Un univers visuel sombre pour ce roman graphique qui entremêle l’histoire d’un homme, Edouard Roux qui, sa vie durant, est confronté à la violence et à la justice des hommes et celle d’une ourse, la dernière reine du Vercors.

Un taulard à Grenoble, la dernière ourse abattue à la Grande Cabane sur les hauts plateaux du Vercors en 1898 : les deux double-pages posent le décor initial.

Ce roman graphique est à la fois une évocation des gueules cassées de 1914-1918, une histoire d’amour et une ode à la nature sauvage incarnée par la forêt et par l’ours. Le héros a été blessé dans les tranchées, il revient difficilement à la vie jusqu’à sa rencontre avec Jeanne Sauvage, sculptrice animalière qui crée des masques pour ces hommes meurtris. Ce personnage est inspiré, selon l’auteur, de la vie et l’œuvre de Jane Poupelet. D’autres femmesCes femmes qui réparaient les « gueules cassées » , TV5 monde comme Anna Coleman L’atelier des gueules cassées, Sybille Titeux de la Croix, Amaeing Améziane, Marabout, 2018 ont œuvré dans ce domaine et notamment en matière de chirurgie plastique maxillo-facialeVoir l’histoire de Suzanne Noël qui a inspiré Leila Slimani et Clément Oubrerie, A mains nues, Les Arènes BD, 2020.

La rencontre de cette artiste, qui introduit le héros dans le milieu des artistes : Soutine, Cocteau… et les dessous peu reluisant du marché de l’art, devient centrale dans ce roman graphique. Le couple, éperdument amoureux se réfugie dans la montagne. Ils préfèrent le commerce des animaux de la forêt à celui des hommes.

En alternance avec l’histoire de ce couple au XXe siècle, l’auteur rapporte des moments de la relation brutale des hommes avec les ours et celles qui les défendent et sont perçus comme des sorcières. En Vercors ; cette relation entre bergers et prédateurs est très présente dans l’histoire du plateau.Voir : Le dernier ours du Vercors localisé ? Si la dernière observation authentifiée date de 1937, à Saint-Martin-en-Vercors, le Parc naturel régional avait, dans les années 1990, envisagé sa réintroduction.

Avec La Dernière Reine, Jean-Marc Rochette a choisi son camp celui de Jeanne Sauvage et d’Edouard Roux, des défenseurs de la nature. De ce roman graphique, émane un pessimisme sur la nature humaine, la liberté du héros se paye au prix fort.