Propos de l’éditeur. « Retrouvez cochon, lapin et canard, les héros du Grand Méchant Renard, dans le tout premier album de Benjamin Renner, l’auteur qui a déjà conquis plus de 100 000 lecteurs. Que se passe-t-il si la cigogne qui apporte le bébé se casse l’aile ? Surtout si elle repasse le bébé à deux autres bras cassés : un lapin pas super malin et un canard encore moins futé. Heureusement, un petit cochon un peu grognon veille… Découvrez la réédition du premier album de Benjamin Renner ».


Il est des moments pénibles, quand on rédige des comptes rendus de lecture. Celui d’Un Bébé à livrer n’en est assurément pas. Ceux qui ont vu les dessins animés diffusés sous le titre du Grand Méchant Renard le savent. On retrouve ici les principaux personnages, dans cette réédition, qui cherchent à poursuivre la mission d’une cigogne peu scrupuleuse : confier Pauline à ses parents, à Avignon. C’est le prétexte à des tribulations désopilantes, bien plus complètes que dans le dessin animé, ce qui ne gâche rien. Et à croiser d’autres personnages, aussi loufoques que le canard et le lapin : des renards affamés ; un hibou sentencieux ; une vache bonasse (dommage qu’on ne voit pas le taureau…) ; des tarsiers des Philippines (si) enfuis d’un zoo, et qui cherchent évidemment à regagner leur archipel, etc. Une ménagerie digne de Prévert, mais sans raton-laveur. Le récit enchaîne gag sur gag, dans la droite ligne des meilleurs Tex Avery.

Qu’est-ce que cela peut bien venir faire dans la Cliothèque, normalement réservée à des ouvrages sérieux (quoi que…) supposés servir au travail d’enseignants (non moins sérieux…) ? C’est que le récit peut tout à fait être un matériau pédagogique utilisé dans les classes de primaire, principalement dans les premières années où on met en place des stratégies pour aider à constituer et renforcer la structuration de notions importants pour les élèves. Celle de l’espace, en l’occurrence, sinon celle du temps, en suivant le fil chronologique. En dépit de l’épaisseur de l’ouvrage — mais on utilisera alors des extraits choisis —, on pourra les faire travailler sur les différents paysages, mais aussi les moyens de locomotion (et leurs limites). L’ouvrage offre en outre un autre intérêt, qui est de varier les points de vue que l’on pourra croiser : la plupart des vignettes concernent des vues horizontales, mais on en a d’autres qui proposent des plans verticaux. L’histoire offre également la possibilité de voir ce qui sépare le monde des animaux et celui des humains : ce n’est pas parce que le trio infernal parle qu’il utilise le même langage que les hommes.La philosophie s’invite de plus en plus dans le premier degré, ce qui est heureux : voilà un sujet de débat intéressant.

Quoi de plus plaisant pour des élèves, enfin, que de travailler à partir d’un récit comique (ce qui permettra également de les faire réfléchir sur le registre utilisé). En somme, Un Bébé à livrer pourra satisfaire un public très large, depuis les rigolards jusqu’aux pédagogues, des enfants aux adultes, de trois à quatre-vingt dix-neuf ans — oui, l’espérance de vie a augmenté depuis l’époque de Hergé.


Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes