La revue pose dans sa globalité les enjeux liés à l ‘énergie, dont le pétrole, rappelant au passage l’origine de ses enjeux, l’histoire de notre dépendance énergétique et ses conséquences géopolitiques. Malheureusement à l’exception de l’énergie nucléaire, les énergies de substitution à commencer par les énergies renouvelables ne sont pas suffisamment approfondies. Un développement sur l’utilisation des bio carburants au Brésil avec toute les conséquences aurait eu sa place dans ce dossier. Le continent Africain est totalement oublié, les réserves en énergie fossiles y sont pourtant loin d’être négligeables.
Quelle(s) énergie(s) après le pétrole?
Les questions liées à l’énergie occupent une place centrale dans les relations internationales. Les problèmes qu’elles soulèvent n’ont rien de nouveau mais la perception de leur urgence s’est accrue. Serge Sur repose les termes du débat liés à l’énergie dans un article introductif.
L’énergie a toujours occupé une place importante dans le développement économique, pour la stabilité des Etats. Les chocs pétroliers de 1974 et 1979 ont ébranlé les économies des pays non pétroliers, européens notamment, pourtant leurs pratiques non pas vraiment évoluées. Mais depuis le début du XXIème siècle les perceptions ont changé radicalement. A cela un faisceau de facteurs. Certains sont d’ordre écologique : le réchauffement climatique semble être alimenté par l’utilisation intensive d’hydrocarbures. D’autres sont d’ordre économique : au premier rang desquels la raréfaction des ressources et l’augmentation de la demande (économies développées et économies émergentes) qui contribuent à la hausse des coûts. Enfin, les contraintes de transport à partir des nouvelles sources d’approvisionnement soulèvent des questions d’ordre géostratégique (notamment concernant le tracé et la maîtrise de gazoducs et oléoducs au travers de régions politiquement instables)
La question désormais dominante est celle de l’après pétrole. Le débat sur le sujet est obscur pour de multiples raisons : scientifique (méconnaissance de la source ou des sources qui pourraient se substituer au pétrole), raisons idéologiques (écho croissant des thèses écologiques, le thème du global warming pouvant être le vecteur d’une nouvelle crainte millénariste), raisons économiques (l’économie des hydrocarbures est profondément enracinée et maîtrisée) et raisons politiques (il n’existe pas de gouvernance globale de l’énergie). Au final, la question de l’énergie épouse en tout point celle de la puissance.
Du charbon au pétrole. Quelles stratégies des pays dépendants?
«Qui tient le pétrole, tient le monde» affirmait Lord Fisher, premier Lord de l’Amirauté au début du XXème siècle. L’histoire ne lui a pas donné tort !
Ainsi, la question énergétique fait pleinement partie de l’histoire des relations internationales. Il est cependant utile de faire une mise en perspective historique concernant charbon et pétrole. Le charbon fut le moteur du développement industriel tout au long du XIXème siècle. En 1913, on peut estimer la part du charbon à 92,6% de la production mondiale d’énergie commerciale.
La découverte du pétrole en tant qu’énergie intervient en 1859. Les nations (Etats-Unis, Grande-Bretagne) qui prirent une avance décisive dans le domaine pétrolier vont la conserver une partie du Xxème siècle.
Les deux guerres mondiales vont opérer une redistribution en matière énergétique.
Avant le premier conflit mondial, l’amorce d’une géopolitique du pétrole est bien présente, limitée à certaines régions du monde et certains acteurs. Parmi lesquels la Grande Bretagne qui fut sans doute le premier pays à comprendre l’importance stratégique du pétrole.
La première guerre mondiale n’a pas été la guerre courte espérée et le pétrole en fut une donnée majeure (ainsi l’exemple de la France qui fut près de s’effondrer faute de pétrole).
Du point de vue du commerce international, le charbon qui représentait plus de 70% des exportations en 1914 n’en représente plus que 40% à la veille de 1939. Cette importance s’est traduite par des tensions croissantes, les compagnies pétrolières cherchant sans cesse de nouveaux horizons : en Irak et Iran et en Amérique latine.
La seconde guerre mondiale a confirmé de façon définitive le rôle du pétrole. A l’issue du conflit, Etats-Unis et Grande-Bretagne ont conforté leurs positions au Moyen Orient. L’essor du pétrole fondé va maintenant s’appuyer sur le développement de l’automobile, des transports routiers et du chauffage.
Parallèlement, 2 phénomènes vont se développer et s’amplifier : la volonté d’indépendance énergétique qui pousse certains pays à diversifier leurs sources et le rôle croissant des pays producteurs du Moyen Orient et du Golfe. Le premier choc pétrolier a mis au 1er plan des relations internationales la question énergétique. La question du choix d’une énergie ou des priorités entre énergies devint cruciale.
La question de l’épuisement des ressources fossiles est donc au centre des débats et des polémiques. Le rôle du nucléaire et le pari des énergies renouvelables sont au coeur des réflexions.
Le poids du nucléaire, les risques afférents sont analysés en particulier pour la France – on peut regretter l’absence de développement de la position Allemande (arrêt des centrales à terme) ou Italienne où des projets sont à l’étude. Le nucléaire représente 15% de la production d’électricité dans le monde, et connaît un renouveau, en particulier grâce aux progrès techniques récents (cf. générateurs de la 4ème génération).
Aujourd’hui, quelles stratégies, quels choix sont mis en oeuvre de la part des Etats les plus dépendants?
Les Etats-Unis, comme les autres pays développés qui avaient été anesthésiés par un pétrole bon marché, sont à un tournant que l’on peut faire remonter au rapport Cheney de 2001 : 3 objectifs y sont affichés (la sûreté de l’approvisionnement énergétique, son moindre coût et le respect de l’environnement).
La prise de conscience, liée au coût pour le consommateur notamment et à l’existence d’un appareil productif ancien et insuffisant n’a cependant pas permis la mise en place d’une politique répondant aux enjeux. Notamment parce que les préconisations optaient pour une hausse de la production. La dépendance énergétique externe s’accroît, les relations entre pays producteurs et les Etats-Unis sont tendues (la politique américaine reposait sur le contrôle plus ou moins direct des pays producteurs), ainsi les relations avec le Venezuela de Chavez.
2 grandes évolutions sont apparues récemment et qui conduisent à élargir le champ d’action de la politique énergétique : une vraie prise de conscience des enjeux écologiques (avec notamment l’action de Al Gore), et celle des dangers de la dépendance géopolitique. L’objectif fixé par G. Bush est de réduire de 75% avant 2025 la consommation américaine et donc de développer des énergies alternatives.
En Europe, la pression sur les prix a replacé la contrainte énergétique au coeur des réflexions liées à la construction européenne. Parmi les orientations énergétiques à l’étude pour les 30 prochaines années, l’Europe peut faire le choix de la diversification de l’offre, de la limitation de sa demande, relancer ses investissements. Elle doit aussi définir une nouvelle stratégie à l’égard de ses principaux fournisseurs.
La vraie question est celle de la mise en place d’une politique énergétique commune, ce que tente d’initier la Commission depuis mars 2006. Les grandes lignes en seraient le développement d’une politique extérieure commune sur l’énergie afin de renforcer la sécurité des approvisionnements, la promotion d’énergies nouvelles viables, et stimuler la concurrence entre grandes sociétés énergétiques européennes.
Un article est enfin consacré à la Chine et l’Inde, puissances émergentes dont les besoins énergétiques sont considérables. Les 2 pays, déjà fortement importateurs d’hydrocarbures, se sont engagés dans une véritable politique tous azimuts de diversification de leur approvisionnement : en Asie centrale, Russie et au Moyen-Orient. Chine et Inde convoitent également les ressources pétrolières du continent africain qui assure entre 30 et 20% de leurs importations respectives. Enfin, il faut y ajouter le continent sud-américain. Cette omniprésence est source de nombreuses interrogations. La diplomatie pétrolière est jugée comme un facteur de déstabilisation politique et économique.
Pour finir, il faut donc évoquer la géopolitique des hydrocarbures et les logiques à l’oeuvre sur le marché pétrolier.
Le contexte de raréfaction et de pénurie annoncée des hydrocarbures s’inscrit dans celui d’une augmentation considérable de la demande, notamment du fait de l’émergence de la Chine et de l’Inde. Les Etats sont fortement impliqués (témoins les Etats-Unis en Irak) dans cette course à la maîtrise des ressources et le risque de voir apparaître de véritables guerres du pétrole n’est pas négligeable. On le pressent au Moyen Orient (60% des réserves mondiales prouvées, le coeur pétrolier du monde), en Asie centrale mais aussi en Amérique latine.
Le pétrole est indéniablement une ressource stratégique, donnant à ceux qui le produisent un poids considérable. Il possède une dimension politique indéniable mais reste fondamentalement un bien économique soumis aux lois du marché, et dont les acteurs les plus opérants ont été les grandes compagnies pétrolières et les Etats. La logique de mondialisation financière et le poids des marchés a modifié la donne : le vendeur ne sait plus avec certitude qui, au final, achètera le pétrole mis en vente.
Pour cette raison, la scène pétrolière ne peut plus être considérée comme étant définie par des acteurs puissants mais par de nombreuses interactions, qui place chacun des acteurs dans une position de dépendance réciproque bien qu’inégale.
Au sommaire de ce numéro, on trouvera deux articles sur les questions européennes consacrées à l’Espagne (2 aspects : la politique extérieure menée par Zapatero et la Catalogne), une analyse de la politique extérieure du Japon. La rubrique Histoires de questions internationales est consacrée au régime castriste et à sa naissance.
Copyright Les Clionautes