CR par Yveline Candas

La France 2009.
Chronique politique, économique et sociale.
La documentation française. Edition 2010.
Patrice Liquière, Frédéric Charillon, Pierre Alain Gréciano.

« La France 2009 ; Chronique politique, économique et sociale » est un panorama complet de l’année passée. Trois auteurs y ont collaboré : Patrice Liquière analyste et rédacteur (Direction de l’information Légale et administrative), Pierre Alain Gréciano, rédacteur en chef des Etudes de la Documentation française et enfin Frédéric Charillon qui est professeur des universités en science politique et à l’IEP de Paris ainsi que directeur de l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire. Chacun a rédigé un des trois chapitres du livre ; soit respectivement : politique de la difficulté de se faire entendre (p11 à 66), économie : vers l’éclaircie ? (p. 67 à 92) et politique étrangère : à la recherche de la capacité d’entraînement (p 93 à 116). Leur travail s’appuie sur de nombreux articles extraits de divers journaux, des rapports de commissions, des publications de l’INSEE ou de la documentation française, des sondages, des discours, des ouvrages, … qui sont indiquées en bas de page, où se trouvent aussi souvent des compléments d’information (attention : il n’y a pas de bibliographie par conséquent pensez à les noter au fur à mesure si besoin). Outre le rappel du déroulement de l’année 2009 pour chacun des thèmes, chaque chapitre est ponctué de « Zoom(s) » sur un point plus précis, un point fort, par exemple : les élections européennes (p 18-19), Où va l’industrie automobile française (p 68-70), Radioscopie de l’emploi des jeunes (p 80), Les objectifs de la France pour le sommet de Copenhague (p 106)… Chaque chapitre est clos par « les repères », c’est à dire une chronologie par mois où de nombreux faits sont rappelés, voire brièvement explicités. S’y ajoutent aux chapitres 1 et 3 deux discours (du 8 janvier 2009 et du 22 janvier 2010) de N. Sarkozy.
Ce court ouvrage est une très bonne synthèse, une analyse impartiale et claire, accessible à un large public, de l’année 2009 en France (immanquablement d’autres états ou espaces notamment l’UE, l’OTAN sont évoqués). Année qui est vue en tant que continuité ou rupture par rapport aux années précédentes, ainsi que dans la perspective de 2010 et 2012 notamment. Le catalogue de faits est évité ; ce qui fait tout l’intérêt du livre et rend agréable sa lecture.
Que retenir de 2009 ?

1. Politique : de la difficulté de se faire entendre.

Pour faire face à la crise mondiale héritée de l’automne 2008, diverses initiatives nationales ont été prises par le gouvernement mené par M. Sarkozy (qui, par ailleurs, œuvre aussi au niveau international avec les autres chefs d’état, en ce sens). Son rôle de « super président » est apprécié et sa cote de popularité, ainsi que celle de ses plus proches collaborateurs, retrouve des couleurs.
Aussi, c’est avec une certaine sérénité que l’UMP attend les élections européennes de juin. « Le succès est total » (p 16) : 28% des suffrages exprimés « un score historique ». Un nouvel élan peut être annoncé dans la foulée et le gouvernement qui est remanié devra veiller à la réalisation de ce véritable programme de mi-mandat où sont inscrites la poursuite et l’amplification des réformes pour sortir de la crise, le lancement d’un emprunt national, la réforme des retraites, des collectivités territoriales… Cependant, le bilan n’est pas aussi idyllique car, en fin d’année, Nicolas Sarkozy surtout, est confronté à quelques difficultés : la réouverture du procès contre M. de Villepin, la candidature de son fils Jean à la présidence de la Défense (népotisme ?) et des critiques s’affirment au sein de la majorité à la faveur de certaines réformes (le travail dominicale, l’extension du RSA au moins de 25 ans…), du débat sur l’identité nationale et, bien sûr, il y a le désaveu de la taxe carbone par le conseil constitutionnel.
« Une nouvelle année noire pour les socialistes ? ». Le PS est accablé par de nombreuses difficultés: absence d’unité et de projet, incapacité à définir le socialisme du XXI siècle pour mobiliser les Français, baisse du nombre des militants, désaffection des intellectuels et des jeunes … il apparaît de plus en plus comme une énorme bureaucratie et un panier de crabes et la question de son existence même est posée par certains « observateurs ». Aussi, aux élections européennes il enregistre un net recul ne recueillant que 16.5%des suffrages exprimés. Pourtant « les atouts des socialistes ne sont pas négligeables » : un nombre importants d’élus locaux dont les compétences sont reconnues, des Hommes qui jouissent d’une popularité et d’une expérience certaines : L. Fabius, D. Strauss Kahn, M. Aubry… En automne, « L’horizon semble se dégager » (p.35). En effet, dès le congrès de la Rochelle, Martine Aubry, la première secrétaire, s’impose comme le leader d’un P.S qui semble capable d’assurer l’alternance autour de idées clés : non au cumul des mandats, au cadeau fiscal,… oui à la limitation du bonus des dirigeants des grandes entreprises et régulation financière, à la primaire ouverte,à la rénovation (l’adoption « la sociale écologie » et l’abandon de la sociale démocratie désuète, inadaptée aux nouveaux défis défendue par Mme Aubry ?)… 2010, au-delà des régionales pour lesquelles les sondages sont optimistes, devrait donc être déterminante, pour le PS car l’année du choix du projet, du présidentiable, du positionnement par rapport au MoDem de Fr. Bayrou.
Pour ce dernier, 2009 est l’année de l’anti- sarkozisme affiché, (notamment dans « Abus de pouvoir » (Plon)) et ce même lors de sa campagne pour les élections européennes… Se « trompant » de débat et pâtissant de l’escarmouche télévisée avec D. Cohn-Bendit, M. Bayrou serait responsable pour une large part le la « déroute » (p38) du MoDem le 7 juin (8.5% des suffrages). Pour ce parti, et son leader, le problème est de trouver sa place dans le paysage politique français ; pour se faire d’une part, afin de préparer une « alternance crédible » est proposée une « Offre Public de Dialogue » avec les socialistes ; et d’autre part, clairement annoncée sa position pour les régionales : l’autonomie au premier tour et la possibilité d’alliance à la carte au second tour. Pour le MoDem, l’année se clôt avec l’adoption du « projet humaniste » décliné dans le « petit livre orange ». Axé sur la lutte contre les injustices et un rééquilibrage des pouvoirs, il déporte le MoDem vers la gauche et les écologistes.
Autre critique acerbe de N. Sarkozy : M .Le Pen, leader d’un FN anémié mais qui connaît un certain sursaut au cours de l’année profitant notamment du débat sur l’identité nationale et qui conserve son rôle de perturbateur faisant feu de tout bois (cf. son utilisation du livre de F. Mitterrand, La Mauvaise vie, alors qu’il vient d’être nommé ministre en octobre). Aussi, s’il enregistre un piètre résultat aux élections européennes : 6.3% des suffrages (presque10%en 2004) le FN apparaît en position de remporter la présidence de quelques régions au second tour. Quant à 2012 ? Ce sera sans M. Le Pen; il l’a clairement annoncé. La guerre de succession Marine Le Pen, Bruno Gollnisch aura-t’elle lieu ?
« A la gauche du PS » deux naissances sont à signalées : le Nouveau Parti Anticapitaliste, de M. Besancenot, et le Parti de Gauche de Jean Luc Mélenchon. Rassemblées, les diverses forces de la gauche de la gauche sont créditées de 16% des voix aux européennes. Mais, c’est en ordre dispersé qu’elles abordent les élections. En effet, le NPA refuse au nom de l’indépendance totale toute alliance avec le PS. Inacceptable pour le PC et le Parti de Gauche qui ont besoin de cette alliance pour conserver une représentation électorale notamment locale…
En 2009, les écologistes sont la superstar politique française. Ils collectent 16% des voix aux élections européennes fruit d’une campagne pour une Europe solidaire devant promouvoir un nouveau modèle de croissance alliant préoccupations sociales et protection de l’environnement, menée sur le terrain avec le renfort de « personnages » dont N. Hulot, J. Bové, D. Cohn-Bendit … Reste à poursuivre le rassemblement , à préserver l’indépendance par rapport au PS et à avoir des élus locaux pour prouver leur capacité à gérer…
Avec la perspective des régionales en fin d’année, la droite et la gauche réaffirment leurs différences, s’invectivent et mobilisent leurs troupes ce qui ne semble guère convaincre les Français d’ accorder leur confiance aux hommes politiques.

2. Économie : vers l’éclaircie ?

2009 est l’année de la récession : -2,9 % de croissance ! Certes, c’est mieux que l’Allemagne ou le Japon et l’embellie y point dès le second trimestre mais l’impact est conséquent et la crise a nécessité un train de mesures pour l’enrailler et permettre la relance. L’effort a porté sur divers (tous ?) fronts : l’emploi (RSA,soutien de l’activité partielle comme alternative au licenciement, plan de développement des services à la personnes…), la création d’un fond stratégique de développement à destination des entreprises notamment les PME «novatrices », le secteur automobile (secteur moteur de l’économie française qui souffre de déficiences structurelles et de la conjoncture dont l’impact a été amoindri par « la prime à l’achat d’un véhicule propre »), le logement, la lutte contre la pauvreté ou l’exclusion, un plan d’aide aux agriculteurs qui ont perdu 20% de leurs revenus, l’annonce d’un emprunt d’Etat en 2010 pour financer le plan de relance… Par ailleurs, dans le même but des lois ont été aménagées (par exemple celle concernant le repos dominical), et la TVA sur la restauration a été baissée à 5,5%.
Les dépenses de l’ Etat ont donc explosé alors que les recettes ont baissé d’où un déficit qui culmine à 138 milliards d’€ (7,9% du PIB). L’heure est donc aux économies, elles devraient épargner les ministères de l’emploi, de la justice et de l’enseignement supérieur et de la recherche, et à la « chasse » aux recettes.
Autre déficit abyssal: celui de la Sécurité Sociale (30 milliards d’€). Pour y palier les mêmes remèdes sont utilisés. Ainsi, par exemple, pour trouver des fonds les indemnités de d’accident de travail seront désormais fiscalisées et les assurances vie taxées ; tandis que « la loi de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et au territoire » doit permettre de rationaliser la gestion des hôpitaux et les soins (pour de permettre une plus grande égalité ou des économies surtout selon les points de vue considérés). Quant à la réforme des retraites, elle sera réalisée en 2010. Pour l’heure, l’ État encourage le travail des seniors (aides allouées aux employeurs, légalisation du cumul salaire-retraite par exemple).
Les effets de la crise sont multiples et s’entrainent, s’enchainent.
La consommation des ménages ne connaît qu’une faible progression (0.6%).Les dossiers de sur-endettement déposés à la Banque de France augment. Les Français qui le peuvent, inquiets épargnent plus.
L’investissement des entreprises recule du fait de l’atonie de la demande et des difficultés rencontrées auprès des banques, méfiantes pour emprunter. Les défaillances d’entreprise progresse de 20% un record.
La faible demande, « la modération salariale » et la baisse des prix des matières premières entrainent également une désinflation. Celle-ci est générale dans la zone euro et la Banque Centrale Européenne a donc baissé son principal taux d’intérêt directeur 1.25%, afin de relancer l’économie.
Les conséquences sociales aussi sont à considérer. En effet, l’ effet crise est aussi perceptible sur l’emploi (- 600 000) et son pendant : le chômage qui flirte aujourd’hui avec les 10%, la France est donc toujours en queue du peloton de l’UE avec l’Irlande et l’Espagne … Le gouvernement a réagi et diverses mesures ont été prises (certaines ont déjà été citées dans le premier point) visant les principales victimes notamment: les jeunes (Plan d’urgence centré sur l’alternance, création d’un droit à la formation et à l’emploi pour les 16-18 ans qui quittent le système scolaire…) et les seniors. Perceptible sur le mal logement et la pauvreté. La récession a particulièrement affecté les secteurs du bâtiment et de l’immobilier donc l’État a dû intervenir pour stimuler la construction sociale notamment et veiller à une plus stricte application de l’arsenal législatif existant et mieux protéger les personnes défavorisées. Elles sont de plus en plus nombreuses; en effet, quelques 5.4 millions de ménages pauvres vivent en France. (4.4 Millions en 1997), essentiellement d’ailleurs dans les Zones Urbaines Sensibles, c’est-à-dire les quartiers les plus difficiles des métropoles françaises, et 12% des Français vivent sous le seuil de pauvreté. Elles sont visées par le RSA entré en vigueur en juin.
Autre point noir évoqué pour clore le chapitre économique : le commerce extérieur. Il est toujours en berne (-43 milliards d’euros) malgré le solde positif de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Le poids de la France, qui réalise l’essentiel de ses échanges au sein de l’UE, dans le commerce mondial s’amenuise.

3. politique étrangère : à la recherche d’une capacité d’entraînement

2009 est marquée par une réforme importante pour la politique extérieure tant diplomatiquement que militairement « des cercles d’appartenance de la France : l’OTAN et l’UE ».
La réintégration dans les instances de l’OTAN, même si elle peut apparaitre comme la poursuite du rapprochement entrepris depuis le départ du général de Gaulle, est vivement critiquée par certains parmi lesquels M. Juppé, M. Fabius…car elle marque la fin de l’originalité française, un « alignement » sur Washington dont ils redoutent les répercussions sur les relations avec les Etats du sud , car ils doutent de la meilleure association aux décisions qui en est attendue, car ils pensent que ceci peut être nuisible à la PESD (comment y maintenir pour le moins les effectifs alors qu’il faut fournir plus de sous officiers et d’officiers à l’OTAN ?) car enfin ils pensent que les USA pourraient imposer la dénuclarisation de l’Europe mais aussi de la France maintenant.
Ce retour est d’autant plus important qu’il se fait à un moment d’incertitudes pour l’OTAN et ce à deux niveaux. D’abord, le conflit afghan où l’OTAN rencontre des difficultés et qui soulève de nombreuses questions sur sa capacité de l’OTAN à gagner ce conflit, c’est-à-dire la région; sur le crédit de l’OTAN en tant que force d’intervention en cas d’échec or c’est la seule actuellement; sur les limites de l’OTAN tant pour les terrains d’intervention que sur les adhésions. Ensuite, la France réintègre l’OTAN au moment où celle-ci doit redéfinir son concept stratégique. A toutes ses interrogations, à tous ces choix à venir la France est plus que jamais liée.
Autre réforme majeure pour l’action extérieure de la France: la mise en œuvre du traité de Lisbonne. En effet, l’UE devrait avoir un rôle croissant sur la scène internationale car dotée de nouveaux acteurs (haut représentant de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et de la politique de sécurité, un véritable service diplomatique…), de nouvelles missions qui s’ajoutent à celles de la PESD (désarmement, conseil et assistance, mission de stabilisation en fin de conflit…) et une solidarité accrue entre les membres (sont également concernés désormais les attaques terroristes, les catastrophes naturelles , les agressions armées…). Il est nécessaire de repenser les modalités de l’influence de la France en Europe et celles de ses relations avec ses partenaires européens, ainsi que de prendre en compte cette nouvelle réalité qui fonctionne beaucoup plus en réseau, et où la connaissance et la maîtrise des postes collectifs jouent un rôle décisif ; même si son rôle de leader diplomatique n’est pas remis en cause.
Ces deux réformes importantes ne sont pas les seuls défis auxquels la France s’est trouvée confrontée en 2009.
Trois dossiers majeurs montrent la nécessité de sortir du cadre de la bilatéralité de se tourner vers la « multilatéralité », les réunions internationales des chefs d’État se sont d’ailleurs multipliées : la crise et la réforme financière, la reforme des institutions internationales (ONU: élargissement des organes permanents aux pays émergents et à l’Allemagne et au Japon ; ouverture du G8 que la France conçoit plus en G14…), la lutte contre le réchauffement climatique. La France s’ est beaucoup investie notamment dans le dernier dossier mes les résultats sont très mitigés voire très décevants (Cf. Copenhague), attestant qu’il est désormais impossible a une puissance moyenne d’insuffler le vent de la réforme au niveau international.
De fait aujourd’hui les deux interlocuteurs majeurs sont les USA et la Chine or les relations de la France avec ces deux états sont « tièdes ». Avec les premiers les relations restent très protocolaires et les points de discorde nombreux (l’accroissement des troupes en Afghanistan, la mise en place d’un processus de désarmement nucléaire mondial, la reforme du système financier international …) et avec les seconds, le principal sujet de tensions reste les droits de l’homme. La France doit donc clarifier sa position et préparer la diplomatie à ce nouvel « axe » fluctuant mais structurant : Washington –Pékin et s’interroger sur la façon dont elle compte peser avec l’UE, dans cette nouvelle configuration à l’heure où l’Amérique semble se détourner de l’Atlantique pour se tourner vers le Pacifique (p.110)
Autres sujets de préoccupation pour la France : ses relations avec les zones mieux connues de sa diplomatie notamment la Méditerranée et l’Afrique pourtant ses projets pour la première surtout, pour 2009 étaient ambitieux : consolider l’Union Pour la Méditerranée, améliorer ses relations avec l’Algérie et peser dans le processus de paix israélo-arabe. En fait, l’UPM n’a pas résister à la « reprise » du au conflit israélo-arabe, et le processus de paix est bloqué par Israël, inflexible, au sujet de la colonisation… En Afrique subsaharienne, elle est confrontée à l’influence croissante de la Chine et elle a commis quelques bévues (Gabon, Congo notamment). Cependant la France semble se forger une nouvelle approche de ses relations avec les États africains et s’efforcer de maintenir des liens uniques, privilégiés sans sombrer dans les travers du passé.
Pour conclure, apparaît une double nécessité pour la France: définir clairement ses priorités et réfléchir à l’outil diplomatique, l’innover, le sectoriariser (diplomatie commerciale, culturelle, environnementale…) et surtout à travailler sur l’indispensable capacité d’entraînement en diffusant des idées, des initiatives par des canaux qui correspondent aux nouvelles modalités de la diplomatie en réseau. (p.115)