Nous connaissons tous le travail de Marc Ferro, principalement sur l’URSS, la colonisation et les relations cinéma et histoire et il est toujours surprenant pour des gens de ma générations qui ont suivi tous les épisodes d’Histoire parallèle de lire un livre en ayant le sentiment d’entendre la voix de l’auteur au fil de la lecture. Et l’histoire de la colonisation avec la voix de Marc Ferro : « ça en jette ». Car c’est avec une vigueur et un regard sans concession que Marc Ferro nous y emmène.
Il n’est pas évident d’écrire sur ce sujet : il a déjà été beaucoup traité et il est sujet, pour l’historien et dans l’actualité, à beaucoup de controverses. Sur le modèle maintenant bien connu, des « …expliqué à … », nous voici plongés dans une interview aux questions claires, qu’on a l’impression de se poser soi-même.
En huit chapitres, nous voici amenés à suivre chronologiquement l’histoire de la colonisation européenne, du pourquoi des colonies à l’héritage aujourd’hui, sans négliger l’actualité de l’islamisme.
J’ai un faible personnel pour le chapitre 4 : « Indigénisation, occidentalisation et cohabitation » qui explique de manière limpide et très précise les sentiments des uns et des autres en partant de Cortès en passant par l’expérience personnelle de Marc Ferro, enseignant à Oran pour terminer par une comparaison avec la soviétisation des colonies musulmanes d’URSS.
Je veux aussi citer le chapitre suivant, court et percutant : « Défense et dénonciation » avec un superbe passage sur le cinéma mais un regard d’historien sur les réactions de nos concitoyens et celui de la presse, sans critique inutile, juste avec une froide analyse, qui fait du bien dans notre société où les jugements à l’emporte pièce font flores.
Un livre finalement rapide à lire, facile à utiliser et dont de nombreux extraits peuvent être mis dans les mains de nos élèves, y compris en collège, mais aussi pour des plus jeunes parfois. On soulignera aussi une rapide mais utile chronologie et surtout une efficace filmographie et bibliographie en fin d’ouvrage. « Quant à nous, historiens, nous avons la nécessité de réécrire l’histoire, encore et toujours, mais une histoire à plusieurs voix, et ensemble. »