Ce livre traite d’un sujet qui peut paraître assez connu pour ceux qui s’intéressent à la Seconde Guerre mondiale, mais qui n’est pas forcément le plus à la portée du grand public. La question des médecins à Auschwitz et Birkenau, c’est la problématique du devenir des déportés malades, celle du respect du serment d’Hippocrate, celle de l’embrigadement, celle de la volonté de ces hommes et femmes œuvrant à l’ingénierie de mort mise en place par les Nazis.
L’ouvrage démarre par un rappel des principaux éléments idéologiques et chiffrés de la Shoah. il est écrit par Claude Quétel, ancien directeur scientifique du mémorial de Caen et spécialiste de la psychohistoire, c’est-à-dire des processus qui aboutissent certains hommes et certaines femmes à prendre des décisions ou à participer à des événements. Et quelles décisions et quel événement que ceux qui sont analysés par Bruno Halioua dans ce livre… L’appel à Claude Quétel, de part son profil particulier, donne déjà la couleur de ce livre.
L’ouvrage est divisé en 3 grandes parties composées, au final de 10 chapitres. La première partie est intitulée « Médecins criminels« . Au-delà de la figure médiatisée de Josef Mengele, l’auteur décrit les mécanismes mentaux, les expériences scientifiques, la progressivité dans l’horreur. Des médecins qui ont, de plein gré, participé à l’horreur et trahit leur fonction, au nom de l’idéologie.
La deuxième partie est consacrée aux « Médecins déportés« . C’est une vision aussi dure que la première que nous transmet l’auteur. Néanmoins, des traces d’humanité semblent encore exister. De ci, de là, quelques souffrances sont guéries, quelques médicaments sont donnés. Le tout sous la peur des sanctions et la surveillance extrême des SS.
Ce qui amène à la partie la plus complexe de l’ouvrage, « La Zone grise ». Reprenant une expression de Primo Levi dans « Si c’est un homme », dans un esprit fidèle à ce que racontent aussi certains survivants mais aussi ceux qui ont été obligés de collaborer dans les camps et autres centres de mise à mort, l’auteur décrit les jalousies et les haines suscitées par l’accession à ce titre de médecin chez les déportés, mais aussi ceux pour qui les visions d’horreur ne sont plus acceptables, ou, au contraire, participent pleinement dans le but de s’en sortir.
Ce qui marque dans ce livre, au-delà évidement des monstruosités qui sont évoquées, c’est la volonté de comprendre psychologiquement les actions et réflexions de chaque personne ayant agi dans ce cadre. Sans jugement ni volonté de réhabilitation quelconque, c’est l’humain qui est analysé. Car la seule chose qui est certaine, c’est que la folie n’a pas sa place dans cet univers rationnel, calculé et réfléchi. Se cacher derrière ce mot, c’est déjà, en partie, excuser ceux qui ont participé à cela. L’Homme, ici, a fait usage de sa raison.
Le livre est complété par une série d’annexes. Parmi celles-ci, la première partie, consacrée au devenir d’une grande partie de ces médecins, est édifiante. Le travail de recherche est lui aussi tout à fait remarquable, au regard de la quantité de sources mobilisée pour l’écriture de ce livre.
Présentation de l’ouvrage sur le site de l’éditeur