Créée en 2003 sous le titre Parlement[s], Histoire et politique, la revue du CHPP change de sous-titre en 2007 pour affirmer sa vocation à couvrir tous les domaines de l’histoire politique. Chaque volume est constitué pour l’essentiel d’un dossier thématique (partie Recherche), composé d’articles originaux soumis à un comité de lecture, qu’ils soient issus d’une journée d’études, commandés par la rédaction ou qu’ils proviennent de propositions spontanées. Quelques varia complètent régulièrement cette partie. La séquence (Sources) approfondit le thème du numéro en offrant au lecteur une sélection de sources écrites commentées et/ou les transcriptions d’entretiens réalisés pour l’occasion. Enfin, une rubrique (Lectures) regroupe les comptes rendus de lecture critiques d’ouvrages récents. Enfin, la revue se termine systématiquement par des résumés des contributions écrits en français et en anglais (suivis de mots-clés).

La revue Parlement(s) n° 17 a pour thème : La diplomatie parlementaire en France après 1945. Ce dix-septième dossier est coordonné par Christian Wenkel (enseignant-chercheur à l’Institut allemand de Paris/Sciences Po) et Emilia Robin Hivert (chargée de recherches à l’Association Georges Pompidou et chercheur associé à UMR IRICE). Comme d’habitude, le dossier se compose de deux éléments distincts : une première partie consacrée à la recherche et la seconde à des sources commentées par les historiens du présent dossier éclairant les contributions proposées par 6 chercheurs, jeunes ou confirmés.
Christian Wenkel et Emilia Robin Hivert présentent en introduction le dossier consacrée à la diplomatie parlementaire. La formule est revendiquée par les parlementaires mais contestée par les diplomates. À quoi sert-elle et avec quels résultats ? Centré sur la guerre froide, ce numéro étudie ses différentes formes, des voyages de délégations aux groupes d’amitiés, en passant par l’engagement personnel et officieux de ces diplomates non professionnels. Il montre qu’elle a favorisé le rétablissement de relations avec des États tels que la RDA, la Chine ou l’Afrique du Sud et que la politique extérieure n’est pas un domaine totalement « réservé ». Les textes réunis dans ce dossier cherchent à donner des éléments de réponse à ces réflexions. Ils sont issus d’une journée d’étude organisée le 12 février 2010 à l’Institut historique allemand de Paris, en collaboration avec le CHPP et le réseau RICHIE (Réseau international des jeunes chercheurs en histoire de l’intégration européenne). Centrée sur la période de la guerre froide, cette journée s’est intéressée au cas de la France après 1945.

Recherche : La diplomatie parlementaire en France après 1945 :

Le dossier s’ouvre sur une définition de la diplomatie parlementaire par Didier Maus qui propose une description précise de son cadre juridique et institutionnel. Afin de mieux la définir, elle est ensuite étudiée à travers plusieurs études de cas, sous deux angles, correspondant à deux étapes : l’activité des parlementaires pour inaugurer une relation bilatérale et leur action pour entretenir une telle relation.

Créer des relations :

Émilia Robin Hivert esquisse la naissance des contacts parlementaires entre la France et les pays d’Europe de l’Est de 1948 à 1958, en étudiant notamment les voyages au-delà du rideau de fer et tributaire de la guerre froide. Le voyage d’une délégation parlementaire est également le pivot de l’activité du groupe d’amitié franco-chinois de l’Assemblée nationale étudié par Jérémy Bougrat. Quant à Lucia Bonfreschi elle illustre, avec son analyse de l’engagement européen du sénateur Michel Debré, à la recherche d’une politique européenne alternative avec ses interlocuteurs britanniques, de 1948 à 1958.

Entretenir des relations :

Les contributions d’Anna Konieczna et de Christian Wenkel, quant à elles, tentent de mesurer l’impact de la diplomatie parlementaire sur la normalisation des difficiles relations bilatérales de la France avec l’Afrique du Sud (1960-1974) et la RDA (1967-1976).

Le rapport de cette diplomatie « complémentaire » à la diplomatie officielle est également au centre des conclusions de Maurice Vaïsse qui propose une définition du phénomène à travers les différents cas étudiés. Le rôle du Parlement dans les relations internationales s’exerce dans des cadres légaux précis, liés au processus de ratification des traités, à l’engagement de forces armées à l’étranger et aux procédures européennes dans leur ensemble. Outre cela, la plupart des procédures parlementaires usuelles peuvent être utilisées pour des questions touchant à la politique extérieure. Il faut également tenir compte des cadres informels que sont les groupes parlementaires d’amitié, les relations de travail et de coopération interparlementaire.

Sources :

Pour encourager de nouvelles études dans ce domaine, nécessitant le croisement d’archives très variées, le dossier est complété par une présentation des archives de l’Assemblée nationale et du Sénat relatives à ces questions. Hélène Saudrais, archiviste à l’Assemblée nationale, présente l’état des sources relatives aux relations internationales et à la diplomatie. Quant à Pauline Debionne et Cécile Daussun, archivistes au Sénat, elles étudient la diplomatie parlementaire dans les archives.
La photographie de la visite d’Edgar Faure à Berlin-Est du 10 au 12 janvier 1974, présentée par Christian Wenkel, montre l’importance du facteur personnel et le rôle de ces diplomates non-professionnels tel qu’Edgar Faure, en tant que président de l’Assemblée.

Varia :

Francis Choisel : Le Sénat du Second Empire et le travail des enfants dans les manufactures :

Sous le Second Empire, le Sénat était seul compétent pour examiner les pétitions des citoyens. En attirant l’attention du Gouvernement sur certaines d’entre elles, il pouvait orienter son action. À titre d’exemple, cet article examine son rôle dans l’amélioration du sort des enfants travaillant dans les manufactures. Par humanité, pour des raisons religieuses, sans aucune référence aux doctrines socialistes, il dénonça leur misère physique et morale, ainsi que la mauvaise application de la loi de 1841 dans beaucoup de départements et insista pour la création d’une inspection générale salariée et spécialisée qui remplacerait les inspecteurs bénévoles. Le Gouvernement décida en 1868 que les ingénieurs des mines seraient chargés de cette mission et déposa en juin 1870 un projet de loi aux dispositions plus protectrices, projet qui n’aboutit pas en raison de la chute du Second Empire. Stimulé par quelques sénateurs très motivés, tels que le baron Charles Dupin, Jean-Baptiste Dumas ou Michel Chevalier, le Sénat impérial fut ainsi indirectement à l’origine de la loi de mai 1874.

Anne-Sarah Moalic-Bouglé : Femmes, politique et imaginaire : Deux romans de science-fiction au XIXe siècle :

Le développement du féminisme en France et en Angleterre à la fin du XIXe siècle provoque une angoisse profonde dans une partie de la population. Celle-ci se traduit dans deux romans de science-fiction, The Revolt of Man de Walter Beasant (1882) et Un Roman de 1915 d’Alfred de Ferry (1889). Ces deux auteurs interrogent la société sur les voies nouvelles qu’elle s’apprête à emprunter dans le rapport entre hommes et femme. Face à la place nouvelle et anxiogène des femmes dans la société, ils font l’éloge de la nature féminine et de la séparation des sphères qui les protègent de l’inversion ou de la dissolution des genres. La figure de la femme politique est au cœur des deux fictions car, plus que toutes les autres revendications féministes, elle cristallise les peurs sociales de genre.

Matthieu Rey : Un parlementarisme oriental ? Éléments pour une histoire des assemblées au Moyen-Orient :

À la fin du XIXe siècle, l’espace politique au Moyen-Orient se structure autour d’aspirations constitutionnalistes qui deviennent les mots d’ordre des révolutions perses et des Jeunes turcs. La Première Guerre mondiale modifie durablement ce premier système. Elle permet l’aboutissement du mouvement constitutionnaliste mais aussi occasionne sa disparition. À l’image de l’Europe, le parlementarisme libéral ne semble guère défendu au cours de l’entre-deux-guerres, bien qu’il soit établi. La victoire des Alliés en 1945 favorise le renouveau d’un certain libéralisme au Moyen-Orient. Les États (désormais indépendants de toute tutelle étrangère) construisent des parlements qui affirment leur centralité sur la scène politique avant de péricliter au début des années 1960.

Lectures :

Vincent Robert, Le Temps des banquets. Politique et symbolique d’une génération (1818-1848), Paris, Publications de la Sorbonne, 2010, par Éric Anceau :

Éric Anceau fait le compte rendu de lecture de l’ouvrage de Vincent Robert (maître de conférences à l’Université Paris-Panthéon-Sorbonne et spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la France du XIXe siècle). Avec Le Temps des banquets, version à peine remaniée du mémoire original de son habilitation à diriger des recherches, Vincent Robert se tourne vers une forme oubliée du répertoire politique de la première partie du XIXe siècle : les banquets éclairant le long apprentissage par les Français de la démocratie et de la liberté. Ce livre à l’écriture classique et pure ainsi qu’à la présentation très soignée est l’un des plus importants consacrés, au cours de ces dernières années, à la vie politique française du XIXe siècle.

Grégoire Kauffmann, Édouard Drumont, Paris, Perrin, 2008, par Jacques Bartoli :

Jacques Bartoli fait le compte rendu de lecture de la biographie d’Édouard Drumont (1844-1917) écrite par Grégoire Kauffmann. Ce dernier présente l’itinéraire d’un homme parvenu, sous la IIIe République, à se hisser au premier plan de l’actualité politique ainsi que parmi les grands noms de l’écriture polémiste et du journalisme militant (jusqu’à peser sur les événements de l’histoire, dont il fait des « affaires » : boulangisme, scandale de Panama, affaire Dreyfus). Avec cet ouvrage, issu d’un travail de thèse, Grégoire Kauffmann livre une première biographie d’Édouard Drumont, dont il brosse un portrait d’une grande finesse, tout comme il livre le tableau d’une époque riche en mouvements de pensée dans laquelle se diffuse un antisémitisme particulier à la France.

Vivien Bouhey, Les Anarchistes contre la République. Contribution à l’histoire des réseaux sous la Troisième République (1880-1914), Rennes, PUR, 2009 :

Walter Badier fait le compte rendu de lecture de l’ouvrage de Vivien Bouhey qui est une version abrégée de sa thèse de doctorat, visant à décrypter le fonctionnement interne du mouvement libertaire de 1880 à 1914. La controverse Maitron-Berthoud portait sur le degré d’organisation du mouvement anarchiste. Les terroristes des années 1892-1894 agissaient-ils de manière isolée, comme l’affirme l’historiographie traditionnelle, Jean Maitron en tête, ou bien étaient-ils les bras armés d’une organisation, comme l’affirme Jean Berthoud ? Vivien Bouhey reprend la thèse défendue par Jean Berthoud mais ne convainc pas au point que dans ses écrits les plus récents il défend l’idée d’un niveau d’organisation finalement assez modeste du « parti anarchiste ».

Filipe Ribeiro de Meneses, Salazar. Uma biografia política, Lisbonne, Dom Quixote, 2010, par Victor Pereira :

Victor Pereira nous présente une biographie de Salazar qui vient des Etats-Unis, rédigée par un historien portugais travaillant depuis de longues années en Irlande ; Cette dernière a d’abord été publiée pour un public anglo-saxon (Enigma Books, 2009). Cette biographie pionnière, par son sérieux, son ambition et sa minutie, constitue un tournant dans l’historiographie contemporaine portugaise. Elle restera probablement une référence durable. Espérons néanmoins que les « gisements » d’informations historiques que constituent les archives encore inconnues et les nouveaux travaux sur cette période de l’histoire du Portugal permettront de nouvelles interprétations du dictateur portugais et de l’Estado Novo (Etat Nouveau).

Thomas L. Brunell, Redistricting and Representation: Why Competitive Elections are Bad for America (Controversies in Electoral Democracy and Representation), New York, Routledge, 2008 (first edition), par Thomas Ehrhard :

Thomas Ehrhard nous présente l’ouvrage singulier de Thomas Brunell qui part d’un postulat simple : il vaut mieux gagner que perdre et donc la compétition électorale est néfaste pour la démocratie L’ouvrage présente donc certains points contestables, intrinsèquement liés au parti pris de l’auteur. S’il ne parvient pas à convaincre, cet ouvrage permet de reconsidérer et de réfléchir de façon stimulante à l’idée de compétition électorale.

© Jean-François Bérel