Une rivière quelque part sur le territoire tibétain et un cri qui se répercute sur les parois des falaises : le lama Yongden qui sert de guide à Alexandra David Néel hurle à la vue de sa maîtresse sur le point d’être emportée par les flots tourmentés. Celle-ci est alors sauvée in extremis par ses compagnons dans la longue marche qu’elle s’est lancée quelques mois plus tôt. Et retour à la réalité…

La bande dessinée de Fred Campoy et Mathieu Blanchot reprend le récit là où le tome 1 l’avait laissé. Au travers des pages et d’une intéressante alternance de planches colorées pour évoquer le passé et noires et blanches pour les scènes se déroulant en 1969, nous sommes alors plongés dans le face à face de la secrétaire d’Alexandra David Néel, Marie-Madeleine Peyronnet dit e« tortue » et la grande exploratrice centenaire au seuil de son existence. Alors que celle-ci envisage de reprendre la route pour retrouver le continent qui l’a fasciné et ce malgré les nombreuses réprimandes de tortue, nous sommes projetés progressivement dans les souvenirs d’Alexandra David Néel : de sa jeunesse bruxelloise auprès d’une mère qui l’a rejeta dès sa naissance et d’un père anarchiste ami de Victor Hugo, de sa découverte de la Théosophie et sa conversion au bouddhisme à Paris lors d’une visite du musée Guimet, jusqu’aux salons luxueux du casino de Tunis où elle se produisait comme cantatrice et où elle rencontra son époux en passant par les 15 années passées à sillonner le Tibet avec comme secret désir d’être la première occidentale à pénétrer dans la cité de Lhassa, ce qu’elle fit en février 1924.

Peu à peu nous voyons dépérir la grande aventurière sous les coups de crayon des deux auteurs, se refermant dans un monde d’illusions à mesure que la mort approche. La bande dessinée atteint son paroxysme dans un dernier échange silencieux entre « tortue » et Alexandra, avant qu’elle ne s’éteigne le 8 septembre 1969.

Disons-le d’emblée : la bande dessinée de Fred Campoy et Mathieu Blanchot nous a séduit. La vie d’Alexandra David Néel est en soi exaltante et passionnante, mais le choix des auteurs de se baser sur les écrits de Marie-Madeleine Peyronnet pour retracer les derniers instants de l’exploratrice rend d’autant plus poignante la relation entre l’assistante et sa maitresse. Réalisée en partenariat avec le musée Guimet, la bande dessinée se clôture par un dossier superbement illustré et commenté sur les collections du musée en lien avec le bouddhisme et plus particulièrement la branche Vajrayâna à laquelle se raccroche la variante tibétaine.

Pour toutes ces raisons nous ne saurions trop vous conseiller la lecture de cette bande dessinée, qui peut faire l’objet d’un achat de votre CDI, en n’oubliant pas de la compléter d’une récente bande dessinée sortie aux éditions Glénat sur l’exploratrice belge.

La recension du tome 1 est ici, celles du tome 3 et du tome 4