Ce livre « Ouvriers et ouvrières de la Grande Guerre » s’inscrit dans la collection 1914-1918 des éditions Orep. A l’origine, la société Orep (Organisation, Régie, Edition, Publicité) créée en 1987 publie des revues municipales et touristiques. En 1994, à l’occasion du 50e anniversaire du Débarquement en Normandie, l’activité d’édition réalise une monographie du port d’Arromanches. C’est ainsi le départ de publications spécialisées sur la Normandie dont la Seconde Guerre mondiale et le Débarquement. Une collection sur la Grande Guerre a suivi.

Introduction

Ce petit ouvrage de 32 pages se présente sous trois chapitres. L’auteur nous présente dans une brève introduction les origines de la Grande Guerre et ses conséquences quasi immédiates sur le monde de l’industrie. Le besoin de munitions est de plus en plus important avec une artillerie moderne  « une grosse dévoreuse de munitions ». « Le lieutenant-colonel Reboul estime qu’en 1918 ces usines emploient 430 000 femmes, 497 000 ouvriers mobilisés, 425 000 ouvriers civils, 133 000 jeunes de moins de 18 ans, 108 000 étrangers et pas moins de 40 000 prisonniers de guerre. »  *

L’industrie du temps de guerre

Dans un premier chapitre, Frédéric Pineau explique l’évolution d’un sous-secrétariat à l’Artillerie et à l’Equipement militaire fondé en mai 1915 à la création d’un ministère de l’Armement et des Fabrications de guerre (résultat d’une fusion avec la direction des Inventions intéressant la Défense nationale) en décembre 1916. L’homme fort de ce ministère est Albert Thomas, l’un des fondateurs du premier parti socialiste français. Il met en place de nombreuses mesures pour le « bien-être matériel et moral de l’ouvrier ». Au niveau salarial, mais aussi impulsion pour des cantines, des coopératives, des restaurants pour le personnel, des cabinets médicaux, voire même des pouponnières et des salles d’allaitement…. En effet, dès le début du conflit des milliers de personnes sont employés dans ces usines sur tout le territoire national y compris en Afrique du Nord.

Le peuple des usines de guerre

Le chapitre deux offre un panorama complet des diverses catégories d’ouvriers et d’ouvrières. Au départ ce sont les ouvriers militaires mobilisés. 500 000 hommes au départ mobilisés au départ et rappelés à l’arrière pour servir dans les usines de guerre. Ceux-ci restent des soldats et répondent à la discipline militaire. Dès 1915, ils sont rejoints par les femmes. Elles peuvent représenter jusqu’à 60 % du personnel chez Citroën par exemple mais avec de grandes disparités comme 20% chez Panhard. La plupart du temps, elles « apprennent sur le tas mais deviennent aussi habiles que les ouvriers les plus entrainés » (page 13.) Pour certains emplois, des écoles d’apprentissage se mettent en place. Ces munitionnettes viennent de tous  horizons, elles touchent un salaire bien supérieur aux emplois traditionnellement féminins à cette époque. Cependant après la guerre, la grande majorité retournera à leur activité d’avant-guerre.

Une importante main d’œuvre vient également des colonies (Algériens, Marocains, Tunisiens, Malgaches, Indochinois) mais aussi de l’étranger (Chinois, Portugais, Grecs, Italiens, Suisses et Belges). Ces derniers ont alors un carnet d’étranger. Les Belges ont une place un peu à part car ils travaillent dans les usines de guerre belges repliées en France. Certains industriels belges créent des entreprises sur le sol français. Il ne faudrait pas oublier les enfants, environ 133 000 de moins de 18 ans travaillant dans les usines d’armement.

Pour gérer cette main d’œuvre très diverse, se créent des services et des organismes chargés des ouvriers mobilisés, des ouvriers coloniaux et chinois, des ouvriers européens et des femmes. Un corps de surintendantes d’usine se met en place en 1917.

Les tenues et insignes du monde de l’usine

Le troisième et dernier chapitre est consacré aux tenues et insignes des ouvriers et des ouvrières. Chaque catégorie bénéficie d’une tenue bien particulière et codifiée. Les ouvriers mobilisés se doivent de porter constamment soit une coiffure militaire, soit un brassard distinctif. Pour les femmes ; blouses, vieilles robes même si cela peut provoquer des accidents.

Par la suite, la combinaison de travail en toile devient emblématique de l’ouvrière de la Grande Guerre : jambes courtes, serrage au niveau des genoux ou longues avec serrage aux chevilles, de gros bas ou des bandes molletières avec les chaussures ou les sabots. Elles portent également le brassard de l’ouvrier ainsi que les bracelets de force en cuir comme les hommes pour protéger le poignet des gestes répétitifs. Les surintendantes ont une tenue particulière ; cape, voile à bandeau ou un chapeau à calotte ronde.

Conclusion

Ce petit ouvrage est très instructif et très bien documenté d’un point de vue iconographique. De très nombreuses photographies représentant les ouvriers et ouvrières, des documents variés (affiches, textes, cartes postales, livret, matériel…) illustrent toutes les pages. Des encarts donnent des informations complémentaires sur un personnage historique, la liste des différents services du ministère de l’armement et des fabrications de guerre en 1917, les divers établissements travaillant pour le ministère, les grèves, les accidents…).

 

Ouvriers et ouvrières de la Grande Guerre est bien fait pour une première approche de ce thème précis et de la Grande Guerre. Une petite bibliographie et la liste des sources permettent au lecteur d’approfondir ses connaissances. Le chapitre sur les tenues et les insignes est une source intéressante pour les collectionneurs mais aussi les reconstituteurs.

 

 

Frédéric Pineau, l’auteur est historien et documentaliste de formation. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire des femmes en temps de guerre, l’histoire militaire
ainsi que sur la Croix-Rouge.

* Reboul (lieutenant-colonel Reboul), La Mobilisation industrielle, Paris, Berger-Levrault, 1925.