Kang-mi Yoon est une jeune artiste coréenne. Elle a remporté en 2017 le grand concours d’illustration organisé chaque année par le MOKA, le Hyundai Museum of Kid’s Book and Art. Le travail réalisé pour le musée consistait en une exposition racontant une histoire, A Building where trees grow. Grâce à cette exposition Kang-mi Yoon se voit offerte la possibilité d’être publiée par l’éditeur coréen Changbi. Rue du Monde, toujours à l’affût de nouveaux talents et sensible aux thématiques de protection de l’environnement, fut visiblement touché tant par le sujet du livre que par la qualité des illustrations au crayon et à l’encre.

La Maison qui fleurit raconte comment une fillette va colorer la grisaille d’une ville en pleine expansion. L’histoire commence face à une fenêtre donnant sur les tours d’une ville encore en transformation, hérissée de grues de chantier. C’est jour de pollution : il ne fait pas bon sortir parmi les immeubles gris. Derrière sa fenêtre, la petite fille dessine. Elle invente une maison où pousseraient des fleurs et qui accueilleraient les chats perdus, les enfants du quartier, qui seraient lieu de loisirs, de travail et de résidence. Plongée dans son imagination, elle construit un laboratoire végétal qui produit de l’air pur toute l’année. Les robots sont réquisitionnés pour planter des forêts.

Kang-mi Yoon accorde beaucoup d’attention à la destruction de l’environnement occasionné par la croissance urbaine. Dès la page de garde, un grand panorama nous plonge dans la déforestation, le gommage progressif du vert et l’avancée de la grisaille des grues, des bulldozers et des immeubles. L’auteure développe un certain nombre d’idées qui montrent comment l’architecture contemporaine pourrait s’harmoniser avec la nature, comment les plantes pourraient s’adapter aux structures des immeubles. Le dos de la quatrième de couverture clôt l’album sur un pinceau qui tente d’égayer les immeubles par les touches de couleurs de la végétalisation.

À bien des égards, cet album est à rapprocher d’un album sorti chez Robert Delpire en 1963, C’est le bouquet !, dont le texte de Claude Roy est illustré par Alain Le Foll. Dans cette histoire, rééditée chez Gallimard, deux enfants veulent lutter contre la grisaille de la ville et des grands ensembles. Ils plantent des graines de fraxilumèle, une plante géante qui finit par mettre de la couleur et de la vie aux tours et aux barres où vivent les enfants. Un article de 2010 de Michel Defourny, dans la revue en ligne Strenae analyse cet ouvrage qui est présenté comme un « hymne à la nature et à l’imagination » (https://journals.openedition.org/strenae/77?lang=en#tocto2n7).

            L’ouvrage de Kang-mi Yoon est à sa façon également un « hymne à la nature et à l’imagination » mais il est aussi un encouragement à une architecture plus osée, plus engagée pour la cause environnementale, plus à l’écoute des individus que des politiques économiques. La Maison qui fleurit est donc un ouvrage dont la lecture ne peut qu’être encouragée dans nos écoles et dans nos médiathèques… voire dans nos mairies.