Giusto TrainaGiusto Traina est un historien italien, professeur d’histoire romaine à l’université Paris Sorbonne-Paris IV et membre senior de l’Institut universitaire de France. Il a notamment codirigé avec Hervé Drévillon le premier tome de Mondes en guerre. De la préhistoire au Moyen Âge (2019). nous propose ici une série de tableaux, aux traits aussi légers que précis, afin de nous dépeindre l’histoire romaine de Romulus jusqu’à la chute de l’empire. 17 courts chapitres composent l’ouvrage qui, avec érudition et humour, donnent naissance à une véritable discussion à la fois familière et d’une grande intelligence. L’auteur réussit à déconstruire les « mythes » historiographiques et les préjugés populaires qui restent attachés à cette période du fait d’historiens romains issus de l’aristocratie sénatoriale et donc hostiles à certains empereurs comme Néron, de ceux du XIXe siècle ou même … d’Astérix !
Les sujets abordés sont multiples et se nourrissent les uns les autres :
- l’importance de la religion civique faisant partie intégrante de l’identité citoyenne mais aussi, dans les provinces, l’existence d’un syncrétisme religieux lié à la multiplicité des cultes locaux. Les difficultés commencent lorsque des fidèles refusent de remplir leurs obligations de citoyens comme le fait d’offrir des sacrifices aux dieux. C’est ainsi que les chrétiens ont été persécutés, non pas parce qu’ils étaient chrétiens mais parce qu’ils violaient l’ordre romain.
- le Sénat et ses membres qui, ayant obtenu la plus haute des magistratures de la République, forment un groupe social appelé nobilitas.
- le passage de la République au Principat qui crée un nouvel équilibre politique et social (abaissement du pouvoir sénatorial, nouvelle importance des chevaliers, …).
- Rome, cité cosmopolite, où les nombreux aménagements permettent de célébrer la puissance romaine mais aussi de répondre aux besoins d’une mégapole. Même si Rome perd son statut de capitale, son image de centre du pouvoir reste intacte !
- sous la république, l’utilisation de la défaite militaire comme avertissement à l’usage des générations futures : l’Allia (390 av JC) ou Cannes (216 av JC). L’idéologie du principat transforme cette défaite « exemplaire » collective en une catastrophe individuelle liée au sort d’un seul homme (Varus, Crassus, …).
- le limes et ses représentations construites au XIXe siècle du fait d’une « mentalité coloniale » (p.150) qui veut présenter la frontière comme une barrière militaire et morale face aux barbares. En réalité, le concept de limes ne prit son sens militaire que sous le Bas-Empire.
- les différentes hypothèses sur la chute de l’empire lors de la « longue Antiquité tardive » (Peter Brown) : des causes toujours au centre des débats (stagnation économique, déclin des villes, appauvrissement lié à la pression fiscale, …), des causes « sociologisantes » (émancipation des femmes et des esclaves, influence du christianisme, …), des causes naturelles ou liées à l’activité humaine (épidémies, déforestation, abandon des terres cultivables, …), …
Un ouvrage stimulant et rafraichissant à lire afin d’actualiser ses connaissances et de nourrir des réflexions plus actuelles sur nos sociétés modernes.
Pour les Clionautes, Armand Bruthiaux
La recension d’un autre ouvrage de Giusto Traina disponible dans la Cliothèque :