La littérature, fenêtre sur le monde ?, voici résumé l’esprit du nouvel enseignement d’exploration né de la réforme du lycée. Sous le titre générique de Littérature et Société, cet enseignement pluridisciplinaire vise à ouvrir les élèves sur le monde qui les entoure et faire des passerelles entre l’étude d’un texte littéraire et son contexte d’écriture. Le dossier proposé par Sciences Humaines et coordonné par Catherine Halpern est une bonne entrée en matière pour les enseignants, qui, comme moi, ont fait le choix plus ou moins spontané de s’engager dans ce nouvel enseignement.

Les interrogations ne manquent, en ce début août, à l’heure de la préparation des premiers cours de cette option ! On peut donc faire sien le questionnement de ce dossier : « A quoi bon se passionner pour des histoires inventées de toutes pièces et pleurer sur le sort de personnages qui n’ont jamais existé ? »

Le contenu du dossier montre que le divertissement n’est pas le seul apport de la littérature. La fiction élargit notre expérience et offre un autre regard sur le monde et sur nous-mêmes. Jean-François Dortier, dans son article très inspiré de sa vie personnelle (commentaire des rayonnages de sa bibliothèque), montre à quel point l’exploration du monde intérieur par les romanciers tient un rôle important. Il donne envie, à notre tour, de se plonger dans ces ouvrages car il prend la peine de raconter le début de la trame narrative. Le rapport littérature et histoire intéressera fortement les enseignants que nous sommes. Patrick Boucheron, maître de conférences à Paris I reprend l’appréciation de Lucien Febvre « Méfiez-vous de l’imagination ! » qu’il aurait aimé apposer sur la copie de Michelet. Il montre ainsi les rapports tumultueux de l’Histoire avec la littérature. Aujourd’hui, les choses ont changé et celle-ci est considérée comme « une ressource précieuse pour l’historien. Mais il doit la considérer comme un reflet du monde qu’elle décrit plutôt que comme une connaissance objective. »

Au-delà de ce copieux dossier consacré à la littérature, deux articles retiennent l’attention. Xavier Molénat (Qui va garder les enfants ?) reprend les travaux de Gosta Esping-Andersen (Trois leçons sur l’Etat providence, 2008). Il analyse l’impact économique et social de la mise en place du congé parental. Il consiste en une allocation de 550€ reçue par le père ou la mère d’un enfant de moins de trois ans pour élever cet enfant sans travailler à l’extérieur. Ce sont finalement des femmes (96% de congés parentaux) peu diplômées qui ont profité du dispositif mais leur mise à l’écart du monde du travail pendant trois ans accroît considérablement les difficultés qu’elles rencontrent pour retrouver un emploi à son issue. La situation s’avère catastrophique lorsqu’un divorce ou une séparation viennent s’ajouter aux difficultés. L’auteur montre donc qu’on aurait bien plus gagné à ouvrir des places en crèche que de mettre en place cette allocation. Ces femmes seraient restées dans la vie active et auraient participé à la croissance. Au lieu de cela, les économies faites sur le budget de la Petite enfance sont réduites à néant par les aides sociales que l’Etat devra verser. La démonstration est éclairante. Elle est agrémentée de graphiques comme celui-ci-dessous qui achève de convaincre. A quand la parité Femmes / Hommes dans la famille ?

Un autre article « L’anthropocène, nouvelle ère planétaire » mérite le détour. des travaux de Dipesh Chakrabarty (Bienvenue dans l’anthropocène ! ), René-Eric Dagorn montre que l’éruption du volcan Eyjafjöll a des causes anthropiques : L’Homme est responsable du réchauffement climatique, donc de la fonte des glaciers. Le glacier moins épais pèse moins sur le réservoir de magma. Les forces de pression sont allégées et l’éruption est facilitée. CQFD ! Ca marche aussi avec le tremblement de terre dans le Sichuan (à cause du barrage de Zipingpu) ! Pas sûr que ce raisonnement plaise toutefois à Claude Allègre !

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