Ce petit livret a été composé par Denis Tauxe, préhistorien spécialiste de la grotte de Lascaux. Celle-ci, découverte en 1940 garde encore bien des secrets. Parmi ceux-ci, le présent ouvrage cherche à mettre en lumière un personnage peint dans la Salle des Taureaux, ou Rotonde, surnommé par l’abbé Breuil « la licorne ». C’est un être hybride, qui rejoint les théranthropes mis en lumière dans plusieurs autres sites, à savoir mi-homme, mi-animal sauvage, également appelés « sorciers ». Il y aurait dix-huit représentations de ce type d’après un inventaire d’Oscar Fuentes. Denis Tauxe, comme l’atteste sa riche bibliographie, s’appuie sur les recherches et hypothèses de ses confrères pour formuler les siennes. Ainsi, la figure du « sorcier » dérive d’un imaginaire chamanique du début du XXe siècle et rien ne permet d’attester qu’il s’agissait de guérisseurs ainsi mis en scène.
L’auteur nous fait ensuite entrer dans la grotte de Lascaux. Les supports iconographiques sont riches et permettent, même à des personnes n’ayant pas eu l’occasion de visiter les lieux, de suivre le propos et les descriptions. Ainsi, la salle de la Rotonde abrite une fresque de 25 mètres de long représentant principalement des taureaux, accompagnés d’autres animaux, peut être peints de même main car les chercheurs y retrouvent une certaine unité graphique. Cependant, comme le mentionne plus loin Denis Tauxe, rien ne permet de savoir quelle est la chronologie de la peinture, chaque pièce ayant tendance à s’imbriquer auprès de l’autre et non s’y superposer dans une seconde couche. On y trouve ainsi des cerfs, chevaux, un ours qui se veut discret et, de façon plus évidente, la fameuse licorne qui semble ouvrir la scène car visible dès l’entrée de la cavité. Elle mesure environ 2,35 mètres par 1,08 mètre en intégrant les deux cornes très longues qui la font ressembler à une licorne. Celles-ci sont peintes au pinceau alors que le reste du corps est l’objet d’une juxtaposition de points soufflés ou tamponnés. Malgré les hypothèses, les deux cornes font bien partie de l’animal.
Comment interpréter cette licorne ? Mélange d’animaux, du renne, ours, félin voire au lynx ? Humain ayant revêtu une dépouille animale comme pourrait le faire penser les membres proches de jambes humaines ? Denis Tauxe relève toutes les théories. L’interrogation est également portée sur les cercles apparaissant sur le corps de l’animal. Peau tachetée ? Cercles magiques ? Les autres salles de Lascaux sont également examinées afin de chercher un lien avec cette licorne. La Scène du Puits met ainsi en lumière la présence d’un homme à tête d’oiseau, tué par le bison à proximité ?
La couleur noire fortement utilisée et tirée du manganèse et non du charbon de bois rend difficile la datation des peintures. Quelques charbons ont été récoltés ainsi que plusieurs sagaies et une lampe de grès rose portant les mêmes signes que ceux présents sur les murs. La datation se porte ainsi entre 23000 et 20000 avant notre ère. Les signes sont analysés : il est ben sûr impossible d’en connaître la signification.
Il ne semble pas qu’il y ait une planification des peintures à Lascaux. Il est probable que les animaux plus mystérieux ou dangereux comme la licorne, l’ours voire les félins aient été exécutés après les herbivores qui prennent une grande place. Et de conclure que la licorne garde encore tous ses mystères mais nous permet de constater, à défaut de chamanisme, de possibles croyances mêlant l’animal et l’humain : « En faisant appel au monde surnaturel par le biais de la Licorne et de l’homme étrange du Puits, les hommes de Lascaux ont ouvert une interrogation sur les mythes fondateurs, sur les croyances sacrées ». Un petit ouvrage très agréable à lire, qui réveille de nombreuses interrogations et l’imaginaire du lecteur. Une très belle documentation. Pour les passionnés de préhistoire, initiés ou non.