Propos de l’éditeur. « Et si Toussaint Louverture, l’héritier noir des Lumières, avait eu les moyens de libérer tous les esclaves d’Haïti ? Ce récit uchronique, teinté de magie vaudoue se révèle réellement dans les dernières pages de l’histoire. En juin 1802, à l’issue d’une cérémonie vaudoue, l’écossais Walker O’Reilly organise la libération de Toussaint Bréda que d’autres démons blancs s’apprêtent à exiler par-delà l’océan pour mourir dans une geôle française. Toussaint ne se nomme pas encore Louverture mais, depuis 11 ans, il combat les blancs avec l’aide des Loas pour libérer son île. Il est encore loin de s’imaginer le grand destin qui s’offre à lui ».


La série Jour J se poursuit, toujours avec les mêmes qualités narratives et graphiques. Elle s’empare de personnages et de situations réels, pour les impliquer dans un nouveau contexte. Alors que Toussaint Louverture s’apprête à quitter l’île de Saint-Domingue pour être emprisonné en France, son navire est investi par ses congénères qui le libère. Son destin va pouvoir se poursuivre, au lieu pour lui d’aller croupir dans le fort de Joux, dans le Jura. La situation française est des plus délicates : l’expédition du général Leclerc échoue, même si le président Madison cherche à l’aider. Il ne faudrait pas que les esclaves des États-Unis en viennent à s’inspirer de l’exemple caribéen, et que la culture du coton et de la canne soit mise en péril. Le mouvement s’étend malgré tout, à la Louisiane notamment, qui est libérée. Au nord, les Anglais poussent leur avantage et récupèrent les colonies perdues depuis une vingtaine d’années. La curieuse alliance objective va de succès en succès.

Le récit uchronique permet de mettre en lumière les tensions qui s’exercent dans l’Est américain et dans les îles caribéenne proches. L’initiative de cession de la Louisiane aux Américains est passée sous silence, ce qui permet de développer tout un autre scénario. Celui-ci reste néanmoins crédible. Après tout, la France est loin et son gouvernement a de toutes autres préoccupations, en Europe, et pouvait abandonner l’idée de maintenir sous sa souveraineté des îles à sucre, les liaisons maritimes étant sous la surveillance britannique ; l’allié américain était encore trop faible pour l’aider en quoi que ce soit. La couronne britannique pouvait profiter de la situation pour récupérer les treize colonies et effacer l’humiliation du traité de Paris, en 1783.

Les auteurs insistent également sur l’environnement religieux, extrêmement prégnant dans les Caraïbes. Parfaitement bien guidés, ceux qui ne connaissent pas les rites vaudous pourront en percevoir toute l’importance. À tel point qu’on se demande s’ils ne constituent pas le véritable centre du récit : le personnage de l’Irlandais Walker O’Reilly (mais aussi du nain de Shango) l’illustre parfaitement.

On a ainsi un trente-cinquième volume extrêmement bien mené, avec un solide scénario et un dessin de Dim. D particulièrement bien soigné.


Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes