De l’enseignement du latin à la cuisine romaine antique pour attirer l’attention des élèves

Ce livre est d’abord une réponse au peu d’intérêt des élèves pour les cours de latin. Agrégée de lettres classiques, Nicole Blanc cherche une façon de les intéresser en 1972. La cuisine romaine deviendra alors une façon d’attirer l’attention des élèves, puis un véritable sujet de recherche au CNRS.

L’édition de ce livre en 2020 fait suite à la première édition datant de 1992. Une introduction permet d’enrichir l’ouvrage près de 30 ans après l’écriture de la première édition. Les deux auteurs sont passionnés de cuisine, et ça se voit. La production, la préparation, la consommation et la distribution des aliments sont méthodiquement présentées de façon vivante. Les commentaires des deux auteurs sur la réalisation des recettes antiques sont particulièrement savoureux. L’analyse des sites archéologiques et la lecture des manuscrits permettent de reconstituer la cuisine des banquets. Il est très difficile à l’heure actuelle d’avoir des informations précises sur la cuisine de tous les jours d’un citoyen ordinaire.

Après avoir enseigné en lettres classiques, Nicole Blanc a publié une thèse puis est devenue chercheuse au CNRS. Son livre est écrit avec Anne Nercessian, également docteur en archéologie et ingénieur d’étude au CNRS, spécialisé en iconographie antique.

Dattes aux poivres et canard aux raves

Grâce à ce beau livre, le lecteur peut expérimenter des recettes du monde romain à la maison. Dans son addendum, les auteurs précisent que la reconstitution de repas « historiques » s’est considérablement développé depuis la première édition de 1992. Des thèses, notamment celles de Dimitri Tilloi d’Ambrosi, ont permis à l’histoire de l’alimentation de se devenir un sujet étude à part entière, ne suscitant plus les sourires de certains universitaires.

Asperges de Ravennes, huîtres, garum (c’est-à-dire du poisson macéré dans le sel) de Carthagène, agneaux de Bretagne, bœufs de Gaule, porcs d’Italie, panais de Germanie, vin de Lesbos, figue de Carthage, les spécialités dans le monde romain sont nombreuses et se distinguent d’une région à une autre. Les auteurs organisent le livre en s’intéressant d’abord aux sources d’informations avant de traiter des aliments consommés (fruits, gibiers, céréales) et des lieux qui leurs sont associés (basse-cour, boucherie, mer, rivages). Enfin, le livre d’Apicius, vivant sous Tibère, l’un des seuls livres de recettes du monde romain à être parvenu jusqu’au XXIe siècle, sert de fil rouge tout long des différents chapitres.

Une abondante iconographie

Cette réédition d’un livre paru en 1992 est riche grâce aux nombreuses iconographies. Ayant parfois un peu vieilli, les documents en couleur ou en noir et blanc qui accompagnent le texte sont particulièrement diversifiés : mosaïque, tesson de céramique, objets (comme des vases à boire), dessin de restitution etc. Le grand format de l’ouvrage s’avère utile pour en apprécier les détails, comme la mosaïque de Cherchel en Algérie, datant de 200-210 ap. J.-C. qui représente une scène de labour dans un champ d’oliviers.

La sortie de ce livre a été programmée en lien avec l’exposition dédiée à Pompéi au Grand Palais,se tenant du 1 juillet 2020 au 27 septembre 2020. Une seconde exposition au Musée de l’Homme devait être dédié à l’alimentation à Pompéi avant d’être reportée à une date ultérieure.

Un livre d’histoire, d’organisation très classique, pouvant servir de livre de recettes pour expérimenter des recettes romaines. Les plus téméraires pourront tenter la bouille carthaginoise de la page 87 à base de semoule, de miel, de fromage frais et d’œufs ou la Patella de fromage au stockfish d’Apicius, affectueusement surnommé la « recette à ne pas faire ».
« Prenez le stockfish qui vous plait, cuisez-le à l’huile et enlevez les arêtes. Prenez des cervelles cuites, de la chair de poissons, des foies de poulets, des œufs durs et du fromage frais ébouillantés et faites chauffer le tout dans un plat. Pilez du poivre, de la livèche, de l’origan, des fruits de rue, du vin, du vin miellé et de l’huile. Mettez dans le plat et cuisez à feu doux. Liez avec des œufs crus, présentez votre mets avec arts, saupoudrez de cumin en poudre et servez. »
Recette tirée d’Apicius, publiée dans « La cuisine romaine » de Nicole Blanc et d’Anne Nercessian, Glénat, p. 171.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes