Partant de la défaite de 1871 l’auteur rappelle que 107 parlementaires, dont certains ont fait une longue et brillante carrière politique, s’opposèrent à la cession de l’Alsace-Moselle. Cet ouvrage s’intéresse aux conséquences de la perte de ces territoires dans la culture politique et l’émergence d’un nouveau nationalisme. Il interroge la notion même de nation pour les hommes de ce temps (1870-1918), en proposant une étude du destin politique des 107 « protestataires ».
Après un rappel des grandes lignes du conflit franco-prussien, l’auteur revient sur les premières élections législatives de la IIIe République, sur le sens que l’on peut donner au scrutin du 8 février : une assemblée réunie à Bordeaux et majoritairement pacifiste. Il présente en détail le vote du 1er mars 1871 dans ce contexte d’invasion du territoire, une séance dramatique pour décider des préliminaires de paix en dépit des efforts oratoires des protestataires. Il replace la question de la conception différente de la nation de part et d’autre du Rhin : nation comme adhésion des peuples ou comme creuset linguistique et culturel.
En 1871 deux France s’opposent entre conservateurs, cléricaux et favorables à la paix, et républicains souvent urbains, comme le montre l’épisode de la Commune.
Dans le chapitre 3 : Les fils de la Révolution et de l’Empire, l’auteur dresse le portait type du vote protestataire et analyse la position des députés alsaciens et vosgiens, des radicaux majoritairement hostiles au vote du 1er mars, ainsi que la position particulière de quatre généraux : Alfred Chanzy – député des Ardennes, Jean-Baptiste Billot – élu de Corrèze, le breton Charles Loysel et François Mazure – représentant des Deux-Sèvres. Il recherche les points communs qui réunissent les 107 : héritiers de la Révolution parmi lesquels on peut citer : Clemenceau, Louis Blanc, Edgar Quinet, Sadi Carnot ou Victor Schoelcher.
L’étude porte ensuite sur le sort des députés élus des zones annexées. Si beaucoup, âgés, meurent avant 1880, la plupart ont opté pour la nationalité française et l’exil mais restent en politique. D’autres sont élus au Reichstag, comme Edouard Teutsch dès 1874 ou Jacques Kable en 1878, où ils vont défendre les intérêts des provinces annexées. Dans tous les cas, l’auteur montre leur engagement républicain et la défense des intérêts des Alsaciens-Lorrains. Il présente également leur position face au nationalisme. Comme Charles Delescluze, qui meurt sur les barricades le 25 mai 1871, bien d’autres ont participé à la Commune. Cet engagement s’exprime aussi par une réelle solidarité qui lie les protestataires, même si elle fut mise à mal lors de la crise boulangiste et de l’affaire Dreyfus, à propos de laquelle l’auteur s’appuie sur ce qu’en écrivit Léon Blum.
Il conclut sur la sensibilité républicaine et nationaliste des 107, comme le montre le soutien à la fête de Jeanne d’Arc du député réunionnais François De Mahy.
Enfin le dernier chapitre est consacré à la Revanche « passée au rang de mythe historique ». L’auteur montre comment ce thème est en toile de fond de la période : discours (celui de Gambetta dans l’éloge funèbre à Emile Küss, celui de Victor Hugo en septembre 1873 largement cité), politique militaire, scolaire.
Enfin l’auteur montre les prises de position des protestataires pendant la Grande Guerre
L’ouvrage est complété, outre la bibliographie et les sources, par les brèves notices biographiques des 107 protestataires.