Entre prévision économico-écologique et charge contre l’administration Bush, Robert Bell, universitaire américain, professeur de management, se fait le prophète d’une future bulle verte à savoir un phénomène d’investissements massifs dans le domaine des énergies renouvelables.
Pour l’auteur, la formation de cette bulle verte semble acquise et déjà en marche dans certains pays européens tels l’Espagne. Comment l’auteur parvient-il à de telles conclusions ?
Panique verte, pic pétrolier, tsunamis d’argent sont les expressions phares utilisées par l’auteur afin de marquer les esprits. Pour expliciter la formation de cette bulle, Robert Bell décrit la convergence de plusieurs phénomènes.
Tout d’abord, la fin du pétrole à bon prix et disponible en quantité. Le pic pétrolier, expression désignant le moment où la moitié du pétrole disponible sous terre a été ou est en passe d’être forée, a été ou va être atteint sous peu selon les experts consultés. Les tentatives pour exploiter le pétrole dans des conditions de plus en plus extrêmes n’empêcheront pas une « débandade du pétrole ».
Or quelles sont les solutions ? Continuer la prospection pétrolière ? Inutile pour l’auteur ; relancer le nucléaire? son utilisation coûtera toujours plus cher (le problème des déchets). L’hydrogène ?
Robert Bell consacre un chapitre entier à l’hydrogène ; pour lui, il s’agit là d’un miroir aux alouettes et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord, cette énergie n’est actuellement pas opérationnelle, du moins pas opérationnelle pour le grand public et les délais de fonctionnement réels portent son éventuel diffusion sur le marché à l’horizon 2010-2020.
2ème argument, le concept d’assiette au beurre abondement repris au fil du développement : l’hydrogène serait une assiette au beurre, autrement dit un projet grand consommateur de subventions en tous genres, investies avant tout dans la mise en œuvre et pas dans le mise en marche, dur à comprendre pour le grand public et non fonctionnel. Des exemples sont donnés de précédentes assiettes au beurre, surtout des projets militaires ; dans le cas de l’hydrogène, Robert Bell explique que contrairement à la logique qui voudrait que l’on investisse dans les technologies au point, les Etats-Unis et notamment l’administration Bush subventionnent fortement l’hydrogène, en raison des connivences avérées entre celle-ci et les magnats du pétrole promoteurs d’une énergie extractible de l’énergie fossile.Mais alors et il s’agit du titre du chapitre 3 : qu’est-ce qui marche aujourd’hui ?
On en vient là au 2ème phénomène de la série évoquée plus haut. Sont évoqués les cas des biocarburants, des panneaux photovoltaïques, de l’éolien. Pourquoi ? car ces énergies fonctionnent actuellement, mais , et l’auteur s’en plaint, très peu aux Etats-Unis. Développant la situation de l’énergie éolienne, il insiste sur les atouts de celle-ci : elle ne rejette pas de CO2, n’est pas nocive, fait relativement peu de bruit et il va jusqu’à affirmer qu’à elle seule elle serait capable de fournir toute l’énergie du XXIème siècle si n’existait un certain nombre de contraintes (la non-régularité du vent par exemple) qui imposent de limiter sa contribution à 20% des besoins énergétiques d’un pays. Or dans ce domaine comme dans d’autres, les Etats-Unis sont à la traîne et parfois totalement à la remorque d’autres pays. Le leadership américain dans le domaine des technologies est reconnu au niveau mondial mais dans le cas des nouvelles énergies, il n’en est pas question. Les leaders sont européens (Allemagne, Espagne, Danemark, la France), sud-américain (le Brésil pour l’éthanol) voire asiatique et Robert Bell de s’étonner avec un brin de condescendance de l’avance indienne sur les Etats-Unis dans le biodiesel tout en reconnaissant que dans ce pays la volonté politique n’a pas fait défaut ce qui est loin d’être le cas du gouvernement Bush.
Toutefois il rappelle que même si l’actuelle administration est responsable du retard américain, à d’autres échelles des responsables politiques ont pris des décisions fortes afin de lutter contre le réchauffement climatique (le gouverneur de Californie, les maires de grandes villes tels le maire de Seattle) bien qu’il regrette leur frilosité comparant leurs expériences à celles novatrices de Lyon (le service de vélos municipaux) et de Londres (le péage pour accéder au centre-ville).

La fin rapide du pétrole est annoncée comme évidente mais des solutions alternatives existent. Si, et le pronostic peut s’avérer rapidement vérifiable selon l’auteur, les deux évènements viennent à se superposer, « booster » par les inquiétudes liées au réchauffement climatique, Robert Bell prédit une ruée vers les énergies renouvelables. Mais pourquoi donc cela devrait-il former une bulle ?
Les chiffres avancés sont importants. Reprenant l’exemple de la bulle Internet, des chiffres de croissance de l’activité dans les énergies renouvelables ont déjà été données : pour Internet, on prévoyait un doublement du trafic tous les 100 jours, pour l’éolien, un spécialiste, Matthew Simmons (financier spécialiste de l’énergie basé à Houston) a déclaré en 2004 que l’énergie éolienne allait progresser de 200%/an. Pour la consommation de biocarburants, l’auteur évoque le remplacement de tous les véhicules américains en circulation pour des voitures hybrides type Toyota Prius permettant une baisse de la consommation d’essence de 30% aux Etats-Unis.
Tous ces chiffres sont possibles mais pendant un durée limitée comme pour Internet.
Pour que la bulle se forme, les chiffres ne suffiront pas, il faut qu’un rêve soit généré : ici les nouvelles énergies proposent notamment celui de transformer les déchets en richesse ; le cas de l’éthanol cellulosique est abordé : tous les déchets en contenant pourront être transformés en énergie or est avancé le chiffre de 70$ le baril pour rendre ce procédé très rentable soit quasiment le prix actuel du baril de pétrole. Autre élément important : la réserve de développement de toutes ces énergies renouvelables, toutes susceptibles d’être améliorées.
3ème paramètre, l’absence actuelle des Etats-Unis dans ces énergies nouvelles ne peut durer selon l’auteur et quelque soit le futur locataire de la maison blanche, il devra y investir et massivement pour espérer revenir à hauteur des pays cités plus haut. L’argent nécessaire ne pourra être trouvé que dans les fonds de pension américains qui attirés par les profits envisagés, les compagnies d’assurance échaudées par la multiplication des catastrophes climatiques, libèreront des « tsunamis » de dollars qui participeront à la formation de la bulle verte prévue par Robert Bell au plus tard en 2009 aux Etats-Unis.

Que ressortira-t-il de cette bulle verte ?
Une modification en profondeur de nos modes de vie, de nos façons de nous déplacer, d’habiter mais aussi et, l’auteur, tout en citant des entreprises destinées à profiter de cette bulle, le craint aussi, des millions de petits actionnaires, sûrs et certains de pouvoir s’échapper avant l’explosion de la bulle, qui perdront une grande partie de leur investissement.

Au final, un essai brillant sur le fond mais parfois brouillon sur la forme, la traduction devant être pour quelque chose dans cette impression. Un livre-pronostic sur l’après-pétrole à lire
( ou à écouter, Planète Terre du 2/5/07 :http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/planete/index.php?emission_id=110060156 )
pour tous ceux qui s’intéressent au futur de notre planète. Difficilement exploitable en classe car souffrant de l’absence de documents statistiques ou cartographiques, il peut néanmoins servir pour pourquoi pas nuancer la puissance technologique américaine, permettre d’évoquer des pays tels que l’Inde ou le Brésil en passe de devenir des puissances avec lesquelles il faudra compter dans le futur ou bien sûr servir de point de départ à une réflexion sur le développement durable travers le prisme des énergies renouvelables.

Cyril Froidure

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