« Qui connaît aujourd’hui le peintre Jules Adler ? Connu des conservateurs de musée et d’un cercle d’amateurs de cette peinture naturaliste qui revient aujourd’hui au goût du jour, son nom ne dira rien, a priori, à nos publics, qu’ils soient néophytes en matière d’art de cette fin du XIXe siècle et début du XXe siècle ou plus connaisseurs. Pourtant, tous ou presque, sans le savoir, ont vu l’image reproduite de sa toile la plus célèbre, la fameuse Grève au Creusot, puisqu’elle est de longue date reproduite dans les manuels d’histoire de collège, passés peu ou prou, avec plus ou moins d’intérêt et d’attention entre les mains de plusieurs générations-les nôtres, les vôtres-d’adolescents. Cette toile, qui fait, à sa manière, office d’icône dans l’imagerie du monde ouvrier et de la contestation sociale, est tout ce que l’histoire-l’histoire comme discipline d’ailleurs, plus que l’histoire de l’art et des représentations-a retenu de Jules Adler ».
C’est par ce propos liminaire sévère que A.Lavin, W.Saadé et B.Gaudichon introduisent le lecteur dans l’univers d’un peintre qui, effectivement, est injustement tombé dans les oubliettes de la mémoire collective.
Jules Adler, artiste naturaliste d’origine franc-comtoise, est l’auteur d’une œuvre dense et foisonnante, à laquelle le catalogue édité à l’occasion de la rétrospective (d’abord présentée à Dole, à Evian et à la Piscine de Roubaix, l’exposition se trouve actuellement, et ce jusqu’au 23 février 2020, au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme) qui lui a été consacrée, rend enfin justice.
Surnommé « le peintre des humbles », Adler a représenté les indigents (La Soupe des pauvres), le monde ouvrier (Les Enfourneurs, Mineur de Charleroi, Vieil ouvrier…) et son environnement (Paysage industriel, Les Hauts Fourneaux de la Providence…), la rue et son mouvement (Le Trottin, Paris au petit matin, Foule en marche…), la Grande Guerre (L’Armistice…) mais également des toiles beaucoup plus intimistes comme le très beau et mélancolique Paris vu du Sacré-Coeur de 1936.
Les sommes scientifiques réunies dans le catalogue s’interrogent, entre autres, sur le rapport du peintre au mouvement, à la question politique et sociale, à son ancrage territorial mais également à ses liens avec Théophile-Alexandre Steinlen qu’Adler considérait comme « un vrai patron de cœur (cf. P. Kaenel, « La société en marche : iconologie du mouvement social autour de Jules Adler et Théophile-Alexandre Steinlen », op.cit, p.95) ».
Un travail de qualité qui permet d’entrer dans l’univers singulier d’un grand artiste.
Grégoire Masson