On a également retrouvé ce type de mémoires concurrentes s’opposer à propos du témoignage d’un ancien combattant présenté dans une classe de collège. Une autre association d’anciens combattants d’Algérie a ainsi souhaité exprimer son point de vue, invoquant un « droit de réponse » heureusement refusé.Ce numéro de la documentation photographique vient donc à point nommé, après les multiples débats qui ont traversé l’opinion publique, pour faire le point de la question. Bernard Droz, auteur au Seuil de l’Histoire de la décolonisation au XXe siècle. Bernard Droz : Histoire de la décolonisation au XXe siècle 385 pages Seuil (5 octobre 2006) Collection : L’univers historique
Dans le cadre de cette publication, nécessairement limité en volume et clairement destiné aux professeurs des lycées et collèges, Bernard Droz n’a pu développer l’ensemble des thèmes de ce sujet. Toutefois les éléments donnés ici permettent de traiter largement l’ensemble des questions possibles sur la question.
Traditionnellement, la publication s’ouvre sur un point de présentation de la question.
Commençant par « les sources de la décolonisation, Bernard Droz, revient sur l’apogée du fait colonial, qui se situe dans les années trente. Les deux premiers empires sont alors les britanniques et français, les statuts sont alors multiples, passant des dominions britanniques, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Union Sud Africaine quasi indépendants, à l’Inde administrée par un vice Roi aux « dépendent Empire ». Côté français, la situation est un peu différente. L’administration directe s’impose partout même si des protectorats comme ceux de Tunisie, du Maroc ou du Cambodge sont théoriquement des États souverains.
La crise de 1929 et la seconde guerre mondiale ont été les deux coups d’accélérateurs de ce processus. Il faudra pourtant que la France fasse son aggiornamento pour comprendre que le pays ne serait pas moins puissant ni moins prestigieux sans son empire colonial.
Toutefois les empires coloniaux ont pu, pendant la grande dépression jouer un rôle amortisseur de la crise, en permettant un recentrage des échanges en direction des colonies. Peut-être que dans le cas de la France, de telles solutions de pis-aller ont pu retarder la modernisation nécessaire. Ce serait en tout cas la thèse de Jacques Marseille.
Le dossier présente de façon bien commode des portraits et des fiches biographiques succinctes des leaders indépendantistes, comme Nehru ou Kwame N’Kruhmah, le premier président ghanéen et dans une certaine mesure le premier leader d’un pays indépendant sur le continent noir. Son pays a obtenu l’indépendance dès 1957.
Le processus de décolonisation a été encouragé dès les années vingt par le Komintern, et dans le cas d’espèce par le Parti communiste français. Toutefois cet anticolonialisme est resté marginal et c’est des colonies elles-mêmes que se sont élevées les aspirations à l’indépendance.
Celles-ci d’après Bernard Droz ont été le fait d’une bourgeoisie indigène, parfois réformiste et modérée, qui ne réclamait au départ qu’une représentation dans les instances dirigeantes de leurs territoires. La crise des années trente a entrainé une paupérisation des masses et une radicalisation des discours. De plus des partis plus modernes se créent, comme l’Étoile nord africaine qui se substitue au mouvement des Ulémas plus traditionnaliste, le Néo Destour progressiste et laïc qui s’impose au Destour conservateur et religieux en Tunisie ou tout simplement le Parti communiste indochinois.
Ces nationalismes sont donc multiformes, divisés et réprimés au départ par les puissances coloniales. En dehors de la Guerre du Rif au Maroc, il n’y a pas de véritables grandes campagnes de répression militaires dans l’entre deux guerres. La répression n’en demeure pas moins réelle et s’inscrit dans une idée selon laquelle les colonisés ne respectent que la force. On évite toutefois de donner aux leaders emprisonnés mais aussi relâchés une aura de martyrs qui pourrait les rendre incontrôlables. La seconde guerre mondiale a été, on le sait l’accélérateur de l’histoire, du fait de la contradiction entre les principes pour lesquels les allés se battaient et le maintien des statuts coloniaux. La charte de l’Atlantique prévoyant de restituer dans leurs droits les peuples qui en avaient été dépouillés par le force a eu un éco inattendu du côté d’Alger ou de Delhi.
La décolonisation commence donc en Asie, du fait du poids des populations, de l’éloignement des métropoles, de l’impact de l’occupation japonaise et de la maturité des élites indigènes. Elle se poursuit en Afrique du Nord avant de balayer l’Afrique noire d’Ouest en Est. Le processus a été en Afrique encouragé par les Etats-Unis qui n’y voyaient pas, avec raison, de menace communiste.
L’auteur nuance également dans la partie consacrée à la typologie de la décolonisation les affirmations comme quoi la décolonisation à la Française a été brutale et improvisée et la britannique pacifique et négociée. La Malaisie ou le Kenya pour l’Angleterre démontrent le contraire ainsi que le processus qui va des lois cadres Deferre de 1956 à la communauté française de 1958 jusqu’aux accords de coopération des indépendances en 1960. De ce point de vue, peut-être que l’on peut considérer les deux guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie comme des « accidents ». L’un serait lié à la guerre froide tandis que le second aurait pour cause l’ancienneté d’implantation de la forte minorité européenne et aussi peut-être son aveuglement.
On appréciera aussi dans cette mise au point les précisions données sur les processus qui ne sont pas achevés de décolonisation et le passage parfois difficile à faire comprendre à des élèves, de la décolonisation aux mouvements comme le non alignement.
Parmi les thèmes et documents présentés, on notera quelques présentations particulièrement originales. La présentation de l’affiche japonaise montrant un soldat du Soleil Levant brisant les chaînes et foulant aux pieds les drapeaux des Empires européens et la partition de l’Empire des Indes permettant, grâce à une carte, de faire des prolongements dans l’histoire du temps présent. (Rivalité pakistano-indienne sur la Cachemire par exemple ou autres.)
La chute de Dien Bien Phu est illustrée par deux éditoriaux concurrents, celux du Figaro et de l’humanité qui devraient permettre de trouver bien des idées de sujets d’interrogation dans les classes.
Dans un autre genre, on retrouve mis en opposition et analysées deux textes opposés, celui de Foster Dulles de 1953 et la déclaration de Khrouchtchev à l’ONU de 1960 dénonçant le fascisme colonial.
Enfin, en avant dernier thème traité, on pourra se référer à la Nouvelle Calédonie qui reste quand même un territoire où la question de l’indépendance se pose, même si elle n’a plus la même acuité qu’en 1988, avant que Michel Rocard ne parvienne à signer un compromis permettant de ramener le calme et d’associer les populations de Nouvelle Calédonie au développement du territoire.
Pour ce qui concerne le dossier de transparents et les propositions d’activité, le jugement sera plus nuancé. Les photographies du dossier sont ainsi reproduites pour être rétro projetables. (Tout le monde ne dispose pas dans sa classe d’un vidéoprojecteur !) mais les propositions d’exercices ne sont que des séries de questionnements permettant de servir de support à un cours dialogué. On pourrait enfin s’interroger sur le dernier exercice proposé aux terminales : « une guerre aux multiples aspects », à propos de l’Algérie. Une question de ce type parait en effet bien délicate à traiter sans poser forcément de gros problèmes. « Enfin votre conclusion devra se terminer par une ouverture sur un autre problème soulevé par le sujet. N’hésitez pas pour ce sujet à établir un lien avec l’actualité… » Je serai bien tenté d’essayer cet exercice pour voir !
Bruno Modica © Clionautes