L’ouverture des archives soviétiques depuis 1991, ainsi que celles des autres pays du glacis, a considérablement renouvelé les sources disponibles sur l’étude de cette période. De ce fait, la vision que l’on peut avoir de la guerre froide, ainsi que celle qui est présentée dans les classes de troisième et de terminale, en a été sensiblement modifiée.

Cela peut même apparaître comme déroutant d’autant plus que tous les manuels n’ont pas forcément renouvelé leur approche. Il est vrai que le monde divisé en deux blocs était bien plus rassurant somme toute que cette planète de tous les dangers dans laquelle évoluent les hommes du début du troisième millénaire.

Le point sur la guerre froide

Maître de conférences à l’IEP de Paris, Pierre Grosser propose, sans doute pour ne pas dérouter les utilisateurs de ce dossier, une construction très classique de la présentation de la période. L’émergence de la guerre froide, les années cinquante et la constitution du système et enfin son évolution jusqu’à sa disparition. Pierre Grosser est par ailleurs l’auteur d’une réflexion très stimulante sur la périodisation de ce conflit indirect. (Les temps de la guerre froide, réflexion sur l’histoire de la guerre froide et les causes de sa fin. Complexe, 1995)

Dans ce dossier il reprend tout de même les éléments de sa réflexion de 1995, sur la constitution d’un système de guerre froide qui a perduré, y compris pendant la détente des années soixante dix jusqu’à la guerre fraîche et l’effondrement de l’URSS. Pendant longtemps, sans doute sous le magistère d’André Fontaine, (Histoire de la Guerre froide, Fayard 1974.), les historiens des relations internationales, les auteurs des manuels périodisaient ce conflit entre Guerre Froide, 1947-1962, détente, 1962-1979, guerre fraîche, 1979-1985, et nouvelle détente avec l’arrivée au pouvoir de M.S. Gorbatchev le 11 mars 1985.
Cette périodisation commode pour organiser des chapitres de cours avait l’inconvénient de dérouter les élèves qui ne comprenaient pas tellement la contradiction existante entre la détente au sommet et la continuation ou le déclenchement de conflits périphériques héritiers de la décolonisation. (Vietnam)

Pour autant l’auteur n‘emboîte pas le pas de certains de ses collègues d’outre atlantique qui ont été pendant un temps séduits par des thèses révisionnistes faisant porter à Truman et à sa rigidité la responsabilité de la guerre froide. (Arrêt du bénéfice de la loi du Prêt bail aux soviétiques dès la fin de la guerre en Europe.)

L’originalité de l’approche de l’auteur réside dans la notion de « système de guerre froide », un concept qui n’est pas évident à faire comprendre à des élèves de terminale voire à des étudiants en histoire, davantage rassurés par une périodisation temporelle plus que conceptuelle. Dans cette constitution d’un système de guerre froide dans les années cinquante en effet, les deux puissances dominantes avaient une gestion de leur opposition très contrôlée, mettant parfois leurs alliés dans des situations difficiles. L’ambiguïté de la position des Etats-Unis dans le processus de décolonisation, la volonté soviétique d’empêcher la montée en puissance de la Chine de Mao ( Episode de Quemoy et Matsu) en sont un bon exemple.
De ce fait, et dès lors qu’un dialogue a pu avoir lieu après la mort de Staline en 1953, la gestion du conflit s’est faite au coup par coup, associant conflits périphériques et négociations sur le processus d’arms control. ( SALT I et II).
La troisième partie de cette présentation consacrée à l’évolution du système de guerre froide et à sa disparition est également intéressante. On y trouve d’ailleurs la mention du contrechoc pétrolier de 1985 dont les conséquences ont été majeures pour l’URSS, incapable du fait de la baisse des cours mondiaux du brut de répondre au défi lancer par Reagan le 11 mars 1985 avec l’initiative de défense stratégique.

Les documents

L’ensemble documentaire fourni avec les transparents est composé de photographies, de cartes, de reproductions d’affiches et de tableaux statistiques. Leur intérêt est parfois inégal et dans quelques cas précis, certaines photographies sont difficilement utilisables. Que faire par exemple de cette photo de la page 25, pourtant reproduite en transparent, d’un mur d’affiches dont certaines mentionnent le mot d’ordre du PCF en 1951, les américains en Amérique et les bandeaux de Paix et Liberté, un mouvement anticommuniste ? Difficilement lisible par des élèves sauf pour venir montrer un élément àl’appui d’un cours magistral.

Sur le nucléaire et le spectre de l’apocalypse que cette menace représentait on est étonné du choix de la photographie projetable en transparent. Au lieu de l’excellent affiche vantant l’intérêt des abris antiatomiques familiaux, proposée en vignette, on propose une vue d’une manifestation antinucléaire londonienne de 1983 où les euromissiles ne sont mentionnés sur aucune banderole.

D’autres présentations documentaires sont par contre particulièrement originales et intéressantes à exploiter en classe. On appréciera par exemple le thème de l’engagement américain au Vietnam avec l’interview de Marlon Brando, le dossier sur Taiwan qui aurait mérité mieux comme illustration que la « une » de Time avec Chiang Kai-Shek en une, même si l’arrière plan d’une plage fortifiée peut-être explicite.

Le dossier sur l’Amérique latine sort des sentiers battus en évoquant l’alliance pour le progrès de façon très explicite, à l’exemple de ce que fait André Kaspi dans la dernière biographie du président et de la famille Kennedy. On appréciera également les caricatures de la page 37 illustrant le thème de la guerre froide au Moyen Orient, un sujet bien complexe à transmettre aux élèves car ne relevant pas d’un système binaire.

Parmi les exercices proposés dans le dossier des transparents, les deux premiers sont consacrés à des séances de lecture de l’image, avec Berlin et la crise de Cuba tandis que le troisième basé sur la confrontation de message parait plus explicite, à propos de l’utilisation du sport pendant la guerre froide.

Bruno Modica