Les défis de la coexistence confessionnelle au consulat lyonnais (1563-1567)

1562 Lyon connaît devint des affrontements confessionnels, les protestants s’empare de la cité, le 30 avril 1562. Un an plus tard l’édit d’Amboise (15 juin 1563), devait rétablir la paix dans tout le royaume de France. Le roi imposa à Lyon, Orléans et Caen un partage des charges municipales entre catholiques et protestants. Ils devront apprendre à gouverner une ville divisée. Pour comprendre les relations qui se jouent entre eux de 1563 à 1567 il est nécessaire de connaître le contexte économique, politique et social de la montée de la Réforme à Lyon, mais aussi de l’empreinte dans l’esprit de la population et des échevins les événements de 1562.

La « Bonne ville » devant la montée de la réforme protestante

Lyon au XVI e siècle : une capitale financière

Après un bref rappel de l’histoire de la ville au Moyen-Age, l’auteure décrit la ville de Lyon au XVIe siècle : une ville marchande cosmopolite qui accueille grands marchands et banquiers italiens, une ville d’imprimerie. Elle rappelle le rôle de métropole financière et décrit l’organisation sociale des métiers. Pour ce premier chapitre elle s’appuie sur la thèse de Richard Gascon, Grand commerce et vie urbaine au XVIe siècle. Lyon et ses marchands (environs de 1520-environs de 1580)1 et de Nathalie Z. Davis2.

Les institutions politiques lyonnaises

Les institutions politiques lyonnaises sont celle d’une ville franche et dominées par la bourgeoisie marchande. Le clergé et le peuple en sont exclus mais participent au sein des confréries présentes dans certains quartiers. Le consulat est l’organe central ; il est chargé d’assurer la garde de la ville et la sécurité à l’intérieur des murs. La description de son fonctionnement montre la concentration du pouvoir entre les mains des grandes familles marchandes lyonnaises qui peuvent prêter au roi. Toutefois le consulat doit tenir compte de l’autorité royale, représentée par le gouverneur et la sénéchaussée, ainsi que celui des chanoines de Saint-Jean et de l’archevêque de Lyon.

Les troubles religieux dans le royaume de France et à Lyon

L’auteure revient sur les débuts de la Réforme, ce qui rend son ouvrage accessible à tout public. Lyon a une situation propice à l’influence des idées nouvelles : carrefour commercial, proximité de Genève, vitalité des imprimeries. Les tensions entre communautés y sont fréquentes à la suite du contrôle de l’édition (Edit de Chateaubriant 1551) sans réaction du Consulat. C’est dans le contexte français de l’avènement du jeune Charles IX que les protestants, bien que minoritaires dans la ville, s’emparer du gouvernement dans la nuit du 29 au 30 avril 1562 et son maître des institutions à la fin de l’année. Ecclésiastiques et catholiques quittent la ville, accompagnés des marchands italiens ce qui ruine le s foires de la ville. Le 19 mars 1563, la paix d’Amboise est signée entre les réformés et les catholiques, avec l’appui du pouvoir royal. Les notables lyonnais protestant négocient et obtiennent que maréchal François Scépeaux de Vieilleville, partisan de la tolérance soit chargé du gouvernement de la ville. Le retour au calme est cependant lent. Les nouveaux consuls, catholiques et protestants doivent à la fois restaurer la paix, redresser l’économie de la ville et apprendre à travailler ensemble.

« De toute ancienneté et de manière accoustumée » : L’instrumentalisation des coutumes régulant le corps de ville

L’étude des délibérations consulaires (1563-1567) montre que les consuls eurent recours aux coutumes pour défendre leurs prérogatives confessionnelles.

Une tentative de pacification

Même si l’édit d’Amboise est contraignant la politique royale de pacification dépend beaucoup de la volonté des autorités locales. Le pouvoir des commissaires et des maréchaux envoyés par le roi est de courte durée. Après une évocation de la situation à l’échelle nationale, il est question de son application à Lyon. Malgré le recul des violences interconfessionnelles le travail des consuls est difficile.

L’auteur analyse en détail la période.

D’après les délibérations consulaires, les disputes portent sur le remboursement des emprunts contractés par le consulat protestant, la préparation des cérémonies civiques et la participation du corps de ville, la sous-représentation protestante au consulat et même l’ouverture des boucheries pendant le carême. La coutume comme source du droit joue en faveur des catholiques.

Le quorum de sept conseillers pour entériner une décision

Cette disposition de la coutume est la plus importante depuis que le roi a imposé en décembre 1564 la répartition inégalitaire : quatre consuls protestants contre huit catholiques. Le vote majoritaire est désormais un outil pour imposer les décisions sous couvert d’obéir au roi ou de satisfaire à la demande des Lyonnais. Devant cette situation les consuls protestants vont déserter leur charge pour paralyser les affaires de la ville dès que des conseillers catholiques sont absents.

L’hôtel commun : lieu incontournable de prise de décision ?

Aucune mesure votée par les conseillers n’est valide si la décision a été prise en dehors de l’hôtel de ville, lieu symbolique par excellence. D’autant que pour faire appliquer la paix d’Amboise, les commissaires royaux cherche un lieu de dialogue entre les religions, un terrain neutre où chacun pourrait faire entendre ses doléances.

Comme le montre l’analyse de certaines querelles, les deux partis vont s’affronter sur la question : qu’est-ce qui prime pour la validité de la décision le quorum ou le lieu ?

Les rituels civiques au service de la reconquête catholique

A l’époque moderne, dans les villes, les rituels et les fêtes favorisent la cohésion de la communauté et le sentiment d’appartenance envers la cité.

Si les processions étaient autrefois un moment de la vie de la cité elles deviennent des manifestations ostentatoire du culte catholique et perdent leur caractère de rassemblement.

Le rituel : généalogie d’une notion risquée

L’auteure évoque la nécessaire prudence dans l’interprétation des rituels et le décalage avec la notion contemporaine de rituel (concepts de rituel et de cérémonie). Les rituels contribuent à créer un ordre social, politique, une hiérarchie entre les individus. Ils servent aux puissants à véhiculer certains messages à la population.

Le serment : reflet d’une parenté consulaire

Dès 1563, les catholiques modifient le serment communal, rituel indispensable à l’entrée en fonction des conseillers lyonnais. Ils prêtent serment à la communauté, c’est donc un instrument du bon gouvernement. C’est dans le contexte de querelle à propos des dettes du consulat protestant que les catholiques instrumentalise le serment pour rejeter symboliquement la légitimité du consulat de 1562-1563.

« Anihiller et aboullir ce Dieu de paste » : quand la procession engendre la discorde

Les processions deviennent aussi un enjeu de pouvoir quand les consuls protestants refusent d’y participer. Comme dans bien des villes à l’époque, le calendrier est marqué par des cérémonies : messes célébrées par le consulat dans la chapelle du Saint-Esprit s’ajoutent, célébrations annuelles de la Saint-Thomas, de la Saint-Jean-Baptiste et plus rares, des entrées princières, des réceptions

d’ambassades… Dans ces fêtes Dieu est constamment mis en avant. La participation des conseillers de la cité est normale, d’autant qu’elles permettent de déployer des marques identitaires (armoiries de la ville, robes des consuls…). Des conseillers protestants comme Martin Noyer refusent alors de participer.

La méfiance marqua les rapports entre les conseillers catholiques et réformés jusqu’à la reprise

des troubles, en 1567.

L’ouvrage d’Ariane Godbout est un travail précis, documenté et mis en contexte pour être accessible au non spécialiste.

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1 Paris et La Haye, Mouton, 1971. 2 vol. in-8°, 1.000 pages. (École pratique des hautes études, VIe section. Centre de recherches historiques. Civilisations et sociétés, 22.)

2 Auteure de Les cultures du peuple : rituels, savoirs et résistances au 16 e siècle, Paris, Aubier-Montaigne, 1979, 444 p. Coll. « Collection historique ».