Pierre-Noël Giraud est professeur d’économie à l’Ecole des Mines. Il a publié « L’ l’inégalité du monde » et « Le commerce des promesses ». L’ouvrage présenté ici est une nouvelle édition entièrement revue et augmentée de l’ouvrage paru en 2008. C’est une vision souvent très orientée sur l’économie comme en témoigne l’annexe du livre qui revient sur quelques calculs et paramètres évoqués. En neuf chapitres, il propose un tour d’horizon autour de la mondialisation. Les événements ont été suffisamment nombreux depuis 2008 pour nécessiter effectivement une telle refonte.
D’où vient et quand commence la mondialisation ?
Au départ il y a donc la mondialisation. De façon très ouverte, l’auteur propose, selon ses propres termes, deux récits autour de la notion de mondialisation. Ces histoires mêlent des approches où les Etats, l’économie et la société n’ont pas le même poids. Le chapitre 2 s’intitule « état actuel de la mondialisation » L’auteur a le souci de progresser pas à pas dans la présentation des idées. Il rappelle donc quelques évidences pour cerner combien la mondialisation est une réalité économique incontournable. Ainsi, pour une paire de chaussures expédiée d’Asie le coût du transport maritime ne dépasse pas 0,50 dollar par paire. Cela représente moins que le coût de transport du port européen jusqu’au magasin distributeur. Il insiste sur les globalisations en cours et leur impact : globalisation numérique, financière ou des firmes par exemple. Il nuance le poids perdu des Etats.
Mondialisation et inégalités
Pierre-Noël Giraud choisit de replacer le débat dans un temps long en évoquant les théories économiques liées au libre-échange. Il propose pour cerner l’état actuel d’introduire un certain nombre de concepts comme firmes nomades ou sédentaires. Il entend par là distinguer les nomades qui tirent donc profit des différences entre territoires. Il poursuit avec le même concept lié aux emplois. Il y a ceux que les firmes mettent en compétition directe avec des emplois situés dans d’autres territoires. Ayant précisé quelques-uns de ses outils, l’auteur s’interroge sur le poids et le rôle de la mondialisation dans le processus de développement économique de l’Asie. Il souligne l’importance des politiques étatiques. Il consacre plusieurs pages au cas de la Chine et de l’Inde. Il montre que les deux pays ont bénéficié de la mondialisation à plusieurs titres : l’ouverture des marchés des pays occidentaux, l’importance des investissements directs étrangers par exemple. Cependant, les inégalités internes se creusent comme en témoigne l’évolution de l’indice de Gini. Le constat est nuancé sur l’Afrique. L’auteur souligne d’abord que le PIB par habitat a stagné voire régressé en Afrique subsaharienne durant les vingt dernières années. Il met en évidence quelques défis qui se poseront au continent : accueillir en ville en quarante ans 700 millions de personnes. Parmi les évolutions récentes, il y a aussi les liens à développer avec les pays émergents.
Point crucial : les fragmentations internes
Dans un autre de ses ouvrages Pierre-Noël Giraud soulignait déjà qu’il s’agissait selon lui du défi majeur à relever. Il souligne que risque de se poursuivre le laminage des classes moyennes. Il faut aussi s’interroger sur les règles du jeu de la mondialisation. Les firmes chinoises entre autres ont pu s’insérer dans la mondialisation et l’auteur pronostique que le chinois Huawei concurrencera fortement Apple. Il faudrait traiter avec ces nouvelles grandes multinationales selon le principe suivant : « bienvenue aux services et biens, mais à condition qu’ils soient en partie produits sur le territoire européen » En revanche, l’auteur ne croit pas trop aux taxes pour rétablir des équilibres.
La finance est-elle coupable ?
Pierre-Noël Giraud se situe très clairement en dehors de tous les appels à brûler Wall Street. Pour argumenter, il progresse là aussi pas à pas en essayant de rappeler quelques fondamentaux économiques. La finance assure deux fonctions essentielles : rassembler la monnaie qu’un certain nombre d’individus ne compte pas utiliser tout de suite et la mettre à disposition des entrepreneurs, et organiser des marchés d’échange des risques qui sont liés à tout investissement. Il revient sur les dérives de la finance et consacre plusieurs pages claires au mécanisme de ce qui s’est passé depuis la crise des « subprimes ». Il se montre assez sceptique sur d’éventuelles réformes du système financier car « …on peut faire confiance à l’innovation financière pour se jouer des règles ».
Voici donc un ouvrage bref, mais informé sur la mondialisation, qui prend néanmoins le temps de réinscrire un certain nombre de débats en utilisant le temps ou les approches théoriques. Il veut surtout ne pas céder à toute approche simpliste. Un ouvrage à lire en contrepoint d’autres sur le thème de la mondialisation.
Jean-Pierre Costille © Clionautes