Inscrire aux concours de l’enseignement la question des marges peut sembler paradoxal au regard des programmes scolaires puisque l’expression n’y est pas employée. « Plus fondamentalement, se demander avec des élèves jusqu’où la République est intégratrice pour son territoire et ses populations n’est pas simple » (p. 16).
Allant à l’encontre des représentations d’une géographie qui « légitiment, naturalisent, dépolitisent l’ordre social/spatial établi » (Y. Lacoste, 1976), la thématique des marges ne se résume pas à un rapport binaire entre ce qui est intégré et ce qui ne l’est pas. C’est pourquoi Olivier Milhaud, MCF à Paris-Sorbonne, propose d’aborder cette question par le biais d’une typologie et de poser en permanence la question des marges. C’est le grand mérite de ce nouvel opus édité par la Documentation française et ce questionnement permanent sur ce qui fait ou non la marge rend stimulante la lecture d’un ouvrage, qui, au premier abord, peut sembler manquer d’unité.
« Parler de la France des marges, n’est-ce pas nécessairement mêler des réalités qui n’ont rien à voir les unes avec les autres ? » (p. 3). Si la marginalité renvoie à ce / à ceux qui ne fait/font pas partie du système, elle implique également des espaces et des populations pouvant se trouver au centre (la présence des SDF dans les hyper-centres des villes), dans des espaces stratégiques et attractifs (la Guyane, mais également les espaces périurbains). La marginalité peut également être un atout à protéger (telle la zone cœur des parcs nationaux). Elle peut être aussi un choix revendiqué (Le Hameau des Buis, village colibris dans l’Ardèche). Pour cela, les exemples foisonnent dans cet ouvrage pour rendre compte du paradoxe des marges. Ces espaces délaissés peuvent être l’objet de multiples efforts publics pour les désenclaver, rénover, réinsérer. Et dans ce cas, « peut-on toujours parler de marge et de marginalité ? » (p. 60). À travers le cas de Lyon-Confluence, est analysée la manière dont une marge peut devenir un centre. Ainsi aucune marge ne l’est de façon durable comme la centralité d’un lieu n’est pas acquise de façon définitive. « Penser la géographie de la France depuis ses angles morts, c’est, en somme, faire une géographie plus humaine et plus complète. » (p. 16).
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes