompagne cette photographie, affirme que le simulateur est soulagé et que les tremble chronique reprend sa place normale dans la vie avant de retourner au front.
D’autres clichés sont également intéressants, comme ce colombier militaire mobile, réalisés à partir de la transformation d’autobus à impériale, qui permet d’abriter les pigeons voyageurs, ces soldats ailés qui acheminent des messages, dans la plupart des cas impossibles à détecter.
La photographie du cantonnement des soldats afro- américains est également intéressante. S’il était possible pour un noir américain de s’engager dans le corps expéditionnaire à partir de 1917, l’état-major des États-Unis était réticent à les envoyer sur le front. Ils étaient le plus souvent cantonnés à des tâches de soutien et d’entretien des installations. Davantage soucieux d’effectifs que de réticences raciales, le commandement français les a équipés lorsque cela était possible pour le combat en première ligne.

Les afros-américains au front

Ces clichés sont accompagnés d’une très bonne notice qui rappelle que le 25 février 1918 les 300 soixante-neuvièmes régiments d’infanterie passent sous commandement français et ses troupes gagnent de très nombreuses médailles et citations sur le champ de bataille. Au risque de déplaire aux puristes, on pourrait parfaitement colorisé cette photographie du cercueil d’un combattant porté par ses frères d’armes, recouvert du drapeau américain mais aussi du drapeau français, le pays qui leur a permis de porter un fusil.
Du côté des mutations techniques, s’il est difficile de concevoir à cette époque des photographies aériennes, la partie qui est consacrée à l’apparition des blindés sur le champ de bataille, est particulièrement pertinente. On connaît bien les chars Renault FT 17 biplace, léger et doté d’un canon court de 37 mm. Sa petite taille et son poids lui permette de franchir les tranchées adverses aisément et par un effet de soutien à l’infanterie en déplacement, de porter le feu au plus près de l’ennemi.
On revient d’ailleurs sur les blindés à propos de l’offensive du chemin des dames où les premiers tanks, avant les Renault, ont été utilisé. Le Saint-Chamond est un blindé de 24 t, particulièrement lent dans ses déplacements, à 3 km/h, armé d’un canon de 75 mm fixes et de quatre mitrailleuses. Lors des offensives du chemin des dames les deux tiers des 121 engagés sont détruits sans apporter le moindre avantage.
L’historien Alexandre Lafon qui commente ses images, associé au récit du prix Goncourt 2011, Alexis Jenni, rappelle à ce propos la mutation des armées pendant la guerre. Le commandement a finalement compris que les grandes masses ne faisaient plus vraiment la décision dans le combat d’infanterie, mais que le fonctionnement tactique de petites unités mobiles, associant l’artillerie, disposant d’un soutien aérien, et de fantassins spécialisés comme les fusils-mitrailleurs ou les grenadiers voltigeurs, était beaucoup plus efficace. On pourrait noter d’ailleurs, que l’on retrouve ses fondamentaux du combat d’infanterie dans les formations tactiques actuelles.
Tous les aspects de la guerre sont aussi montrés, à l’exception notable des exécutions de soldats au début de la guerre comme pendant les mutineries de 1917. Cet ouvrage est donc particulièrement complet, la vision « en relief » à partir des plaques stéréoscopiques apporte un supplément d’authenticité. On pourrait noter toutefois que ces lunettes 3D rendent compte assez imparfaitement des effets. Elle se révèle d’ailleurs très peu adaptée aux porteurs de lunettes, ce qui constitue tout de même un défaut.
On insistera toutefois sur la précision documentaire des fiches de commentaires de chacune des rubriques, qui permet de disposer au final d’une très bonne synthèse sur la guerre à l’ouest.

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