Afin d’éviter les répétitions et comme je suis globalement d’accord avec les remarques de mon collègue Thomas MERLE, je propose de faire une comparaison rapide de l’ouvrage Les mutations des systèmes productifs publié aux PUR sous la direction de Guy BAUDELLE et Jacques FACHE avec deux autres traitant du même sujet : La France – Les mutations des systèmes productifs de Laurent CARROUÉ chez Armand COLIN et Mutation des systèmes productifs – France de Raymond WOESSNER chez ATLANDE. Il s’agit pour tous les trois de manuels publiés pour la préparation des concours de CAPES et d’Agrégation d’Histoire et de Géographie. Mais ils n’ont pas la même approche.

Il est d’abord important de se référer à la Lettre de Cadrage de la question publiée sur Eduscol. Elle précise que l’objet d’étude ne concerne pas exclusivement l’industrie manufacturière, mais également les services marchands (qui dominent aujourd’hui l’économie française) ou l’agriculture. Il s’agit de s’éloigner d’une vision trop sectorielle, car obsolète, pour saisir les dynamiques, les transformations, les mutations de la géographie économique française à toutes les échelles, tout en faisant référence aux héritages. Le rôle des acteurs, publics ou privés, doit aussi être abordé afin de déterminer les stratégies de localisation des activités dans le cadre d’une mondialisation accrue.

Les trois ouvrages s’accordent sur la révolution de la démarche systémique. Laurent CARROUE rappelle que le concept de système productif a été mis au point par Félix DAMETTE et Jacques SCHEIBLING. Il permet de mieux articuler activités économiques, territoires et sociétés. Comme dans l’ouvrage des PUR, il insiste sur les interactions, les rétroactions, les interdépendances entre les différents éléments du système. La trilogie primaire/secondaire/tertiaire paraît alors obsolète. Laurent CARROUE propose d’étudier le système productif français à partir de deux sphères d’activités : productive et de la reproduction sociale. Raymond WOESSNER propose de son côté une autre méthode d’analyse. Selon lui, chaque système productif (local, régional ou national) est basé sur cinq pôles interconnectés : attractivité, entreprises et services, connexité, institutions politiques et administratives et créativité. Le territoire et les acteurs sont dans tous les cas les éléments clés du système.

La mondialisation est le principal changement intervenu ces cinquante dernières années. Elle a eu des conséquences, plus ou moins fortes, sur les systèmes productifs français à toutes les échelles. Les délocalisations sont une des plus visibles. Raymond WOESSNER se demande d’ailleurs si le territoire français fonctionne encore comme un système productif. Laurent CARROUE insiste sur le rôle des systèmes urbains. A l’échelle de la France, de l’Europe et du monde, on assiste en effet au phénomène de métropolisation. Il entraîne notamment un changement de paradigme de l’aménagement du territoire en France. Après avoir poussé à la décentralisation, l’Etat souhaite aujourd’hui renforcer le statut de ville-mondiale de la capitale. Dans l’ouvrage des PUR, toute la deuxième partie est consacrée à la succession de systèmes productifs. Leurs legs territoriaux dont des invariants structurants, des héritages parfois lourds à porter. Mais dans des systèmes aujourd’hui post-fordistes, il faut changer, muter, innover ou, mourir. Les facteurs de localisation des entreprises ne sont plus les mêmes et les différents acteurs doivent d’adapter.

Des études de cas complètes sont étudiées dans les manuels d’ATLANDE et des PUR : l’Ile-de-France et Paris, les systèmes productifs industriels fordistes en crise, la région lyonnaise, les régions frontalières… Le livre de Laurent CARROUE est plus « statistique » et fournit les chiffres de base ainsi que de nombreuses cartes à l’échelle de la France sur, par exemple, le chômage, les revenus ou les qualifications. Les exemples y sont plus dispersés et on ne peut pas à proprement parler d’étude de cas. Dans sa dernière partie, il traite d’un sujet peut-être davantage à la marge. Il remarque que la sphère de la reproduction sociale et l’économie résidentielle ont un poids de plus en plus important dans l’économie française (50% des emplois totaux en 2009). En s’appuyant sur les études de Laurent DAVEZIES, il se demande si la partie du territoire français productrice de richesse peut encore financer l’autre partie du territoire à dominante sociale.

Au final, les trois manuels se complètent. Le livre de Laurent CARROUE permet de poser les enjeux épistémologiques, méthodologiques et conceptuels. Ils fourmillent de petits exemples, de chiffres et de cartes toujours intéressants. De par son organisation et son caractère plus complet (au regard de la Lettre de cadrage précédemment évoquée), le manuel de Raymond WOESSNER chez ATLANDE peut constituer un manuel de base pour l’étude des systèmes productifs. L’ouvrage des PUR est le plus précis pour le secteur industriel. Il propose également de nombreux exemples et des études de cas variées. La dernière partie fait également un point sur les évolutions de la politique d’Aménagement du Territoire. Par certains côtés, il est plus « historique ». Aux candidats maintenant de faire leur choix.