Une équipe de 25 auteurs pour un dictionnaire historique le plus récent sur la Franc-maçonnerie
Les éditions Robert Laffont, avec leur fameuse collection « Bouquins », ont eu l’ambition de faire (selon leurs propres mots) un « livre ressources », c’est-à-dire un dictionnaire historique sur la Franc-maçonnerie qui soit le plus récent, en matière éditoriale. Pour ce faire, elles ont fait appel à Jean-Luc Maxence pour diriger cette entreprise.
Jean-Luc Maxence est né à Paris, en 1946. Dès 1965 (à 29 ans), il collabora notamment à plusieurs journaux (Arts, Le Monde, Les Nouvelles Littéraires, etc…). Il publia son premier recueil de poésie en 1970 (à l’âge de 34 ans) et ne cessa depuis d’animer des maisons d’éditions et des revues. Auteur d’une trentaine de livres, dont des romans, des essais (Jung et l’avenir de la franc-maçonnerie, Dervy, 2004) et des anthologies faisant autorité dans le monde de l’édition. Jean-Luc Maxence devient franc-maçon, à 50 ans (en 1996), en étant initié à la Grande Loge de France (GLDF). Psychanalyste « des profondeurs », il ne cesse de rapprocher l’inspiration « jungienne » et la franc-maçonnerie, depuis 2004, année de la parution de son essai.
Un « livre ressources » sur l’univers initiatique de la franc-maçonnerie
L’art royal (expression courante pour désigner la pratique maçonnique) intrigue toujours, répondant au goût d’un vaste public pour les secrets et supposés complots. Face à tant de fascination irrationnelle, parfois de méfiance, peut-on prétendre à une certaine objectivité historique ? La Franc-maçonnerie tente de répondre à cette interrogation, en offrant une source d’informations et de références. L’ouvrage s’adresse aux profanes comme aux francs-maçons, aux historiens comme aux curieux venus de tous les horizons de la pensée, à tous ceux qui veulent comprendre, au-delà des peurs et des fantasmes habituels. Il propose des pistes de réflexion, des débats d’idées, des dossiers, des documents historiques sur un sujet qui n’a cessé, depuis plusieurs siècles, de susciter des commentaires passionnés.
Ces 1216 pages présentent non seulement un historique de la démarche initiatique, de ses origines hypothétiques à aujourd’hui, mais aussi des diverses obédiences et des rites pratiqués, des symboles utilisés, de l’évolution des tempéraments, des ambitions et des pratiques. Pour mener à bien cette entreprise, le directeur de ce présent « Bouquins », Jean-Luc Maxence, s’appuie sur le concours de 24 auteurs émérites, pour la plupart francs-maçons (mais pas tous !), appartenant à des obédiences et des rites d’origines diverses. Cherchant à éviter les partis pris et l’esprit de caste, tout en laissant libre chaque auteur d’exprimer ses interprétations et ses spécificités, le livre donne à entendre les résonances profondes d’une certaine pensée maçonnique plutôt que de se crisper sur des positions politiciennes tranchées ou sur des idéologies réductrices. Une volonté d’éclectisme « éclairé et ordonnée ».
Un dictionnaire historique de la Franc-maçonnerie en 7 chapitres et des annexes opportunes
Cet ouvrage comprend une présentation du dictionnaire (rédigée par Jean-Luc Maxence) et sept chapitres (en symbolique maçonnique, le nombre sept est celui des sept officiers qui rendent la Loge « juste et parfaite » et représente aussi l’âge du maître), qui rendent compte de cette épopée spirituelle à travers plusieurs siècles.
Le premier chapitre s’intitule « L’avènement de la franc-maçonnerie ». Son premier « sous-chapitre » est écrit par l’historien universitaire (et franc-maçon) Roger Dachez qui traite de la création de la franc-maçonnerie spéculative et moderne, de la genèse et de l’actualité des différentes obédiences et rituels puis des principaux rites pratiqués aujourd’hui en France, du Rite Français au Rite Ecossais Rectifié, en passant par le Rite Egyptien de Memphis-Misraïm, sans oublier le Rite Emulation. Complétant ces approches, Bernard Bouchard, également universitaire et franc-maçon, présente quant à lui le REAA, ce « Rite Ecossais Ancien et Accepté » qui reste incontestablement le rite le plus pratiqué à travers le monde maçonnique. Après cette présentation indispensable de l’ordre maçonnique, l’ouvrage permet à l’historien universitaire Pierre-Yve Beaurepaire d’expliquer la franc-maçonnerie des Lumières et de présenter la franc-maçonnerie anglaise, comme à Michaël Segall (franc-maçon) d’expliquer la franc-maçonnerie américaine, à Joël Gregogna (franc-maçon) la franc-maçonnerie italienne et à Didier Le Masson la franc-maçonnerie allemande.
Le deuxième chapitre s’appelle « L’utopie et le projet maçonnique ». Claude Saliceti (franc-maçon) éclaire et prône l’humanisme maçonnique. Jean-Claude Bousquet (franc-maçon) tente d’approfondir le concept du Grand Architecte de l’Univers (GADLU) et la liberté de conscience. L’historien (franc-maçon) André Combes confronte franc-maçonnerie et politique au cours des siècles récents (18e, 19e et 20e siècles) mais cet article (historiquement correct) souffre méthodologiquement parlant d’un manque criant de notes infrapaginales. Marie-France Picart (franc-maçonne) rappelle l’historique de la maçonnerie féminine. Jean-François Maury (franc-maçon) évoque les anarchistes francs-maçons et l’éducation en général.
Le troisième chapitre a trait à « L’imaginaire maçonnique ». Tour à tour, Charles B. Jameux (franc-maçon) explicite « l’art classique de la mémoire ou les sources antiques de la transmission initiatique en franc-maçonnerie », Michel Cazenave définit la « mythanalyse » et le mythe et psychologie des profondeurs, l’universitaire Simone Vierne les fonctions « des mythes et des rites en franc-maçonnerie » , le sociologue Michel Maffesoli, le « réenchantement du monde et franc-maçonnerie », Stéphane Ceccaldi le patrimoine artistique et culturel de l’Art royal, l’universitaire Jean-Pierre Lassale les rapports entre « Surréalisme et franc-maçonnerie » et le sociologue Frédéric Vincent « le rôle de l’imaginaire dans les sociétés initiatiques », en s’appuyant sur les structures anthropologiques de l’imaginaire maçonnique.
Le quatrième chapitre est consacré à « La symbolique maçonnique ». On y trouve respectivement un article sur « Les fondements symboliques de la franc-maçonnerie » par le journaliste (franc-maçon) Jean-Jacques Gabut, un autre sur « Chevaliers, Templiers et francs-maçons du Moyen-Age au 18e siècle » par Roger Dachez et un troisième de l’éditeur (et franc-maçon) Jacques Viallebesset sur « L’illuminisme au siècle des Lumières ».
Le cinquième chapitre évoque « La franc-maçonnerie comme voie initiatique ». Le dominicain Jérôme Rousse-Lacordaire compare le chemin initiatique et l’ouverture spirituelle et résume les rapports difficiles entre la franc-maçonnerie et les grandes religions monothéistes. L’historien universitaire Dominique Jardin resitue « Les courants ésotériques face à la franc-maçonnerie » et l’économiste Pierre Vajda (franc-maçon) avance l’idée que « La démarche maçonnique est une voie d’accès à une spiritualité sans dogme » soit, en définitive, une philosophie du savoir et de la connaissance.
Le sixième chapitre sous le titre « Esotérisme et / ou exotérisme » permet au musicologue et philosophe Jean-Marc Vivenza d’analyser l’apport primordial d’un « René Guénon envers l’ésotérisme et la franc-maçonnerie », à Jérôme Rousse-Lacordaire de tenter de résumer et d’expliquer l’ « Antimaçonnisme et ses scandales » et à Jean-Luc Maxence d’esquisser les parallèles possibles entre « Psychanalyse et franc-maçonnerie », soit entre loge et divan, en tant que psychanalyste « néojungien ».
Le septième chapitre se tourne vers le futur avec pour intitulé « Quel avenir pour la franc-maçonnerie ? », rédigé par Jean-Luc Maxence « Premier et derniers pas » et par Roger Dachez qui tente une synthèse, en tant qu’historien de la franc-maçonnerie « L’avenir de la franc-maçonnerie ».
Les annexes (très opportunes !) offrent au lecteur un dictionnaire des frères et sœurs « célèbres », un lexique des outils et des grands symboles et d’autres termes spécifiques, la présentation des grandes obédiences françaises du 21e siècle et de donner quelques textes fondateurs (suivis de 2 poèmes de l’écrivain britannique (franc-maçon) Rudyard Kipling : « Tu seras un homme, mon fils » et « La loge mère »), sans omettre un index et une bibliographie générale la plus récente possible.
Un ouvrage référence sur l’univers franc-maçonnique appelé à faire date ?
En guise de conclusion concernant ce dictionnaire historique de la Franc-maçonnerie, les éditions Robert Laffont avait pour ambition de faire un « livre ressources » sur l’univers initiatique de la franc-maçonnerie « appelé à faire autorité ». Peut-être a-t-il déjà fait autorité sur le plan éditorial, néanmoins, cet ouvrage nous paraît répondre davantage un public (déjà) averti qu’au grand public, proprement dit. En effet, selon nous, l’ouvrage collectif d’Eric Saunier, intitulé « Encyclopédie de la Franc-maçonnerie », des éditions de La Librairie Générale Française (2000, 982 pages, Collection « La Pochothèque » dans « Le Livre de Poche », 27 €). Cependant, cet ouvrage de la collection « Bouquins » nous fait entrer plus en profondeur dans le monde discret de la Franc-maçonnerie que le livre (plus académique mais peut-être plus pédagogique) de Monique et Jean-Marc Cara « Dictionnaire universel de la Franc-Maçonnerie des éditions Larousse » (2011, 719 pages, Collection « A présent », 28 €).
© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)