http://www.clionautes.org/?p=1928 Elle a fait appel à de nombreux auteurs américains pour nous expliquer les changements qui sont au cœur de la réussite californienne et qui en font une terre de promesse pour de nombreux immigrants autour de la figure charismatique du « Governator » Arnold Schwarzenegger.
La Californie est-elle un présage de l’avenir juridique, économique et social des Etats-Unis ? Les problématiques choisies sont larges et englobent les domaines de l’environnement, de l’immigration et de la politique. Le premier article contribue à définir la place de l’Etat au sein de l’espace national : la Californie est-elle terre d’ exceptionnalisme marquée par une politique plus libérale qu’ailleurs ou d’avant-gardisme lui permettant de diffuser ses avancées progressivement sur l’ensemble du territoire américain? Il semble en fait que les deux correspondent à la réalité : « L’exceptionalisme de la Californie renvoie à l’exception des Etats-Unis ». L’analyse se veut ici essentiellement politique. Elle montre qu’une partie de sa singularité est temporelle.
La personnalité de Schwarzenegger est analysée avec précision. C’est son parcours de caméléon qui apparaît le définir le mieux. Profitant de la procédure d’Impeachment contre le gouverneur démocrate en 2002-2003, il échappe à des primaires de désignation au sein du parti républicain perdues d’avance si elles s’étaient tenues. L’ouvrage évalue le parcours politique de ce centriste autodidacte, né en Autriche et star des podiums avant de découvrir les strass d’Hollywood. Aux débuts qui s’inscrivent dans une surprenante gestion traditionnelle du nouveau gouverneur, succède une partie de bras de fer qui l’oppose au corps législatif. Schwarzenegger utilise la procédure d’initiative qui fait appel aux référendums populaires mais échoue. Il décide, au moment de sa réélection, de cesser ce virage à droite qui semble le vouer à l’échec. Il dépasse même le candidat démocrate sur sa gauche. On lira avec attention le système de l’initiative qui est l’objet d’une analyse qui en indique les spécificités et la nécessaire mobilisation de l’électeur. L’initiative populaire n’exprime pas nécessairement les points de vue de la majorité des Californiens mais elle a contribué à ce que le législateur demeure attentif à la volonté de celle-ci.
Hispanic is panic ? tel est le titre du très bon article de Emmanuelle Le Texier. Il évoque les changements de la montée en puissance de la population latino au sein du territoire californien. L’article suivant envisage cette migration dans la région des Grands Lacs. Les latinos (Mexicains en majorité) représente, selon les indication du Cnesus Bureau en 2005 près de 15% de la population américaine. On se souviendra que cette minorité raciale (dans le sens américain de « race ») avait dépassé en nombre les Afro-américains en 2000 lors du dernier Census. On estime même qu’ils peuvent représenter la moitié de la popualtion de Californie d’ici 2050. Les implications politiques bien connues, la mobilisation de l’électorat (déjà envisagé par F. Douzet dans son ouvrage récent), le poids réel de la minorité sont analysés rapidement mais de manière très précise. On retiendra plus précisément les débats passionnés au cœur de la présente campagne électorale de 2008 sur la réforme des politiques d’immigration, qui s’accompagne du regain d’un sentiment anti-immigré qu’il ne faut pas sous-estimer. L’auteur discute et critique les écrits de Samuel Huttington dans Who Are We: The Challenges to America’s National Identity en 1994 pour étudier les différentes options qui se posent à la politique d’immigration californienne et plus largement américaine. Cette minorité peut ainsi se mobiliser ponctuellement comme lors des journées sans latinos organisées pour montrer leur impact sur la bonne marche de la société californienne. Cette migration est marquée aujourd’hui par deux autres phénomènes majeurs : une très forte féminisation lié à la demande d’une main d’œuvre plus vulnérable et moins protégée (on pourra ici penser au film de Ken Loach Bread and Roses en 2000 sur le sujet) mais aussi la place de plus en plus importante des latinos dans les églises californiennes qui en font évoluer la pratique.
La revue s’achève par un entretien avec David Hollinger, professeur d’Histoire à l’université de Californie à Berkeley. Il s’interroge sur le caractère post-ethnique de la Californie. Le territoire doit-il être envisagé en faisant fi de l’approche « raciale » ? Pour Hollinger, les identités sont devenues plus poreuses qu’auparavant. Il témoigne de son histoire personnelle croisée avec celles des jeunes latinos aujourd’hui pour justifier que les frontières sont devenues beaucoup plus poreuses qu’avant. Il stigmatise la pensée de Huttington en soulignant qu’il n’est plus possible de parler de groupes homogènes séparés. Les Hispaniques de la première, seconde ou troisième génération sont loin d’avoir les mêmes caractéristiques et réactions. Finalement, l’historien regrette le manque de politiques publiques en faveur des minorités qui seules permettraient d’inclure complètement ces groupes hétérogènes dans la communauté nationale.
Peu nombreux sont les géographes français à nous offrir des mises au point géopolitiques sur les Etats-Unis. Frédérick Douzet a réussi le tour de force en quelques 130 pages de rassembler des universitaires pertinents dans les champs étudiés pour nous intéresser aux changements majeurs en cours dans cette puissance particulière qu’est la Californie. On ne saurait trop conseiller la lecture de cet ouvrage à l’ensemble de la collectivité éducative mais aussi aux CDI des établissements scolaires de s’abonner à cette revue prometteuse. Plus globalement, lire des ouvrages sur les Etats-Unis permet de déconstruire des images toutes faites qui ne donnent qu’une vision partielle et donc partiale de cette superpuissance.
@ Clionautes