La géographie n’est plus ce que vous croyez… Voilà un titre choc pour les tables des libraires ! Tout est résumé sur la couverture avec le titre et l’illustration : une carte de la France agricole de 1935 où figurent les spécialisations régionales des espaces.
Petit éditeur vendéen, les éditions Codex ont confié à deux agrégés de géographie la mission de faire le bilan de ce qu’est devenue la géographie en ce début de XXIème siècle. C’en est bien fini de la géographie de Grand Papa (comme l’avait déjà montré Jérôme Dunlop dans son Que sais-je ? Les 100 mots de la géographie en 2009) ! Faire de la géographie aujourd’hui, c’est interroger la dynamique des espaces, produits des sociétés. Une fois cela dit, qu’y a-t-il dans le ventre de cet ouvrage ?
La bibliographie (Jacques Chirac, Le Magazine de la Touraine, Yves Lacoste, Geneviève et Philippe Pinchemel…) qui clôt l’ouvrage interroge par son éclectisme. Dans une rapide introduction, les auteurs présentent la structure de l’ouvrage. Divisé en trois parties, ils nous invitent à les lire dans l’ordre qui nous plaît alors que dans le même temps, ils qualifient leur travail d’essai. Bizarre !
La première partie est composée d’une approche historique classique sur l’histoire de la géographie. Vidal de la Blache, Elisée Reclus comme la révolution épistémologique des années 1970 y figurent. Cette dernière est bien analysée dans ses contradictions. Yves Lacoste reconnaît en 1979 (Hérodote N°16 « A bas Vidal, Viva Vidal ») qu’il a été bien méchant, dans son essai (pour le coup !) La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre, envers le père de la géographie française car le concept de région vidalienne annonce celui de polarisation urbaine. L’apport anglo-saxon à la nouvelle géographie française n’est pas négligé. On fait ensuite un saut dans le temps avec l’introduction du concept de mondialisation. L’approche épistémologique est abandonnée au profit d’un traitement par l’exemple. Ce recours à l’exemple s’appuie sur des illustrations contenues dans un cahier central (composées de nombreuses reproductions de tableaux de paysage). Il est à regretter que les normes de présentation ne sont pas respectées : pas de dimensions, pas de date. Puis dans le but de mettre à bas le déterminisme, les auteurs se livrent à des analyses de paysages, dans la lignée de ce que proposait l’émission Paysage dans les années 1990. Si certains exemples demeurent convaincants, d’autres laissent le lecteur circonspect (analyse d’un paysage périurbain de nuit afin de montrer l’avancée de l’urbanisation et de l’équipement électrique !). L’exercice de la carte postale géographique, promu par Gilles Fumey, a des vertus bien supérieures à ces exemples accumulés qui finissent par lasser le lecteur.
Le texte alterne entre volonté de présentation épistémologique et ton plus libre qui amène à des digressions (pas inintéressantes de surcroît sur la place de l’environnement dans les campagnes électorales, par exemple) et fait, qu’il apparaît au fil de la lecture, qu’il est difficile de classer l’ouvrage. Si l’objectif des auteurs est bien de montrer la diversité des approches qu’adoptent les géographes (le sexe, les odeurs, le cinéma, la peinture en géographie, dans la seconde partie de l’ouvrage), celui-ci est atteint. Mais, même si les références épistémologiques ne manquent pas, l’ensemble a bien du mal à tenir le cap fixé et à garder une unité. Les suites d’exemples développés achèvent de fatiguer le lecteur. La dernière partie, consacrée à la question de la géographie universitaire et scolaire, est emblématique. La question du plan dans une dissertation de géographie amène les auteurs à présenter différentes moutures de plans (des bons, des mauvais), le tout sans problématique. Autant, cela a toute sa place dans le petit livre de Vincent Moriniaux (La dissertation en géographie) et remporte l’adhésion du lecteur, autant ici cela achève de l’agacer. Les auteurs n’ont-ils pas annoncé en introduction qu’il s’agissait d’un essai ? Le malentendu entre les auteurs et le lecteur vient sans doute de là. En conclusion, la boucle est bouclée. Page 176 : « … car cet essai se veut avant tout une œuvre de vulgarisation, de méthodes et de savoirs à acquérir… ». C’est ça pour vous un essai ?
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