Kleos, la « gloire », celle dont le récit iliadique fait état, celle qui fascine le jeune fils de pêcheur Philoklès (son patronyme l’annonce déjà « amoureux de la gloire ») de la cité d’Amorgos qui s’enivre des récits homériques et déclame intérieurement les vers récités au public par un aède dans sa cité.

Lorsque des pirates arrivent pour piller son île, il critique violemment l’inertie des hommes en charge de défendre sa cité et réclame le droit de lutter contre les agresseurs.

Le chef des eupatrides (« les biens-nés ») va alors, dans le seul dessein d’éviter une émeute, lui confier armes, vivres et navire et le laisser partir dans une Odyssée prenant le contre-pied de celle du rusé Ulysse.

Piètre navigateur, Philoklès, après avoir entendu un « oracle » douteux, se retrouve échoué à Lesbos et dans les mains d’une Nausicaa aux mœurs beaucoup plus…libres. Après avoir été rossé dans un combat bien peu glorieux par le mari de son hôtesse, Philoklès, après quelques autres péripéties , se retrouve recueilli par les pirates qui ont attaqué sa cité et se trouve réduit au rang d’esclave. Mnemosyne veillant sur lui, Philoklès parvient à devenir le rhapsode de ses ravisseurs…

Les références aux textes homériques sont légion et utilisées avec beaucoup de talent par les scénaristes.

Ainsi, lorsque Philoklès devient l’esclave du roi Monophtalmos (l’homme est, en effet, borgne), clin d’oeil au cyclope de l’Odyssée, Philoklès reçoit le surnom méprisant de « personne (Outis) », les auteurs renversant la métis d’Ulysse vis à vis de Polyphème. D’ailleurs Philoklès est lui-même Polyphème, le « bavard »,  et c’est son discours qui lui vaut le plus souvent tous ses désagréments. Loin de tout manichéisme, le héros créé par les auteurs sait aussi se montrer méprisant (envers les esclaves) et menteur (sur ses origines) même si son amour de la liberté et son courage le rendent également sympathique.

Le cadre retenu, une « Grèce Archaïque finissante », est également très séduisant et le contexte politique, tout comme les violences inhérentes à ces sociétés, sont bien traités par les concepteurs de ce roman graphique.

Kleos est une excellente bande-dessinée, d’une grande qualité graphique et qui témoigne d’une parfaite connaissance de la Grèce ancienne de la part de ses auteurs.

On ne peut que conseiller la lecture du cycle des aventures de Philoklès et lui souhaiter une Agathè Tychè !

Grégoire Masson