Obamania
Le premier chapitre rappelle d’abord l’engouement qui s’est noué autour de la figure d’Obama. Jacques Portes retrace le parcours qui a fait d’un candidat parmi d’autres, un homme politique qui a déclenché un fort enthousiasme et une forte adhésion. Il souligne notamment comment Obama a toujours essayé de se situer en dehors de la question raciale. Jacques Portes n’hésite pas à citer de longs extraits de certains de ses discours ce qui nous change de la même petite phrase, vue et revue dans les médias. » Rester noir sans être l’otage des nationalistes qui ruineraient sa candidature mais en représentant l’ensemble des communautés » : c’est le cocktail gagnant identifié pour la réussite d’Obama. Pour retracer son parcours, Jacques Portes rappelle également quelques éléments de la campagne de 2008, sans entrer dans le détail. Il signale ceux qui permettent de comprendre les explications de cette cristallisation réussie. Parmi les éléments remarquables de sa campagne, quelques faits méritent d’être rappelés : en six mois de pré-campagne en 2007, le sénateur de l’Illinois a attiré à lui 60 millions de dollars dont un tiers provenait de dons individuels de moins de 200 dollars. De plus, en Pennsylvanie, 400 000 nouveaux électeurs ont été répertoriés, c’est-à-dire autant de gens qui auparavant ne s’intéressaient pas ou plus à la politique. Cet effet a demeuré puisque jamais autant de citoyens ne s’étaient effectivement déplacés pour voter le jour J. Jacques Portes rapporte enfin les résultats de l’élection en soulignant qu’avec 52 % des voix, c’est la première fois qu’un démocrate remporte la majorité du vote populaire depuis Carter. On peut vraiment parler d’une véritable Obamania.
La cohabitation : une situation traditionnelle aux Etats-Unis
Jacques Portes aide à mieux comprendre et contextualiser ce qui est donc une situation classique du rapport de force politique aux Etats-Unis. Si Obama est bien le candidat démocrate, il doit ensuite se concilier les leaders du Parti, au Congrès notamment, car ceux-ci ne lui doivent rien de leur carrière. L’auteur rappelle que la discipline de vote est un concept très éloigné de la tradition politique américaine. Barack Obama s’est aussi trouvé confronté au mouvement du Tea Party que l’auteur resitue dans l’histoire américaine. Là est vraiment l’apport intéressant du livre qui nous évite un effet de myopie. En effet, l’idée de l’opposition aux élites est un des thèmes les plus ancrés aux Etats-Unis. Jacques Portes considère que dans ce climat, pas toujours favorable, Obama a bien navigué mais il souhaite montrer ce » paradoxe de promesses tenues qui ne servent à rien dans le contexte américain avec une opinion profondément divisée ».
Peut-on déjà dresser un bilan objectif de la présidence d’Obama ?
Voilà le cœur du livre qui s’attache à dresser un bilan de quatre années de présidence d’Obama. Si l’on n’est pas spécialiste de la question, on en a quelques échos qui se résument à quelques mots comme Afghanistan ou tentative de réforme du système de santé. On a l’impression à la lecture de l’ouvrage d’un a priori favorable au président américain. Ainsi, on lit dès le début de ce chapitre que le président américain » est parvenu à réaliser beaucoup de ses grands projets intérieurs et a su semer dans le reste du monde de grandes idées de démocratie et de liberté ; parfois ces graines ont germé et même fleuri en 2009 en Iran, en 2011 lors du « printemps arabe ». On pourra être plus ou moins d’accord avec une telle affirmation ! En effet, si l’on songe par exemple à Guantanamo, il s’agissait d’une des promesses majeures d’Obama lors de la campagne. Pourtant, quatre ans après, ce n’est toujours pas le cas ! Alors certes, on peut dire qu’il a hérité d’une situation qu’il n’a pas créée, mais les médias, notamment français, font souvent preuve d’une grande indulgence envers Obama sur ce dossier. Jacques Portes énumère les raisons de cette « non fermeture » mais ne s’y attarde pas trop. Un article du Monde de janvier 2012 en disait plus sur le sujet. Sur la crise économique, il est difficile d’en faire une analyse raisonnée et définitive, tant l’on a l’impression d’être au milieu du guet. L’auteur revient aussi sur le psychodrame autour du montant de la dette qui a donné lieu à une passe d’armes entre démocrates et républicains.
Une meilleure santé et une meilleure image ?
Jacques Portes s’étend davantage sur cette question qui est peut être plus proche de nos préoccupations et sensibilités. Il retrace en une dizaine de pages les rouages mécaniques et politiques qui mènent à l’adoption de cette réforme. Il souligne les étapes, les difficultés et les revirements autour de ce projet. Rappelons les données de la question : 46 millions d’Américains n’ont pas d’assurance maladie. Le système de santé est loin d’être efficace puisque les Etats-Unis consacrent 17 % de leur PIB à la santé. Le livre évoque l’importance du jugement de la cour suprême, qui a eu lieu depuis, et a validé cette réforme.
Restaurer l’image des EU à l’extérieur a été un autre chantier du président. Parmi les signes de changement, Jacques Portes relève que lors des mouvements dans les pays arabes le drapeau américain n’a pas été brûlé. On peut certes le mettre au crédit d’Obama, mais en revanche il n’ y a pas eu d’évolution majeure au Proche-Orient. Lors de la future élection, le président américain pourra tout de même souligner que c’est sous son mandat que Ben Laden a été tué.
Jacques Portes termine par un tour d’horizon des rivaux possibles, partie qui apparaît forcément périmée, maintenant que l’on connaît le nom de son concurrent. Le seul avantage, c’est de s’apercevoir combien des candidatures s’effritent à une vitesse accélérée.
Le tour d’horizon aide donc à décentrer le regard que l’on porte sur les Etats-Unis. Il restitue le jeu des forces politiques, partie sans doute la plus intéressante, mais on pourra peut-être objecter que le bilan dressé n’est pas marqué du regard le plus férocement critique.
Jean-Pierre Costille © Clionautes.