Enquête sur la production du discours historique ouvrant sur une histoire des représentations nobiliaires, des rapports entre les nobles et le roi, il nous propose, selon son expression même, « une longue explication de texte ». Mathieu Lemoine choisit une approche des « Mémoires » comme un « possible de leur signification » en opérant une « destruction de la linéarité de l’œuvre ». C’est aussi un parcours événementiel et une histoire vue depuis la cour, par le haut.
Après une préface dont le langage hermétique de « expérimentation opératoire » à « structure paradoxique » ferait reculer le plus attentif des lecteurs, on aborde avec l’introduction de l’auteur un rappel de la vie et l’œuvre du maréchal de Bassompierre et une présentation des sources qui au delà du texte même des « Mémoires » ont servi à l’élaboration de cet ouvrage ainsi qu’une réflexion sur la nature des « Mémoires » entre discours historique et discours personnel.
table des matières et présentation par Bruno Modica

Vers les Mémoires.

Partant de la journée des Dupes essentielle dans la vie et la situation du maréchal qui basculent de la faveur à la disgrâce, Mathieu Lemoine tente d ‘analyser l’événement à la lumière de la perception de Bassompierre lui même. Embastillé, sa situation l’amène à entreprendre l’écriture de ses mémoires comme contre-point à l’histoire officielle qui s’écrit du côté de Richelieu. Douze années pour dresser un réquisitoire contre un pouvoir royal qui n’a pas su reconnaître son  fidèle serviteur, douze années pour s’opposer encore à Richelieu.

Bassompierre et le roi.

Le texte des « Mémoires » offre l’occasion de saisir les rapports entre le serviteur et son roi.
D’abord aux côtés d’Henri IV il append son « métier de noble » et de courtisan, initiation décrite en détail. Fidélité à la régente et faveurs reçues scandent les diverses étapes de sa carrière, notamment à la tête des « Suisses ». Le maréchal perçoit mal les évolutions de ses relations avec le roi sous Louis XIII, de l’homme de confiance au courtisan déchu.

Bassompierre et l’identité nobiliaire

Être noble est d’abord appartenir à une famille, une lignée d’ancêtre dont l’histoire est ici rapportée.
Être noble c’est servir le roi à la guerre, au conseil, comme ambassadeur (Espagne, Suisse, Angleterre), tâche que les « Mémoires » relatent en détail comme justification et légitimation de l’action de leur auteur.

Bassompierre au delà des « Mémoires »

 

À partir de sources parfois inédites Mathieu Lemoine nous fait découvrir un homme de culture savante grâce à la présentation de sa bibliothèque, importante pour l’époque, pas moins de 1979 volumes mais aussi un personnage qui a la volonté de se construire une image pour la postérité.

Quant à la gloire posthume de Bassompiere, la question se pose du pari réussi ou non. Si l’homme de guerre au passé victorieux semble demeurer intact chez les divers auteurs de son temps, le XVIIIe siècle lui fit moins favorable. Il réapparaît au XIXe. Chez Dumas ou Vigny et son côté galant en fait un héros de romans et de pièces de théâtre.