Comment parler de la laïcité mais surtout la faire vivre de façon concrète auprès de nos élèves ? C’est à ce défi que s’attaque cet ouvrage qui s’affiche comme 100 % collaboratif car rédigé avec les questions posées par des enseignants sur lea.fr. Il s’agit d’un réseau pédagogique et collaboratif des enseignants du primaire comme en témoigne une des remarques glanées dans l’ouvrage : « vous êtes notre collègue, dans notre maison commune, l’Ecole, dont nous partageons la mission ». Ce livre est structuré en trois parties : vivre et faire vivre sereinement la laïcité à l’école, réagir face à des situations de tension et cerner les enjeux de la laïcité au-delà de l’école.

Un projet clair et affirmé

Dans la préface, Benoit Falaize rappelle qu’il n’y a « pas d’écoute attentive aux familles sans le souci du droit ». Les auteurs précisent ensuite dans l’introduction leurs buts : « fournir aux enseignants des outils immédiatement utilisables ». L’ouvrage s’inscrit aussi dans un contexte et souligne qu’il y a peut-être eu une tendance à occulter l’exigence de transmission. Pour répondre à cela, une conviction affirmée ici est la nécessaire formation. Les auteurs sont eux-mêmes des formateurs qui interviennent sur ce thème depuis de nombreuses années dans des situations très différentes. Parmi les affirmations fortes, celle que l’apport de connaissances ne suffit pas. Les outils proposés par les auteurs se veulent variés puisqu’on trouvera, pêle-mêle, des références réglementaires, des suggestions de séquences pédagogiques ou encore des protocoles méthodologiques. Les parties sont organisées en chapitres, toutes formulées sous forme interrogative.

Vivre et faire vivre sereinement la laïcité à l’école

Les auteurs rappellent d’abord qu’il y a un certain nombre d’éléments de base à connaitre, que ce soit en terme de règlement ou de pédagogie. La base, c’est d’abord la neutralité du fonctionnaire. L’ouvrage propose de réfléchir sur le rapport, par exemple, entre neutralité professionnelle et sensibilité personnelle. Pour bien faire comprendre les choses, plusieurs exemples concrets sont choisis et décortiqués dans leurs différentes dimensions. Lorsque l’on est au clair, on peut alors expliquer la laïcité à l’école aux parents d’élèves. Des principes clairs et forts sont repris : « la laïcité n’est pas une valeur à laquelle on adosse un adjectif ». L’enseignant a, à sa disposition, la charte de la laïcité à l’école qu’il s’agit de faire vivre plutôt que de l’asséner aux parents. C’est pour cela que les auteurs proposent ensuite des activités concrètes. On peut prendre appui par exemple sur la journée du 9 décembre ou encore réaliser une entrée par les disciplines dont l’éducation physique et sportive. Les pistes proposées sont vraiment bien pensées et on peut citer le cas original du repas partagé. L’approche envisage également le cas des fêtes calendaires à l’école. Le tour d’horizon est complet et très pratique : que faire si un élève arrive avec un calendrier de l’Avent qu’il offre à la classe ou que répondre si un élève demande : «  Pourquoi y’a pas de crèche sous le sapin à l’école ? ». Parmi les autres bons réflexes les auteurs rappellent qu’il existe une équipe « laïcité et fait religieux » dans chaque académie. 

Réagir face à des situations de tension 

Cette deuxième partie poursuit dans le souci d’être concret et fourmille de nombreuses bonnes pratiques et nombreux conseils. Après avoir rappelé que le dialogue est premier et qu’il faut se donner du temps pour répondre, les auteurs invitent à distinguer les trois niveaux d’analyse qui peuvent se présenter : élèves, parents d’élèves et fonctionnaires d’Etat. Le chapitre envisage aussi le cas des AESH et AVS. On trouve ensuite trois exemples de situations de classe qui s’appuient sur des cas possibles et donne des pistes pour savoir comment réagir si un élève dit « Papa dit que la Charte de la laïcité ne respecte pas Dieu ». Les autres situations abordées sont variées y compris comment réagir face à un collègue qui dysfonctionne ou le cas des problématiques liées aux cantines. La partie se termine sur le fait qu’il faut s’appuyer sur des repères légaux. 

Cerner les enjeux de la laïcité au-delà de l’école 

Cette troisième partie envisage la question de la laïcité de façon plus large. Le sous-titre est d’ailleurs « Des connaissances personnelles et professionnelles à approfondir ». C’est l’occasion de préciser qu’il existe de nombreuses dérogations à certaines lois, comme celle sur la séparation des églises et de l’Etat. Les auteurs font le point sur le couple laïcité-sécularisation puis proposent un panorama des religions présentes en France. Afin de compléter l’approche, quelques pages sont consacrées à la laïcité hors de France. Les auteurs proposent donc quelques exemples pour mieux faire comprendre la spécificité française. Ils concluent l’ouvrage en interpellant le lecteur pour un exercice de réflexion personnelle. Cet auto-inventaire s’appuie sur les différents articles rapidement commentés. En conclusion, on trouve une salutaire invitation à la formation critique tout au long de la vie.

Cet ouvrage est donc très bien construit. Il donne à la fois des informations de fond car, sans la connaissance sur un tel sujet, rien n’est possible. En prenant des cas très concrets, cela permet à tout enseignant d’être mieux formé pour savoir comment réagir en cas de souci. Le dernier chapitre ouvrant sur l’extérieur est une utile invitation à continuer à se former et s’informer. Nul doute que cet ouvrage rendra de grands services aussi bien aux enseignants qu’à certains formateurs. 

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes