L’auteur
» Marie Favereau Après un doctorat d’histoire en France et en Italie, Marie Favereau a débuté sa carrière universitaire comme membre scientifique de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire. Elle fut également boursière Fulbright à l’Institut des études avancées de Princeton et assistante de recherche à l’université d’Oxford où elle contribua au projet européen » Empires nomades « . Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages sur Gengis Khan, la Horde d’or et l’islam. Actuellement maître de conférences en histoire médiévale à l’université Paris Nanterre, elle poursuit ses travaux sur l’Empire mongol et voyage régulièrement en Asie pour ses recherches. » Tiré du contreplat de la couverture
L’introduction
L’ouvrage débute par la définition et la contextualisation de ce qu’est la Horde, à savoir » un grand régime nomade né de l’expansion mongole du XIIIe siècle. Un régime équestre d’une telle puissance qu’il gouverne quasiment toute la Russie actuelle jusqu’à la Sibérie occidentale pendant trois siècles.
L’objectif de l’ouvrage est de » comprendre le fonctionnement de la Horde de l’intérieur et de saisir comme un tel régime émerge et se développe à travers les siècles s’ajustant et se transformant tout en conservant son identité nomade. »
La majorité des historiens a accepté la notion d’empire mongol mondial, disposant d’un seul système économique en Asie orientale dans le monde islamique, le monde slave et en Europe. Les Mongols sont de véritables commerçants avec des connexions économiques denses de la Méditerranée à la mer Caspienne. Pour eux, la conversion religieuse s’effectue pour développer les partenariats commerciaux dans les années 1260.
Une nouvelle approche historiographique se penche sur une entité mongole plus juste politique, sociale, économique et complexe, à l’image d’un Commonwealth. Ce qui s’éloigne de l’image du mongol vil et sanguinaire. De même, le système social, politique et économique de la Horde est la combinaison d’une certaine continuité et de nombreuses mutations. En somme, un processus dynamique, malléable, capable d’intégrer les changements dictés par les circonstances.
Un point est effectué sur le terme horde, orda. » qui se rapporte à la cour du khan et à ses quartiers militaires, ou un régime politique ». Ici on préfère utiliser le terme khanat pour les formations politiques.
Il est essentiel de comprendre que la tolérance est un outil au service du pouvoir pour les Mongols.
Les sources utilisées sont multiples : ordres impériaux, lettres diplomatiques, monnaies, archéologie,…
Cette recension se veut synthétique et reprend quelques éléments qui me paraissent essentiels pour comprendre l’organisation de l’empire mongol. Tout n’est pas détaillé afin de laisser le loisir de la lecture à ceux qui veulent se plonger dans cette épopée exaltante !
La résilience des Tentes aux murs de feutre
Ce premier chapitre a pour but de sortir du stéréotype du mongol comme » dangereux sanguinaire sans réelle ambition politique », en » révélant tous les champs politiques de l’Empire mongol : habiles jeux diplomatiques, moyens de pression économiques, politiques religieuses attrayantes, déploiement administratif, organisation des migrations pastorales et culture d’assimilation. »
Vivre dans la steppe
La steppe est un monde de diversités géographiques et culturelles. Les « Tentes aux murs de feutre » sont une expression générique utilisée par les Mongols pour désigner l’ensemble des groupes nomades.
Leur monde est un réseau de groupes, lié par un ancêtre commun, souvent légendaire. Il existe de larges coalitions divisées entre les Tatars, les Merkit, Kereit, Naiman et les Mongols. La majorité des éleveurs nomades ne suivait aucun dogme religieux mais partageait un cadre spirituel. Les oboqs mongols se divisaient en deux groupes : les Niru’un et les Dürlükin.
L’ascension de Temüjin
Le mariage constitue une des principales sources d’alliance, et est donc politique. Temüjin est donc marié avec Börte, la fille d’un chef qonggirad, afin de renforcer son prestige. Par cette entreprise, il développe les relations commerciales mais fait aussi la guerre pour obtenir la soumissions de ses rivaux. Il réussit à soumettre les Kereits, s’emparer de la vallée de l’Orkhon, puis les Naiman et les Merkit.
La naissance de l’ulus mongol ( communauté politique)
En 1206 a lieu une grande assemblée et c’est à ce moment que le titre du souverain devient Gengis Khan, un terme signifiant « puissant » ou encore « universel ». Il s’agit d’une rupture nette avec les pratiques politiques en vigueur. Ce titre choisi par Temüjin revendique l’indépendance et la souveraineté des Mongols. A la suite de cela, les Mongols se dotent d’une garde impériale, d’une véritable administration. Deux objectifs sont poursuivis par le nouveau régime : établir la suprématie de la famille khan et de sa lignée et intégrer de nouveaux membres afin d’accroître la main d’oeuvre des travailleurs et les effectifs de l’armée. Ceci ne se fit pas sans ressentiments.
Supprimer l’opposition
Le fils de Gengis Khan, Jochi se voit octroyer des territoires pour y établir son ulus. Afin d’assurer sa légitimité, il doit soumettre les peuples de la Forêt entre 1207 et 1208. Il en découle, une série de rebellions et de guerre menée par Gengis Khan est son fils davantage détaillé dans le deuxième chapitre.
Vers la Chine
En 1209, Gengis Khan envahit l’empire des Tanguts, situé dans le nord-ouest de la Chine. Pourquoi ? Afin de contrôler les voies commerciales et soumettre de potentiels rivaux. Après les Tanguts, soumis en 1210, Gengis Khan s’attaque au nord de la Chine en 1211, conquête qui s’arrête en 1216.
La ville devient un champ de ruines à l’abandon
Vers la fin des années 1220, Les Ouïghours, les Naiman, les Merkit et les Qara Khitai sont sous l’influence de l’empire mongol.
La conquête contre Muhammad ( carte ci-dessus) comptabilise 10 000 à 30 000 cavaliers, la plupart des villes tombent aux mains des Mongols sans être systématiquement détruites, mais le pillage et la confiscation des terres étaient monnaie courante.
Vers l’Ouest
Ce deuxième chapitre a pour but de faire état de l’agrandissement de l’empire mongol après la mort de Jochi et de Gengis Khan.
Aujourd’hui ils ont pris nos terres, demain ce sera les vôtres.
La campagne d’expansion de l’empire mongol passe par la Géorgie, la Volga, la Mongolie actuelle.
La mort de Jochi et de Gengis Khan
Jochi meurt en 1227, il avait moins de 40 ans. Quant à Gengis Khan il meurt lors d’une guerre contre les Tanguts durant la même année. Les opérations militaires furent suspendues pendant deux ans. Un successeur fut désigné en 1229, Ögödei.
La guérilla qicpchaq
Porté par Bashman, véritable héros local, la guérilla se met en place, mais elle est réduite à néant par les hommes de Sübötei, Ögödei ayant échoué à cette entreprise. Il faudra attendre 1236, pour une véritable soumission.
En terres slaves, la neige et la boue
Les Mongols lancent plusieurs raids, expéditions et exploration dans la région. entre 1235 et 1242, les Mongols prirent le contrôle d’une vingtaine de villes, toutes ne furent pas détruites. Cela montre que les Mongols étaient experts en guerre de siège.
La campagne hongroise
En mars 1241, les Mongols pénètrent dans le royaume de Hongrie. Cette campagne est considérée comme une conséquence directe des campagnes qipchaq et russe. Cette invasion est planifiée avec soin, grâce aux talents de Sübötei. L’attaque les conduit en début d’année 1242 à franchir le Danube et progresser vers l’ouest de la Hongrie.
Un foyer dans la steppe qipchaq
L’intégration des qipchaq débute en 1210 et s’achève en 1240. Elle témoigne de l’ambition militaire et politique des descendants de Gengis Khan : la volonté de coloniser toute la ceinture steppique.
Nouvelles hordes
Ce chapitre est consacré aux différentes hordes créées à la suite de la mort de Jochi et Gengis Khan.
La naissance des Jochides
Aucune source ne permet de savoir exactement combien Jochi avait de descendants dans les années 1250, mais il semble que les Jochides se sont rapidement multipliés. En deux générations ont en dénombre une centaine.
Les quarts de garde
Ils sont composés des gardes de nuit, de jours et porte-carquois. Tous ont un rôle essentiel dans le système d’approvisionnement et d’organisation mongol. On peut les considérer comme une élite administrative et assurant l’intendance des keshigs.
La saison des khans
La mobilité des hordes est essentielle pour la sauvegarde des pâturages. Afin d’assurer le bon fonctionnement de l’empire, les peuples soumis étaient sommés de participer à la charge de travail collective. Les grandes assemblées se réunissaient deux fois par an. Se met en place des marchés régionaux, des pratiques locales afin d’alimenter les populations. La mobilité est un élément essentiel des hordes et des khans, car elle était motivé par la politique et la recherche de pâturage ( dans une moindre mesure).
La source de vie
Le kumis est une boisson issue de la traite de la jument. Pour les Mongols, elle est l’occasion d’un moment de réjouissance dans les steppes de l’empire. Il s’agit d’une tradition mais aussi une composante vitale du régime mongol: utile pour les chamans, les nomades pour lutter contre les calculs rénaux, la goutte, la dysenterie… Au milieu du XIIIe siècle, le kumis est essentiel à l’épanouissement des descendants de Gengis Khan.
Les villes mobiles
Les hordes couvraient d’immense étude de territoire. Lorsque les conditions le permettait, tout été mobile : maisons, ateliers, sanctuaires, statues. Une horde est une unité autosuffisante qui se déplace selon son propre système de ravitaillement. L’élevage est le nerf de son fonctionnement de subsistance. Chaque année, les hordes montaient ou descendaient le longs des grands fleuves de leur territoire. Les hordes étaient strictement organisée, tout comme les grandes villes. La disposition générale visant la bonne régulation des individus et des animaux. Le système défensif était circulaire. Le camp fonctionnait comme un microcosme reflétant l’état changeant de la société mongol et l’évolution de son rapport au monde.
Les hordes employaient plusieurs méthodes pour intégrer socialement et économiquement les populations qu’elles dominaient.
La grande mutation
Il est question, dans ce chapitre de Berke, reflet de » la grande force d’adaptation des modes de vie et de gouvernance des Mongols et des changements de la Horde.
Le démembrement des terres centrales de l’Islam
La Grande campagne du Moyen-Orient débute en 1256. La résistance des mamelouks est très rude pour les Mongols, même s’ils parviennent à conquérir l’Irak, et à établir des relations pacifiques avec certains peuples du Moyen-Orient. Hülegü se positionne comme la principale menace pour les Jochides. En paralysant le système de redistribution et en menant des campagnes militaires intenses.
L’alliance mamelouk
Afin de préserver territoire et commerce, Berke entreprend des négociations par l’intermédiaire de marchands. C’est en 1262 qu’une alliance est scellée entre le khan, les Mamelouks, l’empereur byzantin et les Génois. Cette alliance est freinée par Byzance l’année suivante. S’ensuit les conquêtes de Noya, ayant pour conséquences le renforcement de l’autorité des Jochides au nord de la mer Noire, et le développement du commerce de fourrure.
L’unité
La mort de Berke, l’ulus jochide est un pouvoir politique à part entière, mais comme tout décès, les guerres de succession et les tensions inhérentes à la mort du chef conduisent à l’incertitude. Cependant, à la mort de Berke émerge un modèle hybride inédit : la Horde associe les cultures mongole et musulmane.
Au milieu des années 1260, la Horde dispose d’un pouvoir incontesté dans la steppe occidentale. C’est un espace de diversité et d’intégration composé de Russes, de Caucasiens et de Mongols, de païens, chrétiens, musulmans; de citadins et d’éleveurs. » Un royaume résolument nomade ».
Le grand échange mongol
Ce chapitre est consacré à la période qui dure de la mort de Berke 1260 aux années 1300. La mort de Berke provoque la créations de trois hordes à la tête de l’ulus de Jochi. Cependant, le commerce et les échanges foisonnent dans cet espace, les changements internes également.
La paix dans la Horde
L’organisation à la mort de Berke s’effectue ainsi. Trois hordes sont connues entre 1270 et 1299. A l’ouest, la horde jochide de Nogay, au centre, la horde du khan jochide et à l’est la horde des Ordaides. Ces créations conduisent à des confits en 1267, 1270. Le maitre incontesté de la période se nomme Möngke-Temür. L’influence des Mongols s’étend en Europe du Nord, de l’Est et du Centre.
Maitres en géopolitique
La force des Mongols réside dans l’adaptation à toutes les religions, à tous les types de pouvoirs. Les khans apprirent à travailler avec leurs alliés : comment les gouverner, directement et indirectement, comment faire affaire avec eux et les attirer sur le marché mongol,… Les Jochides durent donc innover et collaborer avec leurs sujets pour prospérer, tout en maintenant les institutions vitales à leur ulus.
La suite du chapitre explique scrupuleusement les échanges, conflits internes au sein des trois hordes et les partenariats, méconnus jusqu’ici avec la Méditerranée.
La route du Nord
Parmi les « routes de la soie », deux artères principales sont contrôlées par les Mongols, celle du Nord et celle du Sud. Au XIVe siècle, les dirigeants mongols soutiennent les routes commerciales, afin de conserver leur autorité sur le réseau , favoriser le mouvement des circulations et des redistributions. Tel sont les idées abordées dans ce chapitre.
Le khan d’Özbek
Après une explication du règne de Toqto’a, on s’intéresse à Özbek et à sa prise de pouvoir consolider par la purge politique, le meurtre et la réorganisation de la horde. Notamment en 1323, il prend le contrôle de l’Ouest, dans les principaux russes. Un point est également fait sur les relations avec les Mamelouks, évoluant entre alliances et soumission.
De nouvelles villes
Une étude de la ville de Saray est effectuée : » nichée sur une falaise, elle fit forte impression à Ibn Battûta,(…) d’une grande diversité, la population de la ville comprenait des Mongols, des Qipchaqs, des Russes, des Grecs, des Syriens,… » En sus, le développement urbain était lié à la propriété foncière et la sédentarisation de certains mongols.
Avec la route du Nord, et celle de Sibérie, les Jochides réorientaient à leur profit les carrefours du centre de l’Eurasie. La Horde est devenue le centre de gravitation incontesté du grand échange mongol, soutenu par la chute de leurs rivaux, les Ilkhanides.
La retraite
Ce chapitre décrit l’affaiblissement de l’empire mongol. Lors de la seconde moitié du XIVe siècle, les Jochides sont affectés par la peste, la fissure interne avec les successions, l’instabilité gouvernementale, sociale et économique.
La Mort noire et ses conséquences
La population de la Horde vivait avec la peste bien avant le siège de Caffa, y étant confronté en 1232 en Chine ou lors des autres épidémies dans le territoire yuan entre 1307 et 1347. Cependant, l’impact de la Mort noire est général et profond, tant pour les populations européennes que pour les populations du Moyen-Orient et de l’Asie.
Anarchie
Dans les années 1350, la route du Nord s’effondre, tout comme les Yuan, le régime mongol régnant en Asie. Il laisse la place à la dynastie Ming. Ce retrait des Yuan entraine deux problèmes majeurs : la perte de la Chine et l’affaiblissement notable de la Horde, laissant la possibilité aux adversaires du régime de défaire les Mongols.
Le retour du nomadisme ?
Même si le démantèlement de l’ulus jochide est antérieur au XIV e siècle, il est effectif, par la baisse démographique dans les villes jochides, qui servent de nécropoles, à partir de 1370. Les cités sont donc abandonnées. Les élites adaptent leur migration, évitant ainsi le chaos. La voie mongole consiste à décentraliser, diviser et disperser. Les begs tentent de reformer une horde mais sans véritable succès.
Les jeunes frères
Dans ce dernier chapitre, il est question de la réunification de la Horde et la réinvention du système mongol.
Reconstituer la Horde
Les deux acteurs principaux de cette reconstitution : Tamerlan, officier de l’Empire mongol. Il prend le rôle de chef local et renforce les frontières. L’autre protagoniste est Toqtamish, qui se construit son propre khesig à la mort de son père. Les deux soumettent les peuples et effectuent des alliances diplomatiques. Ces deux rivaux ne sont pourtant pas les responsables de la chute de la Horde.
Une nouvelle génération
La dissolution de la Horde ne signifie pas la fin du monde des nomades, mais la disparition du cadre protecteur qu’avait constitué leur empire. Sa dissolution est une mutation organique. La fragmentation de l’ulus de Jochi, les hordes continuèrent à subvenir à leurs propres besoins socio-économiques, par l’expansion territoriale ou l’incorporation ethnique.
Epilogue
Que peut-on retenir de cet ouvrage, voici quelques morceaux choisis de l’épilogue, forts de sens.
« Les pratiques et les concepts politiques développés par Gengis Khan et ses descendants fournir le cadre symbolique et institutionnel de l’élaboration des Etats modernes en Iran, en Chine, Asie centrale et Russie. » (…) »Si la Horde fut oubliée, c’est parce que les Jochides ont laissé peu d’empreinte architecturales et lexicales sur le monde. » (…) « L’absence de chroniques de cour pour magnifier le règne des khans jochides explique aussi en partie pourquoi la Horde a été moins étudiée et célébrée que les Yuan et les Ilkhanides. »(…)
Cet ouvrage a donc bien réussi son objectif : » remettre en cause cette sempiternelle destinée jouée par avance que l’on prête aux campagnes mongoles de l’Ouest. » (…) » Etre maitre du monde n’était pas le dessein de Gengis Khan, mais plutôt soumettre tous les nomades des steppes. » (…) » Le nomadisme ne s’oppose pas au renforcement de l’Etat et la Horde fut un Etat équestre, constamment en mouvement. »
Les Mongols se réinventent sans cesse, sans se perdre. Sa capacité d’adaptation et d’assimilation furent essentielles. C’est en cela que la Horde changea le monde.
Pour aller plus loin
Cette mise au point complète et réussie permet véritable de poser un regard neuf sur l’empire mongol. Cet ouvrage peut être compléter avec l’exposition proposée au château des ducs de Bretagne à Nantes ou encore une captation des rendez-vous de l’Histoire de Blois de Marie Favereau présentant son ouvrage ici