Cet ouvrage dresse un panorama du secteur agricole dans le monde. Il décrit les changements récents, montre les spécificités des grandes productions et offre des pistes d’analyse des localisations et des mutations agricoles.
CR de Jean-François Joly
L’ouvrage se veut de géographie économique, non de géographie rurale, traitant des tendances des localisations et leurs processus de changement. De fait l’auteur analyse d’abord les réalités du secteur agricole puis les principales productions alors que les deux dernières parties s’attachent aux localisations vues à travers cinq courants de la géographie, deux étant déclarés fondamentaux – classique (vidalien ?), économiste – alors que les trois autres démarches (géographies radicale, comportementaliste, systémique) apportent des éclairages spécifiques.
L’ouvrage est organisé suivant le principe de documents ou de conclusions sur la page de gauche, le développement se faisant uniquement sur la page de droite.STRUCTURE

La première partie intitulée « le secteur agricole se compose de trois chapitres : il s’agit d’abord de mesurer l’importance des agricultures en recourant à des typologies qui sont listée (qualitatives, quantitatives, de systèmes de production) ; le second chapitre met en relief les différentes révolutions agricoles que l’humanité a connues pour s’attarder sur la dernière définie par trois processus majeurs, l’intensification, la concentration, la spécialisation (intéressant tableau p. 30). Le troisième chapitre liste les principaux défis qualitatifs (sécurité alimentaire, qualité des produits), quantitatifs (crises alimentaires, problème de la faim) pour conclure sur la perspective d’une agriculture durable.

La seconde partie, consacrée aux productions, envisage successivement les céréales (blé, riz, mais, autres céréales), les produits de l’élevage, les autres productions (vivrières végétales, plantes à boissons, oléoprotéagineux, fibres végétales et autres plantes industrielles y compris les cultures de drogues). Pour chaque catégorie, quelques informations fournies sur la production et le marché.

La troisième partie commence par mesurer l’importances des contraintes naturelles sur les cultures, les moyens mis en œuvre par les hommes pour les contourner ; la majorité des sociétés les subissent encore. Dans un second temps, les aspects économiques (terre, travail, capital) sont passés en revue ainsi que la combinaison que représentent les systèmes de production. Une place particulière est réservée aux transports, des liens entre zones de production et marchés : du modèle de Von Thunen aux marchés à terme, le rôle des transports doit être analysé au cas par cas car l’impact de la distance aux marchés est très variable (cf. légumes et fruits de contre saison).

La quatrième partie rend compte des approches les plus récentes. D’abord une perspective culturelle : le rapport à la terre diffère suivant les sociétés par exemple tout comme les valeurs des agriculteurs et ce qu’une société attend d’eux. L’agriculture est également de plus en plus l’affaire d’acteurs spatiaux de plus petite échelle : filières agro-alimentaires – influence de l’industrie et du commerce (firmes du négoce) -, Etats, organismes internationaux… Enfin l’approche systémique est notée : ce sont les structures agraires de R.Lebeau qui sont citées (plutôt que la boucle du riz de F. Durand-Dastès) puis l’optique écogéographique qui s’attache bien sûr à la transformation des milieux naturels et à l’environnement, enfin des essais de typologie de grands systèmes agricoles dans le monde.

COMMENTAIRE

Beaucoup d’idées sont donc abordées dans ce livre de « petit format » et c’est bien là toute son ambiguïté : il s’appuie sur un nombre très important de travaux internationaux cités ou source directe d’un passage ce qui laisse présager une synthèse sur la question or la conduite de l’ouvrage est analytique, juxtaposant les différents éléments abordés. Ainsi quant aux facteurs, aucune étude de cas ne vient mettre en situation leur place relative, les échelles ne s’emboîtent pas : l’auteur en convient qui conclut « il est donc nécessaire de les combiner tous, de s’en servir comme des clés de lecture pour pouvoir comprendre les changements et les permanences, les processus sous-jacents tant à l’échelle des territoires qu’à celui des grandes productions ».
Un sentiment de frustration accompagne donc cette lecture, que l’auteur contribue à entretenir périodiquement par ses remarques : « il ne peut être question ici d’analyser tous les problèmes environnementaux engendrés ou subis par l’agriculture mais plus modestement d’en relater quelques uns (p.52-53) ou encore « il n’est guère possible dans le cadre de cet ouvrage général de détailler cette politique pour laquelle il existe, par ailleurs, une très abondante littérature » (p.153 à propos de la PAC). D’où de nombreuses allusions et références qui ne peuvent être bien maîtrisées que si l’on a déjà de solides connaissances par ailleurs mais qui fatalement laissent le lecteur sur sa faim. L’apport principal du livre se trouve dès lors dans les pages « documents », en particulier lorsqu’il s’agit de tableaux synthétiques, d’organigrammes, de cartes qui dégagent l’essentiel sur un aspect précis : principales approches de la géographie de l’agriculture et des espaces ruraux (p.6), les mutations structurelles engendrées par la dernière révolution agricole (p.30), les cultures de drogue (p.86)…Un ouvrage utile et commode donc au-delà des réserves émises.