« En Espagne, les problèmes politiques se résolvaient traditionnellement plus volontiers par la violence que la concertation. À partir de 1818, le pays se divisa progressivement en deux groupes sociaux antagonistes : d’un côté les forces réformiste ; de l’autre côté les forces réactionnaires »Paul Preston (auteur), José Pablo Garcia (dessinateur), La Guerre civile espagnole, Belin, 2017, p. 6..

Paul Preston, José Pablo Garcia, La Guerre civile espagnole, Belin, 2017, p. 6.

 

Présentation de l’éditeur. « Une histoire complète de la guerre civile espagnole en bande dessinée.
Espagne, juillet 1936. Un soulèvement militaire met le feu aux poudres. Les nationalistes, menés par les troupes du général Franco, paralysent le gouvernement républicain et prennent d’assaut villes et campagnes. Le pays sombre dans trois années de guerre civile.
Toutes les tensions de l’Europe de la fin des années 1930 sont à l’œuvre : anarchistes, communistes, syndicalistes, ouvriers et paysans s’opposent aux grands propriétaires terriens, aux patrons d’industrie, aux troupes de rebelles nationalistes et fascistes. L’Espagne se révolte et saigne, laissant s’éteindre les voix de Federico García Lorca et de la Pasionaria… ».

 

Attention un petit bijou dans le genre !

À écouter durant la lecture de ce compte-rendu : https://www.youtube.com/watch?v=op3w3wMqdwgA Las Barricadas, hymne de la Confédération nationale du travail (CNT). Il est devenu l’un des chants anarchistes les plus populaires pendant la révolution sociale espagnole de 1936.

En juillet 1936, l’échec partiel du coup d’État militaire fomenté par les généraux hostiles à la Seconde République espagnole marqua le point de départ d’une guerre civile de près de trois ans, soit mille jours pendant lesquels les « deux Espagne » se livrèrent une lutte fratricide et sans merci dans ce qui fut aussi une guerre totale. La guerre civile est donc bien l’événement central de l’histoire de l’Espagne au XXe siècle, par son terrible bilan humain et matériel, mais aussi parce qu’elle déboucha sur les trente-six ans de dictature franquiste. Quatre-vingts ans plus tard, les enjeux mémoriels liés à ce drame national sont régulièrement l’objet de débats politiques et la société espagnole n’a pas encore soldé tous les comptes de ce passé douloureux.

Dès l’été 36, la guerre civile passionna l’Europe et le monde ! Les plus lucides pressentaient qu’ici, peut-être, se jouait le destin du continent. La terre d’Espagne fut ainsi pendant trois ans le champ de bataille où s’affrontèrent toutes les grandes idéologies de l’époque, c’est-à-dire les manières d’imaginer la société idéale de demain: anarchistes, communistes staliniens, trotskystes, socialistes réformistes et démocrates dans le camp républicain; fascistes, monarchistes, catholiques traditionalistes, nostalgiques de la grandeur de l’Espagne impériale dans le camp national. Par sa dimension idéologique et par la participation active de l’Allemagne nazie, de l’Italie fasciste et de l’URSS, la guerre civile fut donc la répétition générale de la Seconde Guerre mondiale.

C’est cet événement fascinant et fort complexe que le dessinateur José Pablo GarcíaJosé Pablo Garcia est né à Malaga en 1982.  Parmi ses œuvres se distinguent : Les Aventures de Joselito (2015), La Guerre civile espagnole (2016) et La Mort de Guernica (2017), adaptations du livre de l’historien Paul Preston, et Vivre en terre occupée (2017), en partenariat avec l’association Action Contre La Faim. Pour ce dernier ouvrage, voir le compte rendu fait par J.-P. Costille dans notre Cliothèque. a entrepris de nous présenter dans cette bande dessinée de 239 pages, éditée dans sa version espagnole en 2016 et traduite en français en 2017. Il s’agit d’une adaptation graphique de l’ouvrage La Guerra civil española, écrit par l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la guerre civile, Paul PrestonPaul Preston (Liverpool, 1946) est un historien britannique, docteur en histoire de l’université d’Oxford. Il est spécialiste de l’histoire de l’Espagne contemporaine et en particulier de la période de la guerre d’Espagne. Il s’est notamment opposé à la lecture qu’en fait Pío Moa., auteur du magistral ouvrage Une Guerre d’extermination, Espagne 1936-1945Paul Preston, Une guerre d’extermination. Espagne, 1936-1940 (The Spanish Holocaust), traduit de l’anglais par Laurent Bury et Patrick Hersant, Belin, coll. « Contemporaines », 2016. 892 p., 29,90 €. Cet ouvrage est l’un des textes de référence sur le conflit qui a ravagé l’Espagne entre 1936 et 1939 et qui a marqué le reste du XXe siècle. Voir le compte-rendu fait par Déborah Codron dans notre Cliothèque.. L’orientation générale de l’ouvrage est clairement favorable au camp républicain; cependant, un chapitre entier aborde les crimes, massacres et luttes internes féroces dans le camp républicain, évitant ainsi une approche trop manichéenne de la guerre civile.

L’ouvrage s’organise en dix chapitres, selon un plan essentiellement chronologique. Les trois premiers chapitres replacent la guerre civile dans le contexte d’une histoire de l’Espagne marquée depuis le XIXe siècle par l’instabilité et la violence des affrontements politiques et sociaux. Les chapitres 2 et 3 consacrés à la Seconde République (1931-1936) mettent en lumière les réformes et les « espoirs démesurés » engendrés par l’instauration de la démocratie et, bien sûr, les oppositions farouches que provoqua ce vent de réforme. Ces deux chapitres permettent ainsi de suivre le cheminement des faits qui conduisent à la guerre civile; ils permettent aussi une utile mise au point sur la Seconde République, souvent moins connue que la guerre civile elle-même.

Les sept chapitres suivants traitent le conflit comme une guerre civile et comme une guerre totale aux fortes implications internationales, restituant avec bonheur sa complexité historique, dans la perspective d’une histoire globale.

Le dernier chapitre intitulé « la paix de Franco » dresse un bilan terrible du conflit fratricide et insiste sur l’ampleur, la fonction et la signification de la répression franquiste dans les années de l’après-guerre, question qui a été profondément renouvelée par le travail des historiens depuis vingt ans.

A ceux qui connaissent bien la guerre civile ou qui ont lu les livres de Paul Preston, cet ouvrage n’apprendra pas grand-chose. En revanche, il constitue une excellente synthèse qui permet d’appréhender rapidement la complexité de ce conflit majeur. Par sa composition en chapitres clairs et la solidité de ses références historiques, il peut aussi être utilisé comme un manuel à consulter pour faire le point sur tel ou tel aspect particulier de la guerre. Certaines pages peuvent bien aussi servir de support pédagogique pour aborder le sujet en classe d’histoire (classes de Troisième et Première notammentÀ ce titre, on se reporta à la séquence proposée par Charlotte Maupomé pour le lycée.) et, bien sûr, en classe de DNL dans sa version espagnole.

 


Rémi Burlot pour Les Clionautes