Voilà un livre qui fleure bon les grandes vacances ! Un parfum de nostalgie accompagne cette évocation proustienne de la maison de campagne. Marc Boyer consacre la première partie de l’ouvrage à l’invention de la villégiature. Une histoire, pas vraiment nouvelle pour qui a lu les ouvrages de Marc Boyer ou de Alain Corbin, où se côtoient beaucoup de définitions et de rappels sur l’histoire du tourisme et des transports. En revanche, la seconde partie du livre permet de se délecter du récit de l’histoire de la maison de campagne.
Marc Boyer, agrégé d’histoire et docteur d’Etat, alimente la réflexion scientifique autour de l’idée de tourisme. Expert scientifique du tourisme, il a été le fondateur du Département Tourisme à l’université Lumière – Lyon. Il a présidé l’Association méditerranéenne du tourisme. Il a publié de nombreux ouvrages sur ce thème : L’invention du tourisme. Gallimard, 1996 ; L’histoire de l’invention du tourisme. Editions de l’Aube, 2000 ; L’invention de la Côte d’Azur. Editions de l’Aube, 2002. Il consacre désormais sa retraite à la recherche.
Avec la maison de campagne, il n’est pas vraiment question de tourisme mais de villégiature. La sédentarité distingue les deux éléments. Le séjour dans la maison de campagne est un retour aux sources. Toutefois, la villégiature peut prendre une autre forme que celle de la maison de campagne : le mobil-home, le caravaning ou le séjour dans un meublé situé dans une station touristique.
La pratique du séjour à la campagne est ancienne. Il suffit pour s’en convaincre de penser aux citoyens romains qui avaient l’habitude de se séjourner une partie de l’année dans leur villa à la campagne pour se reposer des tracas de la ville. La pratique reprend à la Renaissance en Italie. De riches Vénitiens se font construire des villas par Palladio, l’architecte en vogue au XVI° siècle.
Le XVIII° siècle, avec l’apparition du sentiment de nature, correspond à une augmentation du nombre de maisons de campagne autour de Paris, sur l’initiative de quelques philosophes et écrivains. C’est l’époque de la diffusion du jardin à l’anglaise sur le continent que Voltaire se vante d’avoir importé. La nature l’emporte mais c’est une nature domestiquée.
Au XIX° siècle, le phénomène de la maison de campagne se diffuse même si le tourisme prend son essor. La villégiature se développe, accompagnant la puissance de la bourgeoisie. La maison de campagne sert aux propriétaires terriens non agriculteurs à administrer leur exploitation. Elle a donc une triple fonction. C’est un lieu de production agricole. C’est un lieu d’agrément (lieu de villégiature). Enfin, elle apporte la considération sociale. Le château est la maison de campagne par excellence.
Au motif de la villégiature, la possession d’une maison de campagne peut aussi permettre d’atteindre le rang de notable en province (statut non envisageable à Paris). Avec le développement du suffrage, la fonction électorale de la maison de campagne est un motif important d’acquisition.
La villégiature à la campagne s’impose de plus en plus comme une valeur sûre du modèle culturel des rentiers. Le modèle se diffuse fin XIX°-début XX° par les modes de vie des écrivains et leurs écrits (Sand, Maupassant, Flaubert, Hugo, Mauriac, Maurras, Pagnol…).
Toutefois, la villégiature rurale peine à se démocratiser. Les offres locatives ou de vente, dans un rayon de 20 kilomètres autour des grandes villes, sont faibles avant la seconde guerre mondiale.
Les Trente Glorieuses correspondent à une massification de la villégiature. En cela, Marc Boyer s’oppose au découpage chronologique proposé par Corbin. L’avènement des loisirs : 1850 – 1960. 1995, Aubier. Les années 50 voient la création et la diffusion de gîtes ruraux. Au XXI° siècle, cet essor s’est tassé. La clientèle devenant de plus en plus exigeante en matière de confort, beaucoup de propriétaires abandonnent cette formule. On estime à 7 millions le nombre de résidences secondaires (campagne, mer, montagne, ville). Les Trente Glorieuses connaissent un boom du nombre de résidences secondaires. L’occupation des maisons de campagne n’est plus seulement estivale (importance des week-ends et des courts séjours tout au long de l’année). Les migrations des résidents secondaires génèrent alors les traditionnels bouchons autour des grandes villes en de fin de semaine au moment des grands départs. Aujourd’hui, 10% des résidences secondaires appartiennent à des étrangers (dont 23,5% d’Anglais). La vie à la campagne fait toujours rêver au XXI° siècle (cf. affluence à la Foire à l’installation en milieu rural organisée à Limoges). On va ici plus loin que la pratique de la villégiature. Il y a l’idée d’un changement de vie. Cet appel de la campagne a des antécédents : l’installation des soixante-huitards en milieu rural.
Marc Boyer achève son ouvrage sur une typologie des campagnes françaises au début du XXI° siècle. Trois catégories se détachent :
– Les campagnes, près des villes. Sous l’effet des villes, ces campagnes ont été transformées en campagnes – dortoirs. Leurs habitants ont encore l’illusion de « vivre à la campagne ». Ici, il n’y a pas de touristes, ni de villégiateurs, à l’exception de quelques retraités.
– Les campagnes productrices : celles qui n’attirent pas les villégiateurs en raison d’un paysage jugé trop uniforme.
– L’autre France rurale, celle de la « Diagonale du vide », victime de l’exode rural du XIX° siècle. Cette France rurale est celle qui attire les citadins, dont beaucoup d’étrangers. Ceux-ci sont nombreux en Ardèche : belges, hollandais. C’est la campagne jugée typique car elle a échappé à la modernisation des Trente Glorieuses.
L’ouvrage comprend une chronologie Jalons reprenant les dates importantes de la villégiature et du tourisme ainsi qu’une bibliographie. De nombreux ouvrages littéraires y sont cités, une belle invitation à les lire ou relire à l’ombre d’un pommier en fleur confortablement installé dans une chaise longue. On pourra s’étonner, toutefois, que la bibliographie ne fasse pas mention du très stimulant ouvrage de Jean-Didier Urbain. Paradis verts. Désirs de campagne et passions résidentielles. Payot, 2002.
La lecture de cet ouvrage permet de prendre la mesure de l’ancienneté de la villégiature et des mobilités qui en résultent. Le sujet de ce livre prend toute sa place dans la préparation du sujet d’étude du cours de géographie de première STG (chapitre : Peuplement, réseaux et mobilités) : les mobilités dans le Bassin Parisien.
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